« L'agrivoltaïsme avait besoin d'un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles », selon Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. C'est chose faite avec le décret publié au Journal officiel, le 9 avril.
Il pose le cadre de deux activités :
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l'agrivoltaïsme, qui désigne des installations associées à des pratiques agricoles (culture ou élevage), permettant le maintien de la production et apportant un bénéfice agronomique ;
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le développement de projets photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, qui ne sera, quant à lui, possible que dans des zones incultes ou non cultivées.
Principe de non-concurrence
Pris en application de la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper) de mars 2023, ce décret était attendu. Il vise en effet à développer les énergies renouvelables dans le secteur agricole, tout en protégeant les actifs agricoles, grâce au principe de non-concurrence entre activités agricoles et production d'énergie posé par la loi.
Concrètement, l'agrivoltaïsme implique de donner, sur les terrains exploités, la priorité à la production agricole sur la production d'énergie. C'est la raison pour laquelle les acteurs locaux réunis au sein de la Commission départementale de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPenaf) seront mobilisés pour analyser les projets et retenir les meilleurs pour l'agriculture, au travers d'un avis conforme devant être suivi par les services de l'État et nécessaire à tout projet agrivoltaïque.
Une limite de 40 % de taux de couverture des sols
Une limite de 40 % de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques est posée, pour diminuer les risques de baisse des rendements. En pratique, le maintien de la production agricole sera contrôlé et mesuré par différents moyens par les Directions départementales des territoires (DDT), dont la comparaison aux rendements observés sur des parcelles témoin.
Le rendement agricole doit être maintenu
Le décret précise à cet égard que le rendement agricole doit être maintenu pour l'ensemble de l'installation agrivoltaïque. Dans le cas des cultures, par exemple, la production doit être au moins égale à 90 % de celle observée dans une parcelle témoin. Ce critère fera l'objet de contrôles spécifiques auprès des porteurs de projet et les sanctions en cas de non-respect pourront aller jusqu'au démantèlement de l'installation en question avec remise en état de la parcelle.
Modalités de contrôle
En cas de fraude avérée, la suspension ou la résiliation du contrat de rachat de l'électricité pourra aussi être mise en œuvre. Un arrêté ministériel en consultation jusqu'au 5 avril précisera dans les prochaines semaines les modalités de contrôle des installations.
Espaces au sol clairement définis
En outre, le décret prévoit que le photovoltaïque au sol ne sera possible que dans des espaces clairement définis par les chambres d'agriculture, au travers de « documents cadres ».
Ceux-ci devront intégrer les terrains incultes, les terrains non exploités depuis 10 ans ou plus ainsi que des parcelles réputées propices à l’accueil de tels projets (friches industrielles, anciennes carrières, plan d'eau, etc.). Ces dispositions permettent de s'assurer qu'un terrain récemment cultivé ne pourra pas être transformé en champ photovoltaïque au sol.
Alors que l'agrivoltaïsme fait débat, notamment sur le taux de couverture maximal du photovoltaïque agricole, au point que quelque 350 organisations ont publié, en septembre 2023, une tribune dans Mediapart, rejetant ce qu'elles considèrent comme la vision « d'une transition écologique allant vers une société de surconsommation ultra-connectée » et appelant à une opposition à tous ces projets photovoltaïques, le décret qui vient de paraître devrait rassurer, à défaut d'éteindre toutes les polémiques.