« Cet outil de production est une aubaine pour diversifier les productions sans endetter lourdement l’exploitation », explique Thierry Fournier, à la tête d’une exploitation céréalière de 200 hectares dans les Hautes-Alpes. Ce producteur a installé, en collaboration avec l’entreprise Reden, deux serres agrivoltaïques sur son exploitation.
En 2018, alors qu’il visite la serre d’un voisin, cet agriculteur rencontre un technicien de Reden, une entreprise française spécialisée dans le développement, la construction et l’exploitation de centrales photovoltaïques : « L’idée a fait progressivement son chemin. J’en ai parlé avec ma famille. Pour moi, ces serres représentent un atout pour la transmission de mon exploitation ; je serai à la retraite dans cinq ans. »
Après cette première rencontre, Thierry Fournier dépose un permis de construire, qu’il obtient cette même année. Pourtant, le chantier est retardé. « Mon projet a été très fortement contesté par une association de riverains qui a déposé à trois reprises un recours auprès du tribunal administratif », explique le producteur, qui affirme ne pas comprendre cette opposition. De son point de vue, les serres agrivoltaïques revêtent un intérêt pour la collectivité.
« Reden a monté deux serres agrivoltaïques d’un hectare chacune. En condition optimale, ces installations peuvent générer 2 mégawatts par heure. De plus, à l’échelle du territoire, ces serres diversifient la production locale qui est majoritairement tournée vers l’élevage. »
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Une production diversifiée pour un projet de vente directe
En janvier 2021, trois ans après l’obtention du permis de construire, les travaux débutent. Lorsqu’ils s’achèvent en janvier 2022, Thierry Fournier, diplômé d’un BTSA viticulture, plante 1.000 ceps dédiés à la production de raisin de table et 150 cerisiers. L’année suivante, il implante 1.000 plants de vigne supplémentaires : « L’encépagement a été raisonné afin d’étaler la production de raisin sur toute la saison. J’ai mis en culture du muscat de Hambourg, d’Italie et d’Alexandrie, mais aussi du chasselas et du Centennial, un raisin sans pépins. »
Comme cet agriculteur souhaite favoriser la vente directe, il met à disposition d’une productrice de légumes l’autre serre construite par Reden. « Naturellement, les serres agrivoltaïques doivent être situées à proximité d’un axe routier, car cela facilite le raccordement au réseau. La parcelle choisie se trouve à l’entrée de la commune de Laragne-Montéglin. Cet emplacement de choix favorise la commercialisation en direct des fruits et des légumes, car elle est facile d’accès », explique le producteur.
Avant la plantation de la vigne et des cerisiers, Thierry Fournier apporte 50 tonnes de fumier de brebis sous chacune des serres, puis plante ses jeunes fruitiers sur buttes : « Reden prend en charge le coût lié aux serres et à leur implantation. De plus, l’entreprise assure l’entretien de la structure. Il revient à l’exploitant de s’équiper du matériel nécessaire à la mise en culture. Le système d’arrosage et de fertirrigation m’a coûté 20.000 euros. »
Ce producteur a installé des lignes d’arrosage avec des goutteurs tous les 50 cm, qui débitent 1 l/heure. Tous les quinze jours, il apporte 18 l d’une solution riche en azote et en potasse pour favoriser la croissance et l’enracinement des végétaux.
Les serres : un outil à maîtriser
La gestion du climat s’effectue à l’aide d’ouvrants situés sur les côtés et sur les lucarnes de toit : « La gestion du climat est assez simple. Cependant, j’ai commis une grave erreur cette année à la suite du conseil d’un technicien spécialisé en PBI », relate Thierry Fournier.
En effet, comme ce producteur n’a pas encore terminé la plantation de tous les fruitiers, il a mis en culture des tomates et des pastèques sur la surface couverte non exploitée. Afin d’améliorer la pollinisation de ces deux espèces, le producteur a commandé des bourdons. Sur les conseils du fournisseur d’insectes, l’exploitant a fermé la serre pour éviter que les insectes ne s’échappent. Résultat, en 3 heures, la température à l’intérieur a atteint 60 °C. « En conséquence, les ceps plantés en 2023 ont tous séché. De plus, j’ai dû rabattre les cerisiers à 1,5 m, alors que les arbres dépassaient les 3 m avant cet incident », déplore le producteur.
Une première saison sans traitement
Pourtant, malgré cet accident cultural, Thierry Fournier se dit satisfait de sa saison. Pour commencer, le producteur n’a pas eu à traiter ses fruitiers.
« Les serres diminuent la pression au niveau des maladies cryptogamiques. De plus, j’ai pu commercialiser mes premières cerises. Évidemment, c’est une petite récolte d’à peine 100 kg, mais mes inquiétudes sur la nouaison et la fructification sont levées. Les cerises sont bien rouges, bien formées et elles ont du goût. Quant au raisin de table, la première récolte semble prometteuse. »
Pour limiter la présence d’insectes ravageurs et notamment la drosophile du cerisier, Drosophila suzukii Matsumura, le producteur équipera les ouvrants latéraux de filets anti-insectes. Les ouvrants de toiture, eux, ne sont pas concernés par cette installation, car le vol de la drosophile ne semble pas atteindre plus de 3 m de hauteur. Or, la structure de la serre est, au plus bas, à 4,60 m de hauteur.
Thierry Fournier a contractualisé la location de l’emplacement dédié à la structure porteuse, si bien que la surface située sous la structure reste à sa disposition. Ce contrat s’étend sur 30 ans, à l’issue duquel Reden propose plusieurs options dont le démantèlement. En revanche, si le producteur souhaite poursuivre l’exploitation de la serre et de sa partie photovoltaïque, l’ensemble de la structure devient sa propriété.
« D’après le constructeur, un panneau solaire bien entretenu perd seulement 0,4 % par an de sa capacité de production d’énergie. La structure devrait donc produire 88 % de sa capacité initiale au bout de 30 ans », conclut l’exploitant.
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