"Les exploitations bio affichent une bonne santé financière"

Les filières (comme les fruits) ayant une part plus importante de production issue de l’AB ont enregistré moins de défaillances d’entreprises sur la période 2012-2016. Photo : PhotoSG
L'assureur-crédit Coface a publié le 12 décembre une étude qui s’interroge sur l’avenir de la filière du bio en France. "Le secteur est-il condamné à renier ses principes ?"
Le marché des produits bio connaît une croissance à deux chiffres depuis 2014 et devrait progresser en 2017 de près de 14%, soit un chiffre d'affaires de plus de 8 milliards d'euros, selon les estimations. "Malgré son poids encore modeste (3,5% en 2016) dans le marché agroalimentaire, la consommation de produits bio ne cesse de progresser (69 % des Français en ont consommé au moins une fois par mois en 2016, + 25 points depuis 2012) et surtout devient plus fréquente", indique l'assureur-crédit dans son étude. En 2016, 15 % des français en ont consommé quotidiennement, soit  + 7 points par rapport à 2012, selon des données de l'Agence Bio et de CSA.

Une baisse des défaillances d’entreprises dans la filière fruits

L'assureur-crédit observe que le dynamisme du secteur bio se traduit par une diminution relative des défaillances par rapport aux acteurs de l’agriculture conventionnelle. Les filières qui ont une part plus importante de production issue de l’agriculture bio sont aussi celles qui ont enregistré moins de défaillances d’entreprise sur la période 2012-2016, alors que dans l’ensemble du secteur les défaillances ont progressé de 4,9% par an. Ainsi, on constate une baisse des défaillances dans la filière fruits (part de 14,8 % / baisse de 5,6 %) et la viticulture. À l’inverse, l’élevage de vaches laitières, de volaille, de porcs et les grandes cultures, moins concernées par le mode de production bio, ont enregistré une hausse plus importante des défaillances.

De plus, les filières davantage converties à l’agriculture bio ont fait preuve de plus de résilience, d’après Coface. Une augmentation de 10 % de la part du bio dans la production totale d’une filière est associée à une baisse de 11 % des défaillances d’entreprise.
 

"Une mutation inévitable"

Selon Coface, si la part des surface cultivées en France selon le mode bio a progressé suite au pic de conversions enregistré depuis deux ans, sa part dans la surface agricole utile totale reste modeste (6,5 % au premier semestre 2017) et inférieure à la moyenne européenne. "Une hausse marquée de l’offre est attendue prochainement grâce à une vague de conversions lancée entre 2014 et 2016, mais la dynamique de la consommation est telle que la filière devra sans doute muter pour accroître ses rendements et son échelle de production. Sinon, elle sera contrainte de recourir encore plus aux produits importés." La part des biens importés a progressé en 2016, pour la première fois depuis 2009, pour s’établir à 29 % des produits bio consommés.
 
Pour l’assureur-crédit, la mutation du secteur bio semble inévitable malgré son dynamisme et une relative solidité.
"La trajectoire dépendra largement de sa capacité d’accroître les rendements qui sont généralement inférieurs à ceux des surfaces conventionnelles de 19 % à 25 %. Le recours à l’innovation pour aller vers une agriculture de précision (utilisation de capteurs, simplification  de la logistique) et l’augmentation de la taille des exploitations peuvent y contribuer."
Ainsi, "la volonté d'une partie des agriculteurs bio français de conserver une taille « humaine » en opposition à une agriculture conventionnelle sera mise au défi face à une tendance inévitable à l'agrandissement des exploitations et à la concentration du secteur de la distribution bio", estiment les auteurs de cette étude. Ils mettent en avant la "force de frappe considérable" des grands groupes français de la distribution, avec une part de marché de 45 % contre 30 % pour les distributeurs spécialisés en réseau. "D’un côté, leur stratégie expansionniste pourrait accélérer le développement de la filière et faciliter l’accès aux nouveaux consommateurs, mais de l’autre côté, elle augmenterait le risque de forte dépendance pour les acteurs bio avec, en conséquence, d’importantes pressions baissières sur les prix payés aux producteurs."

Selon Coface, le scénario d’un marché bio dénaturé de certains de ses fondements originels, comme les circuits courts, la faible empreinte carbone, l’ancrage social ou la répartition équilibrée de la valeur produite, pourrait devenir réalité en cas de passage trop rapide à un financement par le marché.
"La rémunération par le marché nécessite que la filière soit mature pour pouvoir compenser la perte de revenus due à la suppression des aides publiques par une hausse de rendements. De plus, une potentielle hausse des prix risquerait de produire un effet discriminatoire sur certaines catégories de consommateurs ou de les orienter vers des produits importés à moindre coût."
"Au final, l’essor de la consommation de produits bio entraînera nécessairement une mutation de la filière, qui pourrait tantôt être interprétée comme une adaptation, tantôt comme un renoncement à ses principes originels", conclut l’étude.