La réserve en Champagne expliquée par l'interprofession 

Outil de régulation sur l’amont de la filière, la réserve interprofessionnelle Champagne a été pensée pour répondre à un objectif collectif, celui d’assurer chaque année l’alimentation du marché au bon niveau. L’une des conséquences notables de ce système est de fournir une assurance récolte aux producteurs champenois. Xavier Rinville du Comité Champagne en détaille le fonctionnement.

La réserve collective obligatoire en Champagne a été généralisée dans les années 2000. C’est une source d’inspiration pour d’autres vignobles. Quelles sont les clés de réussite pour garantir son acceptation ?

Xavier Rinville : Notre vignoble septentrional est fortement impacté par la variabilité interannuelle du rendement. Très tôt, les représentants de la filière se sont donc interrogés sur les moyens de réguler les volumes mis sur le marché d’une année à l’autre. La réserve collective obligatoire est apparue comme une solution pertinente dès 1938, d’abord de façon ponctuelle puis systématique un peu avant les années 2000.

Si notre système est inspirant il est peu duplicable ; son fonctionnement est adapté aux spécificités de la Champagne, une AOC limitée de 34 000 ha sur laquelle on ne produit qu’un seul vin, avec une forte valeur ajoutée, souvent non millésimé : le champagne. De fait, il n’y a pas de replis possibles vers d’autres IG.

Malgré la dispersion des acteurs, 340 négociants et 21 000 déclarants de récolte, le vignoble champenois bénéficie aussi d’un sens du collectif très développé et d’une organisation collective forte qui a la reconnaissance nécessaire pour faire accepter des mesures de régulation de la production et de la mise en marché.

Enfin, nous misons sur un système d’information qui nous permet d’avoir une connaissance exhaustive de tous les acteurs de la filière. L’interprofession délivre les cartes professionnelles pour tous les opérateurs et centralise tous les contrats interprofessionnels qui lient obligatoirement les producteurs et les négociants. Le Comité Champagne gère aussi le CVI pour le compte des douanes. Nous connaissons donc précisément le potentiel de production, les niveaux de production et de stock et cela pour toutes les entreprises de la filière. Ceci nous permet d’adapter chaque année le rendement de campagne pour répondre aux besoins du marché.

Comment est fixé le rendement annuel autorisé en Champagne ?

X.R. : C’est une décision interprofessionnelle qui s’appuie sur un modèle économique prédictif simulant les expéditions de Champagne sur trois ans. Les professionnels estiment depuis quelques années qu’il faut 3,8 années de stock pour satisfaire les demandes des marchés. Sur la base de ce ratio, avant chaque récolte, les variables du modèle sont mises à jour. Le rendement annuel commercialisable est le résultat de cette modélisation.

Quand la réalité économique est trop éloignée de la réalité agronomique du millésime, la réserve interprofessionnelle entre en jeu.

Mais ni la mise en réserve, ni la mobilisation de la réserve ne sont volontaires… Si je récolte au-delà du volume commercialisable, alors j’alimente obligatoirement la réserve. Si je ne parviens pas à atteindre le volume commercialisable lors d’une vendange, alors je suis obligatoirement débloqué.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les conditions de sortie de la réserve ?

X.R. : Le plafond de la réserve a été fixé à 8 000 kg/ha (1). Il y a quatre conditions ordonnées pour sortir des volumes de la réserve interprofessionnelle qui je le rappelle est obligatoire pour les tous les producteurs de champagne.

Première possibilité, la sortie de réserve collective. Le Comité champagne estime qu’il manque des volumes disponibles à mettre en marché. Dans ce cas, tous les producteurs doivent sortir des vins de leurs réserves pour les vendre par eux-mêmes ou alimenter leurs partenaires négociants.

Seconde possibilité, la sortie individuelle pour insuffisance de récolte. Cela se produit quand un producteur ne peut pas atteindre l’objectif collectif de rendement commercialisable fixé. En 2022 par exemple, il était de 12000 kg/ha. Si sa récolte 2022 ne couvre pas ce volume, il doit débloquer des vins de sa réserve.

Troisième possibilité, la sortie pour inciter au renouvellement du vignoble champenois. Afin de compenser le manque à gagner de l’arrachage, pendant trois ans, il est possible de sortir des vins mis en réserve avec un plafond de 8 000 kg/ha de surface arrachée.

Enfin, en 2022, le Comité champagne a décidé d’une nouvelle solution complémentaire à l’existant. Son principe consiste à générer un « crédit en sortie de réserve différée » pour un récoltant quand les quantités vendangées plus la réserve s’avèrent insuffisantes pour atteindre le rendement commercialisable de l’année.

Prenons un exemple. Un récoltant exploite un hectare en Champagne. Le rendement commercialisable de l’année est de 10 000 kg/ha. Il produit 6 000 kg. Il a seulement 3 000 kg en réserve. 6 000 + 3 000 = 9 000. Il manque encore 1 000 kg pour atteindre l’objectif collectif fixé. Avant, ce récoltant aurait perdu un potentiel de vente de 1 000 kg.
Désormais ce ne sera plus le cas. Si l’année suivante, ce même récoltant produit le rendement attendu et a encore du raisin dans sa vigne, il pourra constituer de la réserve et sortir en priorité les 1 000 kg manquant du millésime précédent.

Comment définiriez-vous un bon dispositif de réserve ?

X.R. : C’est un outil collectif qui s’appuie sur des bases légales, c’est un dispositif qui doit rester simple et compréhensible par tous les acteurs de la filière. Le récoltant s’engage à produire et délivrer assez de volume et le metteur en marché s’engage à l’acheter et à le commercialiser. La réserve assure l’approvisionnement de la filière et sécurise le revenu des exploitations.

Il faut par ailleurs veiller à éliminer le maximum d’effets de bord et d’aubaine. C’est pour cela par exemple qu’en Champagne, en dehors de cas très particuliers comme la transmission, les vins mis en réserve sont incessibles et invendables entre récoltants.

 

(1) Le plafond est passé à 10.000 kg/ha en 2023

 

EN STOCK. La réserve se conserve sous forme de vins clairs. Ces stocks sont portés par les récoltants. En Champagne, 90 % du vignoble est détenu par les récoltants. La taille moyenne des exploitations est de 2 ha. Une grande part des raisins est vendue au négoce qui élabore les vins et les commercialise à hauteur de 75 %. Toutes les ventes entre l’amont et l’aval sont contractualisées.

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