Spécial sous serre • Serre agrivoltaïque : le bon compromis

En 2010, Johan Bernardin, maraîcher en Charente-Maritime, souhaite agrandir son exploitation. Objectif : construire des serres pour augmenter et diversifier sa production. À l’époque, le coût d’une telle structure compromet son projet. Pourtant, aujourd’hui, cet exploitant cultive trois hectares sous abris. Cet outil de production, il le doit à sa collaboration avec Reden, une entreprise française spécialisée dans le photovoltaïque.

Sous serre agrivoltaïque, Johan Bernardin estime produire en moyenne 30 kg de tomates par pied greffé.

© Léa Fréhel/Pixel6TM

« Pour construire 3 hectares de serre en verre, j’aurais dû engager au moins 3 millions d’euros. En 2010, lorsque j’ai imaginé ce projet de cultures sous abris, les banques ne m’auraient pas suivi, déclare Johan Bernardin, producteur de légumes en Charente-Maritime. À l’époque, j’avais à peine 23 ans, mon exploitation n’était pas située dans un bassin de production maraîchère et je venais de m’installer hors cadre familiale. » Pourtant, aujourd’hui, ce maraîcher de 36 ans emploie 12 collaborateurs permanents et cultive 3 hectares de légumes sous abris et 17 hectares de légumes de plein champ.

Le projet d’agrandissement de cet agriculteur se précise en 2012, à l’occasion du Sival. Il y rencontre un technicien de Reden, une entreprise spécialisée dans le développement de grands projets photovoltaïques.

Trois ans plus tard, Johan Bernardin cultive 3 hectares sous abris : « L’ensemble des serres agrivoltaïques de la ferme a été financé par Reden qui les exploite pour la production électrique. Cette entreprise en assure également l’entretien. De mon côté, j’ai investi 400.000 euros pour financer les équipements liés aux cultures : irrigation, nacelles électriques, pompes doseuses, chambres froides et système de récupération d’eau. »

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Des plantes poussées à leur plein potentiel

Du point de vue de ce maraîcher, ce type d’infrastructure représente une bonne opportunité pour des jeunes agriculteurs installés en dehors des zones de production : « Évidemment, lorsque l’on s’installe dans le bassin nantais, il existe d’autres possibilités de financement. En revanche, dans des territoires où la production maraîchère est peu structurée, ces serres agrivoltaïques sont un bon compromis. En effet, elles requièrent une adaptation de la production en comparaison aux serres classiques mais allègent les charges de structure et rendent des projets comme le mien possibles. »

Au niveau technique, Johan Bernardin confie avoir essuyé quelques déconvenues les premières années.

« Je n’avais pas de références sur lesquelles m’appuyer, car j’étais l’un des premiers maraîchers à cultiver sous une serre agrivoltaïque. Au début, j’ai produit beaucoup de feuillage en raison de l’intensité lumineuse. »

Aujourd’hui, ce producteur pousse ses cultures à leur plein potentiel. Par exemple, pour l’ensemble des variétés de tomates, Johan Bernardin estime produire en moyenne 30 kg par pied greffé, autant que sous une serre classique.

S’adapter à l’intensité lumineuse

De ses huit années d’expérience sous abris agrivoltaïque, ce maraîcher souligne trois points essentiels à retenir : « La seule variable qui diffère des cultures sous abri classique est la lumière. Pour certaines espèces, il est nécessaire de diminuer la densité de plantation afin de limiter la concurrence. De plus, il convient de limiter les apports d’azote pour éviter la production de feuillage tous azimuts et aussi de sélectionner des variétés les plus adaptées. »

Sous une serre agrivoltaïque, il convient de limiter les apports d’azote pour éviter la production de feuillage et de sélectionner des variétés adaptées.

© Léa Fréhel/Pixel6TM

Aujourd’hui, le producteur a réduit de plus de 50 % ses apports d’azote et choisit des variétés de concombres et tomates à entre-nœuds courts. De plus, il a banni certaines cultures d’hiver de son assolement telles que les salades, pour ne citer qu’elles. « Outre ces points spécifiques, les cultures se conduisent de la même façon que sous une serre en verre. Je produis des fraises, des tomates, des concombres en été, et de la mâche, des radis, des blettes ainsi que des endives en hiver. »

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Le producteur insiste sur l’importance de cet outil de production pour son exploitation.

Pour commencer, les conditions de travail sont moins rudes qu’en plein champ, ce qui diminue la pénibilité et fidélise ses collaborateurs. De plus, la pression des maladies cryptogamiques est allégée, et la protection biologique intégrée plus facilement gérable qu’en plein champ.

Ce n’est pas tout. Pour ce producteur, ces infrastructures sont aussi une réponse aux changements climatiques.

« L’été, la présence d’ombre diminue le risque de brûlure des végétaux. Je n’ai ni besoin de blanchir mes serres ni besoin d’investir dans des toiles d’ombrages. Pour finir, en conditions optimales, ces serres peuvent produire jusqu’à 3 mégawatts par heure. »

Mettre en commun l’expérience acquise

Johan Bernardin est référent maraîchage pour Reden dans le cadre de l’accompagnement proposé aux exploitants sous serres. Il est aussi président de l’alliance EVA, une association qui rassemble des producteurs sous serres agrivoltaïques pour la mise en commun de données techniques.

« Les projets sont ralentis pour toutes sortes de raisons. Je pense qu’il ne faut pas se tromper de combat. Pour moi, il est important de produire localement afin de limiter les importations. Ces serres sont des outils utiles qui favorisent le développement de la production maraîchère dans les départements », répète plusieurs fois l’exploitant, qui valorise l’ensemble de sa production en Charente-Maritime.

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