Si le conflit en Ukraine a fortement perturbé les activités, le marché a battu des records avec des niveaux de prix jamais atteints. Pourtant, un danger bien plus grand, l’évolution du climat, montre déjà ses effets : la baisse de la collecte est la troisième plus mauvaise après les années 2016 et 2020.
Entre changement climatique et tensions géopolitiques, l’année 2022 est perturbée autant par les volumes que par les prix. Avec 358 300 t en 2022, la coopérative enregistre sa pire collecte, juste après les années 2016 et 2020. A contrario, la collecte en bio s’affiche à 3 628 t, en légère hausse par rapport à l’année précédente (3 180 t).
Malgré la petite collecte, les prix de marché en début de campagne ont atteint 327 €/t pour le blé (50 % des volumes), 413 € pour le colza, 258 € pour l’orge d’hiver (30 % des volumes) et 253 € pour l’orge de printemps.
La forte tension du départ a laissé peu à peu la place à un marché baissier et de plus en plus lourd sur tous les produits. Les autres activités de la coopérative ont en revanche surperformé dans un contexte d’inflation et de flux d’approvisionnement tendus, en particulier pour les fertilisants.
Hausse de 15 % pour le chiffre d’affaires
Au niveau de la coopérative, la petite collecte est en partie compensée par une augmentation de 4,8 M€ de chiffre d’affaires au niveau des services : 47 910 K€ pour cette activité, dont 23 % pour la protection des plantes et 58 % en fertilisants. La seule activité semences a progressé de 10 %.
Le chiffre d’affaires de la coopérative se porte bien : presque 174 M€, en hausse de 15 % par rapport à l’exercice précédent. 58 % du chiffre est réalisé en France, 22 % en Europe et 20 % à l’international (dont 5 % en Suisse).
L’EBITDA poursuit sa croissance pour atteindre 3,7 M€ contre 2,2 M€ l’année dernière. On le doit en partie aux filiales 110 vigne et Nativert qui ont réalisé une belle performance.
L’autonomie financière est élevée, elle est à 77 % de l’EBITDA. Cela signifie que les emprunts peuvent être remboursé avec 2,8 années d’EBITDA. De plus, les fonds propres de la coopérative restent stables, à 47,7 M€, et la trésorerie positive, à 8,5 M€.
La capacité d’autofinancement s’élève à 3,69 M€, baissant le BFR de 12 M€ (soit 28 jours de financement). Le conseil d’administration a cependant décidé de verser des compléments de prix en juin 2023 pour conforter le résultat.
Pour le bilan, en revanche, il baisse de 109 M€ à 97,5 M€.
Diversifier pour s’adapter
Walter Huré, président de 110 Bourgogne, est resté prudent, en dépit des bons résultats financiers, face aux enjeux qui attendent la coopérative.
« Comment conjuguer la souveraineté alimentaire voulue par l’Europe et les risques de pertes de production, qu’elles soient liées au changement climatique ou au verdissement de la PAC ? Devrons-nous au final augmenter nos importations alimentaires ? » s’interroge-t-il en préambule.
Pour autant, la coopérative est en recherche de solutions, notamment pour répondre aux inévitables enjeux liés au réchauffement climatique. Des actions de formation ou de conseil seront développées pour optimiser la gestion des couverts et améliorer la vie du sol. Le programme Cap’Agronomie, en partenariat avec Terres Inovia et la démarche Opti'fertisol vont dans ce sens.
Mais ce sont surtout deux projets de diversification qui ont été présentés.
Le premier doit répondre au déficit de la production française de miel. L’idée est de construire une filière apicole pour répondre aux questions de biodiversités et de souveraineté alimentaire, mais aussi assurer un revenu complémentaire aux adhérents. Le projet va démarrer avec une petite production dès 2024, mais l’idée est de s’attaquer au marché de semi-gros pour ne pas concurrencer les petits apiculteurs locaux en vente directe.
« C’est aussi pour nous une manière de répondre à ceux qui nous accusent d’être des tueurs d’abeilles », explique Walter Huré.
Le second projet concerne une production elle aussi déficitaire en France, la noisette. Essentiellement d’origine turque, celles-ci sont un gros marché à développer, avec des garanties de débouchés, comme le Nutella, par exemple. La plante, économe en phyto, se cultive avec 70 % du couvert en herbe. Elle a cependant besoin d’eau pour faire grossir la noisette dans de bonnes conditions (2 000 m3 d’eau pour 1 ha de noisettes).
« On ne s’est jamais approprié la gestion de l’eau sur notre territoire. Il faudra des retenues pour une gestion fine. L’enjeu, avec l’eau et ces projets, c’est de préserver l’attractivité de nos territoires et de sécuriser nos exploitations », conclut Walter Huré.
Néanmoins, Serge Zaka, l’agroclimatologue invité à l’AG, a présenté une évolution positive des sommes de précipitations annuelles sur la zone de 110 Bourgogne pour les années à venir. Reste à savoir comment la valoriser au mieux.