Certains en profitent, d'autres en pâtissent. C'est souvent le cas des traités de libre-échange et celui qui concerne l'Union européenne et le Canada, signé fin 2016, adopté par le Parlement européen fin 2017 et appliqué provisoirement depuis, n'échappe pas à la règle.
Toujours est-il que le CETA (pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) n'a toujours pas été ratifié par l'ensemble des parlements nationaux de l'UE. En France, l'Assemblée nationale l'avait approuvé de justesse en juillet 2019 mais il n'avait pas encore été soumis au Sénat. C'est chose faite. Et il a été rejeté le 21 mars. Or ce refus implique un nouveau vote des députés, alors que le camp présidentiel a perdu la majorité absolue à l'Assemblée.
« Un mauvais signal », selon Franck Riester
Juste après le vote, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Franck Riester, a dénoncé une « manœuvre grossière », ajoutant qu'il s'agissait d'un « très mauvais signal à nos agriculteurs, nos exportateurs et aux Canadiens ».
Le vin et le fromage en tête
Son argument ? Les bienfaits de l'accord. « En six ans, les exportations vers le Canada ont bondi de 33 % et l'excédent des filières agricoles et agroalimentaires a été multiplié par trois, à 578 millions d'euros », a-t-il déclaré, pour poursuivre que le CETA, « c'est + 24 % d'exportations vers le Canada pour le vin, + 60 % pour le fromage, + 106 % pour les produits sidérurgiques, + 142 % pour les textiles et chaussures. Nos gains ont aussi été considérables en matière de services (+ 71 %) ».
Et pour l'élevage, « nous n'avons pas été envahis par le bœuf canadien, a-t-il ajouté. L'effet du CETA a été quasi nul : les importations du Canada représentent 0,0034 % de notre consommation de bœuf. C'est moins de 0,001 % pour la volaille et le porc ».
Modèle familiale contre immenses exploitations canadiennes
Mais clairement, sénateurs comme syndicats agricoles ne sont pas sensibles à ces chiffres. Ils estimaient ainsi cet été dans Le Monde que « le modèle familial français n'est pas en mesure de lutter avec les grosses exploitations canadiennes ».
Des dommages pour l'environnement
Interrogée par La Tribune, Mathilde Dupré, codirectrice de l'Institut Veblen, considère de son côté que le bilan est négatif pour l'environnement. En effet, fait-elle valoir, « l'augmentation des échanges s'est faite dans des domaines plutôt mauvais pour l'environnement : engrais, produits énergétiques, produits issus de l'industrie de type fer, aluminium, produits chimiques ou industrie automobile ».
La question de l'élevage
En outre, lui aussi interrogé par La Tribune, Maxime Combes, économiste à l'Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec), expliquait que l'accord fait des gagnants mais aussi des perdants. Au-delà des vins et spiritueux, sur l'élevage, « le Canada n'utilise pas pleinement l'ensemble des quotas dont il dispose, mais cela viendra un jour », prévenait-il.
Concurrence jugée déloyale
« La question, c'est de savoir si l'on sacrifie demain des producteurs bovins en France pour vendre des vins et spiritueux au Canada », ajoutait-il, d'autant que cet accord génère selon lui « une concurrence entre des secteurs dont les conditions de production sont nécessairement différentes ». C'est bien sur cette notion de distorsion de concurrence que se sont appuyés les sénateurs pour rejeter le texte.