Les Français consomment près de 30.000 tonnes de cornichons par an. Ces derniers proviennent à 80 % d’Inde et à 20 % des pays de l’Est et de Turquie. Alors que la France était un bon producteur de cornichons, la filière s’est délocalisée dans les années 1990. La réduction des coûts de production et la possibilité de cultiver des cornichons toute l’année sont les principales raisons de cette délocalisation.
Relance de la production locale
Entre 2000 et 2010, Reitzel acquiert deux conserveries dans la Sarthe et dans le Loir-et-Cher. L’idée vient alors de relancer la production de cornichons en France. « Deux agriculteurs ont suivi l’industriel et ont participé à cette relance. Des 50 tonnes récoltées en 2016, nous sommes à plus de 800 tonnes en conventionnel et en bio. », indique Léopoldine Mathieu, responsable filières et développement durable Reitzel.
Les 26 producteurs sont basés dans le Loir-et-Cher, dans la Sarthe, le Maine-et-Loire, le Cher, le Loiret, en Bretagne et en Alsace. Chaque année, la filière, en construction, progresse.
En 2019, Sophie Bediou et son conjoint Olivier Dubois, installés à Vornay dans le Cher, et accompagnés par Reitzel, ont planté 2.500 m2 de cornichons. Aujourd’hui, près d'un hectare est dédié à cette cucurbitacée. « Pour se lancer, il fallait un système d’irrigation, de la main-d’œuvre et une chambre froide », indique-t-elle. Sur sa parcelle, Reitzel estime le potentiel de rendement à 13.000 kg/ha, potentiel ensuite réparti en fonction des différents calibrages.
Proximité et accompagnement
Pour faire renaître la filière en France, Reitzel a mis l’accent sur la proximité et l’accompagnement. Les producteurs s’engagent sur des contrats pluriannuels et le groupe les rémunère sur cinq calibres de cornichons avec cinq tarifs différents.
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« Nous aidons les producteurs dans leur projet. Nous leur fournissons un itinéraire technique et sommes disponibles à tout moment. Avec de petits volumes, la recherche variétale peine à se développer, Reitzel a choisi de mettre en place des plateformes d’essais pour répondre aux besoins des producteurs », assure Léopoldine Mathieu.
L’accompagnement passe aussi par une assurance récolte proposée par le groupe. « Si la récolte est impossible, Reitzel rembourse les frais d’installation de mise en culture », précise-t-elle.
Pour planter, Sophie Bediou, Olivier Dubois ainsi que deux autres producteurs du secteur ont investi dans une dérouleuse - plastifieuse - buteuse. « La machine fait une planche, insère le tuyau goutte-à-goutte et pose la bâche biodégradable simultanément », précise l’agricultrice. Le goutte-à-goutte à la plantation avec une irrigation quotidienne est indispensable. Cela permet de limiter le développement des maladies. Le cornichon est très sensible au mildiou. Celui-ci va s’attaquer aux feuilles qui brunissent puis, le cas échéant, peut détruire le pied entier.
Une récolte manuelle gourmande en main-d’œuvre
Si la culture du cornichon est relativement accessible, la gestion de la récolte l’est beaucoup moins. Semé mi-mai, le cornichon a une croissance rapide. Il est donc nécessaire de ramasser les fruits tous les jours, avant qu’ils ne deviennent trop gros.
En France, ce sont surtout les petits calibres qui sont appréciés par les consommateurs. « Les producteurs ont une grille de calibres à respecter. Le petit calibre sera mieux valorisé au kilo que le plus gros », ajoute Léopoldine Mathieu.
Cela dit, la main-d’œuvre représente 80 % du coût de production. Il faut compter entre 3.500 et 5.000 h/ha, soit une quinzaine de cueilleurs à l’hectare pour la période de récolte en juillet-août. Une période qui n’est pas propice pour trouver de la main-d’œuvre française.
Sophie Bediou, comme d’autres, fait appel à des cueilleurs étrangers. « Nous travaillons du lundi au samedi, en suivant le soleil. C’est très physique, car le cornichon est à même le sol, il faut ramasser les petits cornichons délicatement sans casser le pied. Avec le soleil qui reflète sur la bâche noire, il fait chaud », explique-t-elle.
Une fois les cornichons récoltés dans des caisses dédiées de 12 à 15 kg, ils sont placés en chambre froide. Pour une meilleure conservation, Reitzel encourage ses producteurs à ne pas trop remplir les caisses afin de permettre une meilleure ventilation des cornichons.
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En bocal, en rondelles ou en lamelles
Un transporteur réalise un ramassage deux à trois fois par semaine durant toute la période de récolte. Les cornichons peuvent se conserver deux à trois jours au frigo sans perdre en qualité ou en croquant. Une fois à l’usine, ils sont calibrés, lavés à l’eau froide et mis en bocal.
Le producteur est informé, à l’arrivée de son lot, du volume de cornichons livrés ainsi que leur calibrage. Reitzel sait valoriser tous les calibres et s’est notamment équipé d’une machine qui coupe en rondelles, en cubes ou en tranches.
Les cornichons sont vendus en GMS sous la marque Hugo depuis octobre 2022, une marque française qui permet de mieux différencier le cornichon indien du cornichon français dans l'offre de Reitzel. Et si Sophie Bediou a fait confiance à Reitzel, c'est aussi pour jouer la carte du 100% local. Ses cornichons sont lavés et conditionnés dans l'usine basée à Montrichard dans le Loir-et-Cher.
Diversification : création d’un atelier de transformation
Si Sophie Bediou s’est lancée dans l’aventure Reitzel en 2019, son ambition ne s’arrête pas là. Depuis septembre 2021, elle transforme ses pommes de terre sur son atelier de transformation. Une chambre froide aménagée par ses soins et posée au pied de la ferme. « Je transforme des pommes de terre vendues sous-vide entières, en lamelles ou en frites. Je travaille avec la plateforme AgriLocal 18 », indique-t-elle. Dans le Cher, la plateforme Agrilocal favorise les circuits courts en mettant en relation des producteurs, transformateurs locaux et acheteurs publics et privés. Avec son atelier de transformation, Sophie Bediou espère proposer d'autres produits à ses acheteurs.
Elle a en effet pour objectif de transformer les autres légumes de son exploitation. Et ils sont nombreux. En plus des cornichons, Sophie cultive une large gamme de légumes anciens et envisage même de créer un verger composé de variétés anciennes du Berry, en partenariat avec la société pomologique du Berry.
La grande spécificité de l'exploitation c'est aussi la truffe. Sophie Bediou, présidente de la fédération régionale de trufficulture cultive « l'or noir made in Berry » sur 3,5 hectares.
Sophie Bediou aime le local et souhaite, avec son activité maraîchère et son atelier de transformation valoriser les richesses de son terroir et défendre les circuits courts.
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