« Au sein de nos magasins, nous essayons de développer au maximum les approvisionnements locaux, notamment en fruits et légumes, et y compris en région parisienne, car il y a une vraie attente des consommateurs sur cet axe, reconnaît Pierre-Yves Fournet, directeur général des enseignes So.bio et Bio c’Bon depuis avril 2022. Certains clients nous reprochent en effet des références étrangères. »
Derrière la mise en avant d’approvisionnements régionaux, l’atout bas carbone est central. « C’est un élément de différenciation, avec une attente de plus en plus forte des clients. Certes, ils ne seront pas prêts à payer n’importe quel prix pour cela, mais nous avons un effort de pédagogie à faire tous ensemble pour expliquer le sujet ! »
Contrats pluriannuels
Cette ambition, So.Bio la mettait en œuvre avec son partenariat stratégique, signé à l’automne 2023, avec Écolience, une exploitation agricole du sud-Vienne. Ce partenariat commercial correspond à un engagement de volumes sur des produits issus de l’exploitation poitevine, avec des contrats pluriannuels.
Les graines de courge étaient le premier produit structurant ce contrat en 2021. Désormais, plusieurs références font l’objet d’accords de distribution, dont certains sous la marque « Sans détour » issues d’ingrédients cultivés dans un rayon maximal de 100 km : lentilles et pois chiche en vrac, pâtes, huiles et bières artisanales. En 2024, les farines d’Écolience seront aussi intégrées à la démarche.
Pierre-Yves Fournier se dit fier de soutenir « un projet d’une dimension unique en France, qui doit aider la filière bio à se réinventer en proposant une démarche de distributeurs, tournée vers le consommateur, tout en maintenant un niveau d’exigence et de qualité important. Pour un distributeur comme So.bio, il est indispensable de se tenir à leurs côtés ».
Le contrat fixe un niveau de prix et des volumes garantis sur trois ans mais garde une certaine souplesse en cas d’évolution des marchés, précisent les partenaires. « Cela donne de la visibilité, mais nous ne nous interdisons pas de faire du commerce », reconnaît le directeur.
260 ha et 12 ateliers
Lancé en 2021, le projet Écolience traduit un concept nouveau : une exploitation diversifiée bio sur 260 ha, dont l’ensemble des produits sont valorisés au sein de 12 ateliers de transformation.
Derrière cette idée : Frédéric Grünblatt et Marlène Castan. Après une carrière fructueuse dans le milieu de la bio commencée en 1987, ayant notamment géré un réseau de magasins spécialisés bio (Rayons verts services), puis un grossiste en ultra-frais bio (Vitafrais), le couple d’entrepreneurs de Reims a choisi un projet « du champ à l’assiette ».
Dans les champs, 22 cultures différentes sont mises en rotation, à destination de l’alimentation humaine. Blé, orges, lentilles, pois chiche, cameline, tournesol, courges, etc.
« En 2022, nous avons travaillé 1.400 t de matières premières, issues d’un rayon de 8 km en moyenne. L’objectif est aussi d’être bas carbone, pour répondre aux enjeux du changement climatique », insiste Frédéric Grünblatt. Écolience espère collecter 8.000 t à l’horizon 2028, avec l’apport de producteurs partenaires.
Pâtes, huiles, bières, pains, mais aussi gâteaux et bientôt plats préparés. Ces productions sont réalisées dans les laboratoires de l’unité de 4.000 m². « Nous sommes sur des ateliers de type gros artisan », explique Claude Mary, le directeur général d’Écolience.
Marché en recul de 16 %
« Avec un marché du bio à + 12 % de croissance à notre lancement de projet, nous avions envisagé une progression à seulement 2 % pour être en sécurité, mais nous n’avions pas imaginé un recul de - 16 % », reconnaît Frédéric Grünblatt, qui se veut pourtant confiant.
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« Nous devons créer des partenariats avec des enseignes spécialisées, comme avec So.bio, sans s’interdire la grande distribution régionale, et ajuster l’offre en fonction de la demande, comme déjà davantage de fûts de bière auprès du réseau des cafés hôtels-restaurants locaux demandeurs, la réduction de la boulangerie au profit de la biscuiterie ou les prestations de triage de graine auprès d’agriculteurs bio du secteur également en attente ! »
La boutique sur site devrait également ouvrir prochainement, avec une ouverture sur la transmission (public de scolaires, séminaires, etc.).
À quelques centaines de mètres du site principal, une chèvrerie accueille pour l’heure 220 chèvres de race poitevine en lactation, pour monter prochainement à 450. Le lait sera valorisé grâce à la transformation fromagère sur place en septembre 2024.
Enfin, une maraîchère, fraîchement installée sur 4 ha, complétera les ressources d’Écolience avec un panel de légumes, voués à être intégrés aux différentes recettes.
14 M€ investis
Une vingtaine de salariés travaillent sur l’unité de production. L’entreprise s’est donné cinq ans pour atteindre 60 à 70 salariés. L’investissement imaginé à 8 M€, finalement établi à 12 M€, s’est terminé à 14 M€ du fait de la hausse des matériaux et de choix techniques.
Pour Pierre-Yves Fournet comme pour Frédéric Grünblatt et Marlène Castan, cette nouvelle forme de partenariat étroit amène à changer la relation entre les maillons de la chaîne du bio.
« Il n’est plus question uniquement d’achat/vente, mais de la construction d’un projet pour soutenir l’agriculture, qui dépasse le schéma d’appels d’offres qui a participé à déstabiliser les fondamentaux de la bio », terminent les partenaires, qui espèrent voir essaimer les initiatives comme Écolience dans toute la France, une fois la preuve du concept validée.
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