Olivier Delbard, ESCP Business School : « La RSE doit faire partie intégrante d'une vision stratégique »

Le professeur Olivier Delbard explique les enjeux RSE de la filière agricole et des coopératives, et comment les faire vivre au quotidien. Photo : ESCP

Professeur au département Sustainability à ESCP Business School, Olivier Delbard est également responsable des programmes liés au développement durable et à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE). Il connaît bien les enjeux de la filière agricole et des coopératives, qu'il décrypte dans cet entretien.

Dans les entreprises, nombreux sont ceux qui disent que la RSE coûte cher et ne sert à rien. Que leur répondez-vous ?

Olivier Delbard : Certes, certains bénéfices – du capital réputationnel à la différenciation concurrentielle, de l'attractivité vis-à-vis de nouveaux talents à la mobilisation des collaborateurs autour d'un projet – ne sont pas toujours tangibles ni faciles à calculer. Toutefois, les recherches académiques montrent une corrélation positive entre investissement RSE et performance financière de l'entreprise. Et alors qu'en France, la RSE est souvent vécue comme une contrainte, compte tenu des nombreuses réglementations, européennes et françaises, pour qu'elle soit efficace, elle doit avant tout découler d'une vision stratégique de l'entreprise et s'y intégrer. Où veut être l'organisation dans dix ans ? Telle est la question dont la direction doit débattre avec ses parties prenantes. Dans l'agriculture et l'agroalimentaire, le renouvellement des générations devrait en outre permettre une évolution en faveur de la RSE dans les années à venir. Mais, dès maintenant, alors que la RSE ne s'appliquait, à l'origine, qu'à des structures capitalistiques et ne concernait donc pas les coopératives, revenir, par le biais de la RSE, à l'esprit même des coopératives, qui a la responsabilité sociétale dans ses gènes, est une bonne façon d'appréhender le concept. Enfin, si l'on veut qu'elle porte ses fruits, il faut se souvenir que la RSE n'est pas un accessoire. Elle doit faire partie intégrante d'une vision stratégique et prospective. Et sous-tendre un processus de transformation interne.

Quelles sont, justement, les bonnes pratiques à adopter pour élaborer cette vision puis la mettre en place ?

O. D. : Au-delà de la volonté de l'équipe dirigeante de porter le sujet, l'organisation aura intérêt à s'entourer d'un cœur de parties prenantes, afin de définir, comme je viens de le dire, sa vision. Plus sa vision sera claire, pertinente et convaincante, plus l'organisation sera agile dans sa mise en œuvre, et plus cette RSE sera en adéquation avec les réglementations. Ensuite, pour la décliner au quotidien, dans des actions concrètes, mieux vaut commencer par la fin, autrement dit, par l'objectif à atteindre, que chacun doit impérativement s'approprier – sinon, encore une fois, cela sera vécu comme une contrainte extérieure – puis élaborer un plan d'action sous forme d'un rétroplanning. Par ailleurs, les liens entre RSE et ressources humaines au sens large sont parfois complexes. Or, il s'agit là aussi de ne pas séparer les choses. Du dialogue social au bien-être des collaborateurs, la RSE ne doit pas se cantonner à des intentions. Elle doit également être portée et mise en œuvre par le management.

Quels sont, en fonction des objectifs poursuivis, les budgets à mettre en place ?

O. D. : Au-delà d'un budget de base en matière de compliance réglementaire et de communication vis-à-vis des parties prenantes pour le lancement de la réflexion, la question des budgets ne doit pas se poser en ces termes. Puisque la RSE doit imprégner toutes les actions de l'organisation, alors son budget ne doit pas être séparé mais se retrouver au contraire dans toutes les lignes ! Par ailleurs, pour sensibiliser les équipes, il existe, notamment sur la question du dérèglement climatique, auquel l'agriculture est particulièrement exposé, des outils, comme la Fresque du climat, faciles d'utilisation. L'organisation peut également mettre en place un système d'ambassadeurs RSE, des collaborateurs qui serviront de relais. Enfin, la communication interne est primordiale, pour embarquer tous les salariés. Ils doivent trouver du sens - et de la fierté - dans cette transformation sous-tendue par la RSE.

Les organisations doivent-elles aussi communiquer en externe et si oui, comment ?

O. D. : Les difficultés commencent souvent avec la communication externe... Difficile de s'adresser au grand public avec des données chiffrées, relativement complexes, à l'inverse du BtoB. Mais le risque est évidemment de tomber dans des généralités... Toutefois, une fois les fondamentaux de la RSE en place, il est plus facile de communiquer sur la qualité, la fiabilité des produits et l'impact des activités de l'entreprise. Je note d'ailleurs que certains acteurs, dans la production laitière notamment, commencent à mettre en avant certaines composantes RSE dans leur communication.

Faudra-t-il un jour un label RSE, apposé sur les produits de l'agroalimentaire ?

O. D. : Peut-être, au même titre qu'il existe désormais des scores sur l'efficacité énergétique ou la réparabilité. Mais encore faudrait-il définir exactement le périmètre, puisque la RSE couvre à la fois le social et l'environnemental, et la méthodologie menant à un label ou à un score RSE, avec un référentiel validé par des scientifiques. Pour l'heure, les consommateurs manquent déjà cruellement d'information sur les différentes étiquettes qui figurent sur les produits...

Propos recueillis par Lys Zohin

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