Ouvrir son recrutement pour pallier au manque de candidats en production

Dans les vignes ou au caveau, les viticulteurs ont de plus en plus de mal à recruter des profils adaptés à leurs besoins. Ils doivent faire face à une mobilité accrue des salariés actifs et à un manque, sur le marché, de profils souhaitant s’investir dans ces métiers.

« En matière de recrutement dans les secteurs de production vitivinicole, il y a énormément de difficultés », annonce d’emblée Morgane Prost, conseillère emploi formation au sein de l’Apecita Occitanie. Et la situation ne semble pas s’améliorer, elle se serait même dégradée depuis le début de l'année 2021. La situation sanitaire et économique n’encourage pas les personnes en poste à changer d’employeur. Quant aux demandeurs d’emploi dans un contexte de chômage à la baisse, « souvent ils ne sont soit pas formés, soit peu attirés par ce type de métiers agricoles », précise la conseillère.

Alors que les métiers de la cave étaient jusque-là épargnés par rapport à ceux de la vigne, le manque de profils adéquats s’y fait à présent également sentir. « On cherche un responsable de caveau depuis huit mois. C’est très compliqué, mais on avance », confirme Jean-Marc Floutier, viticulteur sur le domaine Grand-Chemin, à Savignargues dans le Gard. Sur ce poste, actuellement six candidats sont en attente d’être reçus au domaine. Pourtant les profils ne correspondent pas toujours aux attentes du vigneron gardois.

« On doit expliquer aux employeurs la nécessité d'adapter leur demande à la situation du marché et d'être ouverts sur les profils », indique la conseillère Apecita. Avec des succès à la clé, notamment sur le domaine Grand-Chemin qui avait un autre poste à pourvoir en début d'année. « Morgane Prost m’a encouragé à embaucher un tractoriste pour lequel j'avais des réticences. En effet, il savait conduire un tracteur, mais il n’avait pas encore passé son permis B. Si je ne l’avais pas écoutée, je n’aurais pas pris ce jeune, et cela aurait été une erreur, car c’est un très bon salarié », admet Jean-Marc Floutier.

Beaucoup de jeunes diplômés s'installent

Toujours dans le Gard, Guilhem Durand, gérant du Mas des Tourelles, à Beaucaire, peut aussi témoigner de ses difficultés de recrutement et de l'aide fournie par l'Apecita pour les surmonter. « Après le départ de mon chef de culture/maître de chai, je souhaitais rediviser le poste pour éviter d’être trop fragilisé en cas de nouveau départ de salarié. Pour la partie vigne, je cherchais plutôt un ingénieur agronome, et un œnologue pour le chai. En tout, l'Apecita a reçu cinq candidatures sur des niveaux de formation variés. Et contrairement à mes plans, j'ai embauché un jeune avec un BTS viticulture/œnologie. Il avait déjà pas mal d’expérience et humainement, lors de l'entretien, il y avait un bon feeling », explique le viticulteur.

« Nous avons des difficultés à trouver des candidats dans les métiers de la production. Les raisons de cette situation sont plurielles. Sur les profils techniciens en BTS viticulture/œnologie, il y a beaucoup de diplômés qui s’installent ou qui reprennent le domaine familial, et moins qui cherchent un poste salarié. Alors que dans les formations ingénieurs, ils privilégient les métiers du conseil qui gravitent autour des exploitations plutôt que la branche production elle-même, analyse Morgane Prost de l'Apecita. Et des jeunes ingénieurs qui s'intéressent à la production espèrent des conditions salariales trop élevées par rapport à ce que peut proposer un employeur. Dans les petites structures, il faut aussi qu'ils acceptent d'être polyvalents. Avec l'encadrement, ils doivent aussi participer aux travaux de la vigne ou de la cave. »

Pour éviter ce genre d'écueil, Jean-Marc Floutier a décidé de ne plus recruter de profils ingénieurs tout juste sortis des écoles. « Ils arrivent en pensant tout connaître et en demandant 40 000 € par an alors qu’ils n’ont aucune expérience », s’étonne-t-il.

Savoir garder ses talents

Trouver le bon profil est une chose, le garder en est une autre. Les habitudes changent pour les nouvelles générations et la fidélité à une entreprise n’est plus aussi forte. « Dans mon entreprise, il y a une fidélité forte avec des salariés présents depuis dix à vingt ans. Nous avons eu un chef de culture qui est resté trente ans », témoigne Guilhem Durand, du Mas des Tourelles. « Mais plus récemment, j’ai eu deux jeunes agros qui se sont succédé sur des périodes de quatre à cinq ans. Ensuite, ils veulent voir autre chose ou s’installer à leur compte. Sur les profils œnologues, ils ont déjà fait trois fois le tour du monde. Il faut essayer de savoir s’ils ont vraiment envie de se poser », témoigne Guilhem Durand. Pour parer à ce phénomène, il a proposé un statut de cadre à la personne dernièrement embauchée.

Tractoriste, un métier très spécifique

La pression est telle sur le marché de l’emploi des tractoristes qu’il est très difficile de trouver, voire de garder un chauffeur qui travaille bien. « Les bons le savent et vont se vendre mieux ailleurs », constate le viticulteur.

Là aussi, les profils manquent ou ne sont pas adaptés en sortie d’études. « Les centres de formation ont des difficultés à remplir leurs effectifs. Malgré les améliorations techniques des engins et les gains de confort, le métier reste pénible. Il y a en plus des réticences à utiliser des produits phyto, en conventionnel mais aussi en bio, remarque Morgane Prost. Il y a néanmoins des candidats intéressés mais pas forcément formés. Nous voyons arriver des profils d’ouvrier qui voudraient se reconvertir. Mais c’est compliqué de confier des engins agricoles à des personnes non expérimentées, surtout dans des vignes en pente, par exemple. »

Article paru dans Viti Leaders de janvier 2022