L’arrêté du 5 juillet 2024 a fixé les conditions d'implantation et de contrôle des installations agrivoltaïques et complète le décret sur l’agrivoltaïsme publié le 9 avril dernier. Enfin. Car l’agrivoltaïsme se développe en France et dans les pays frontaliers. Les raisons du succès ? Un modèle de coopération dit « gagnant-gagnant » entre les professionnels de la terre et les acteurs du secteur de l’énergie.
Un décret pour encadrer
L’engagement du conflit russo-ukrainien a eu pour conséquence une forte envolée des coûts de l’énergie. Le secteur agricole n'a pas été épargné. Sans compter la récurrence des aléas climatiques de tout ordre. L’agrivoltaïsme apparaît alors comme une promesse pour pallier ces problématiques, un axe de développement fort pour l’avenir des deux secteurs professionnels.
Afin de garantir un cadre d’exploitation serein pour les deux parties, un décret a été publié le 9 avril, et entré en application un mois plus tard. Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, avait alors précisé : « L'agrivoltaïsme avait besoin d'un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles. » Un décret très attendu depuis l'entrée en vigueur de l'article 54 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper).
Le décret du 9 avril 2024 pose le cadre de deux activités :
- l'agrivoltaïsme, qui désigne des installations associées à des pratiques agricoles (culture ou élevage), permettant le maintien de la production et apportant un bénéfice agronomique ;
- le développement de projets photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, qui ne sera, quant à lui, possible que dans des zones incultes ou non cultivées.
Concrètement, l'agrivoltaïsme implique de donner, sur les terrains exploités, la priorité à la production agricole sur la production d'énergie. Une limite de 40 % de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques est posée, pour diminuer les risques de baisse des rendements. En pratique, le maintien de la production agricole sera contrôlé et mesuré par différents moyens par les Directions départementales des territoires (DDT), dont la comparaison aux rendements observés sur des parcelles témoin.
Si certains ont pu avoir des pratiques douteuses, aujourd’hui, le cadre est posé et une chose est claire : la production doit être au moins égale à 90 % de celle observée dans une parcelle témoin.
Recherche et innovations pour l'amélioration des performances
Ces dernières années, les installations agrivoltaïques se sont multipliées dans tous les bassins de productions. Plusieurs sociétés ont déjà de nombreuses réalisations de serres photovoltaïques à leur actif.
Si le secteur évolue vite, il est encore difficile de prendre du recul. Les diverses installations agrivoltaïques en arboriculture sont en phase « test ». Cela signifie que des ajustements techniques et une optimisation destinée à améliorer tant la production agricole, que celle d’électricité sont encore à prévoir.
À l’été 2024, de nombreuses firmes spécialisées travaillent sur leurs propres solutions techniques pour améliorer l’efficacité des structures.
En Suisse, Insolight perfectionne et teste sur des parcelles témoins, son système Insolagrin, déjà adoptée dans sa version initiale par trois exploitations agricoles. Les panneaux photovoltaïques deviennent « bifaciaux », et intègrent un écran réfléchissant rétractable. L’installation s’adapte alors en permanence aux conditions lumineuses.
En cas de fort ensoleillement, la production d’électricité est privilégiée. L’écran est déployé accentuant le renvoi de l’énergie solaire vers les panneaux inférieurs. Le tout en assurant de l’ombre au sol. Dans les conditions contraires, l’écran est rétracté pour laisser passer le maximum de luminosité vers les cultures. La photosynthèse est ainsi améliorée, favorisant le rendement.
Chez BayWar.e., c’est le système Agri-PV qui est leader. Plus simple de conception, il permet de réduire les coûts. La structure est composée de panneaux semi-transparents. Les dimensions et le type de verre employé sont étudiés pour laisser passer 49 % de la luminosité. Un taux qui permet d’avantager les plantes en restant suffisamment efficace selon toutes les conditions météo. Ce type de montage serait plus indiqué dans des régions à l’ensoleillement modéré.
EDF Renouvelable a de son côté, développé un site d’essai à Ecuelles en Seine-et-Marne, pour tester diverses avancées sur les panneaux photovoltaïques. L’entreprise se concentre en particulier sur des systèmes d’orientation mobiles montés sur «trackers » pour rendre les installations plus adaptatives. Avec la faculté de pivoter pour suivre la « course du soleil », ce type de structure offre une meilleure capacité de production d’énergie.
A contrario, le groupe Reden, n’est pas convaincu par ce type de système dynamique. Selon lui, la maintenance mécanique imposée, les risques de pannes et les coûts engendrés peuvent nuire à l’efficacité globale.
Les retours d’expérience d’entreprises agricoles utilisant ces divers systèmes laissent à penser, pour l’instant, que ces solutions peuvent coexister, et le bon choix dépend de la latitude où est située la parcelle, de sa superficie, du climat de la région ainsi que du type de culture abritée.
>>> Retrouvez nos articles présentant des projets de serres photovoltaïques dans notre dossier « Cultures sous serre : se diversifier en maîtrisant son investissement et sa consommation d’énergie »
Quels points retenir ?
Une installation agrivoltaïque doit apporter directement à la parcelle agricole au moins l'un des objectifs suivants et sans compromettre l’un d’entre eux :
- amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques ;
- adaptation au changement climatique ;
- protection contre les aléas ;
- amélioration du bien-être animal.
Chaque projet agrivoltaïque doit s’assurer de laisser la priorité à la production agricole, la production d’énergie est un bonus. En cas de non-respect, les sanctions prévues peuvent imposer le démantèlement de la structure avec remise en état de la parcelle.
Enfin, le décret vient aussi encadrer les possibilités d’installations photovoltaïques au sol. Elles ne pourront utiliser que les terrains incultes, ou ceux non exploités depuis au moins 10 ans. Cette mesure est censée éviter qu’une parcelle agricole en perte de vitesse soit transformée en projet photovoltaïque.
France Agrivoltaïsme : un rôle de sentinelle
Créée en juin 2021, France Agrivoltaïsme est la première association spécialisée sur le territoire national. Son but : « promouvoir un agrivoltaïsme équitable, responsable et durable ». Pour assurer ces missions, 90 membres répartis à part égale entre 3 collèges (agriculture, énergie, technologies agrivoltaïques), sont à l’œuvre.
Le groupe met en avant un rôle de conseil, tant auprès des pouvoirs publics que des agriculteurs en questionnement…
France Agrivoltaïsme est en lien avec les collectivités territoriales et les Chambres d’agriculture confrontées au sujet. Les membres apportent leur éclairage sur les dossiers d’installations agrivoltaïques à étudier, afin d’aider les élus et représentants à choisir les projets les plus porteurs, ceux qui vont apporter un réel avantage à l’exploitant tout en fournissant un service de production d’énergie de qualité pour les habitants à proximité. « Nous essayons de réunir les acteurs de cette filière, dans toute leur diversité », précise Maxime Cumunel, délégué général de l’association. « Nous veillons surtout à garantir une équité de traitement entre les acteurs. Nous veillons aussi à ce que la règlementation n’offre pas des avantages à certains professionnels au détriment d’autres. »
France Agrivoltaïsme répond aux agriculteurs qui sont approchés par des constructeurs et des commerciaux. L’association aide les professionnels à identifier leurs besoins, afin qu’ils soient mieux armés pour choisir l’entreprise avec laquelle ils souhaiteront travailler, pour mettre en place un projet bien adapté aux caractéristiques de leur exploitation.