Européennes • Mickaël Marcerou, vice-président de la Cogeca : « Nous avons besoin de plus et mieux d’Europe ! »

Mickaël Marcerou, élu vice-président de la Cogeca en novembre dernier, partage sa vision de l'engagement européen dans le secteur agricole. Pour cet agriculteur, l'avenir de l'agriculture dépend d'une Europe plus forte et mieux organisée. Dans cet entretien, il expose les défis et les priorités de la coopération agricole au niveau européen.

Mickaël Marcerou, vice-président de la Cogeca.

© La Coopération Agricole + arenysam-adobe stock

En novembre dernier, vous avez été élu à la vice-présidence de la Cogeca. Pourquoi, au-delà de vos responsabilités locales et nationales, avez-vous souhaité vous engager dans une instance européenne ?

Mickaël Marcerou : Quand on est sur son exploitation, l’Europe nous paraît loin ! On ne la connaît souvent que par les aides PAC. Quand on entre dans les instances agricoles, on comprend alors que l’Europe est partout, mais surtout que l’on a besoin d’elle pour relever les défis de demain. J’ai toujours été engagé dans la réflexion collective : dans le syndicalisme, en chambre d’agriculture puis dans le modèle coopératif qui est, pour moi, l’aboutissement de la création de valeur avec des outils économiques créés et gouvernés par des producteurs, et à leur service, au quotidien.

Au sein de la Cogeca, je retrouve ce même schéma collectif. C’est une chance inouïe de pouvoir échanger avec les autres États membres, d’essayer de comprendre les besoins de chacun et, malgré nos divergences – car elles existent ! –, de trouver et défendre des positions communes.

À quelle fréquence et de quelle manière travaillez-vous avec vos collègues des autres États membres au sein de la Cogeca ?

M. M. : Notre rôle étant de parler d’une seule voix au nom de toutes les coopératives agricoles européennes, l’enjeu premier est d’arriver à construire une position commune malgré les intérêts qui peuvent parfois diverger selon les pays membres. Pour cela, nous nous appuyons sur les nombreux groupes de travail au sein desquels se réunissent également des experts de nos organisations nationales.

Avec notre structure « sœur », le Copa, on compte une cinquantaine de ces groupes qui abordent des thématiques sectorielles et transversales très diverses. Dès que nous arrivons à un point de convergence et que celui-ci est validé par la présidence, il reste une grande partie du travail à accomplir : porter notre voix auprès de ceux qui prennent les décisions à Bruxelles, à savoir, les députés européens et les représentants des États membres. Nous rencontrons également régulièrement les autres parties prenantes pour leur exposer nos positions et créer des alliances.

Concrètement, je me rends à Bruxelles au minimum une fois par mois, mais la fréquence peut augmenter en fonction de l’actualité. Ces derniers temps, c’était plutôt deux à trois fois par mois. Concernant les échanges avec mes collègues, nous avons la chance au sein du Copa et de la Cogeca de bénéficier de l’interprétation simultanée dans sept langues. Cela permet aux agriculteurs des quatre coins de l’Europe de pouvoir participer, partager leurs connaissances et donner leur avis. C’est très précieux.

En dehors des salles de réunion, on communique en anglais et un peu en français. Je suis une formation pour me perfectionner. Le plus compliqué est surtout de s’habituer aux accents des uns et des autres…

Parmi tous les sujets travaillés au sein de la Cogeca, lesquels vous paraissent prioritaires et que vous entendez défendre auprès des futurs nouveaux députés européens ?

M. M. : Dans le cadre des élections européennes, nous avons défini des axes prioritaires résumés dans un document à destination des candidats. Un document en totale cohérence avec les 25 propositions portées, au niveau français, par la Coopération Agricole.

Nous souhaitons avant tout que l’agriculture continue à être reconnue comme un secteur stratégique pour l’Europe de demain. C’est pour cela que nous demandons la création d’un poste de commissaire chargé de l’agriculture, de l’alimentation et de la ruralité, assumant un rôle clé de vice-président de la Commission européenne.

Nous réclamons également « plus d’Europe » mais surtout « mieux d’Europe » ! Par « plus d’Europe », j’entends : produire plus pour assurer notre sécurité alimentaire. Mais nous savons que le défi de la souveraineté alimentaire va nécessairement de pair avec celui de l'indispensable transition écologique. Pour cela, il est primordial d’investir dans l’innovation pour donner aux producteurs les moyens d’y arriver, mais aussi de réaliser des études d'impacts des mesures environnementales sur la compétitivité et les rendements de nos productions. C’est ce qui n’a pas été suffisamment fait pour le Green Deal et que nous regrettons.

Quant à la meilleure Europe à laquelle nous appelons, je pense surtout à la nécessité d’instaurer une concurrence saine intra-européenne avec des normes communes. Nous avons besoin de normes européennes mais arrêtons cette surtransposition qui crée une distorsion de concurrence.

La question d’une éventuelle entrée de l’Ukraine au sein de l’Union européenne doit également vous préoccuper…

M. M. : En effet. Mais rappelons d’abord que notre rôle n’est pas d’émettre un avis favorable ou défavorable sur ce sujet. En revanche, nous nous devons d’être proactifs et de travailler dès à présent sur les conséquences de chacun des scénarios. Cette question est l’affaire de tous, pas seulement du secteur agricole. Certes, l’Ukraine est une grande puissance agricole et son entrée au sein de l’Union aurait un impact plus qu’important sur notre secteur, mais aussi sur l’ensemble des politiques européennes.

 

Mickaël Marcerou : un parcours guidé par l’engagement collectif

Petit-fils et fils d’exploitant agricole, Mickaël Marcerou a repris l’exploitation familiale en 2006 en s’associant avec un tiers. Installé dans le sud de l’Ariège, il élève des bovins viande de race gasconne des Pyrénées sur une ferme de 310 ha, dont 60 ha de cultures et 250 ha de prairies. « La totalité de notre production est valorisée par la coopérative Arterris en animaux finis, une chose assez inhabituelle dans notre territoire mais à laquelle nous tenons », précise-t-il.

Rapidement après son installation, il s’engage dans les instances agricoles en devenant membre du conseil d’administration des Jeunes Agriculteurs puis de la FNSEA ou encore de la chambre d’agriculture de l’Ariège.

Actuellement, il reste engagé localement au sein de sa coopérative mais également à l’échelon national. Membre de la Coopération Agricole depuis 2018, il en est devenu, en 2023, le vice-président en charge des questions européennes.

En novembre dernier, il a été élu à la vice-présidence de la Confédération générale des coopératives agricoles : la Cogeca. Cette organisation européenne représente les intérêts généraux et spécifiques des coopératives agroalimentaires, forestières et de pêche des 27 États membres auprès des institutions de l'UE et d'autres organisations socio-économiques qui contribuent à la prise de décision européenne.

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