Dans la plaine de la Bekaa, à 1000 mètres d’altitude, s’étendent les 300 ha de vignes du château Kefraya. Fabrice Guiberteau est le directeur technique de cette propriété familiale qui se singularise par la mise en avant des terroirs et des cépages.
"2020 aura été un millésime compliqué, au Liban peut-être encore plus qu’ailleurs. En pleine vendange, nous avons dû composer avec une vague de chaleur hors norme. Pendant dix jours, les températures oscillaient entre 44 et 51 °C. Au château, près de 15 % du vignoble n’ont pas été récoltés, soit parce que la vendange a été brûlée, soit parce que la qualité des raisins était trop dégradée par les stress hydrique et thermique. Pour limiter la casse, il a aussi fallu récolter très vite. Alors que, d’habitude, nous menons ce chantier sur 35 jours, cette année, les 300 ha ont été vendangés en vingt jours. Comme à chaque aléa, nous nous sommes adaptés en faisant appel dans l’urgence à plus de cueilleurs, près de 260 en tout. Mais dans le contexte de la Covid-19, il y avait une difficulté supplémentaire.
Face à cette canicule, tous les cépages n’ont pas eu le même comportement. Les syrahs et cabernets sauvignons ont particulièrement souffert. En revanche, je suis agréablement surpris par la tenue des cépages libanais autochtones. La végétation et les raisins n’ont pas marqué de stress visibles. Les vins présentent des équilibres intéressants et des degrés très raisonnables. Les cépages assouad karech et asmi noir en rouge titrent par exemple à 12,5 degrés d’alcool.
Depuis une dizaine d’années, je m’intéresse aux cépages ancestraux du Liban. Merwah, obeidi, meksessé… autant de variétés d’intérêt tombées dans l’oubli. Dans les vieilles vignes du Liban, mais aussi dans le conservatoire français de Vassal, nous les avons retrouvés, multipliés et plantés. Sur la propriété, il y a désormais 3,5 ha de ces cépages autochtones au château. Ils entrent progressivement en production. 2020 sera le premier millésime pour les rouges et le deuxième pour les blancs.
2020 au Liban, c’est aussi l’explosion du port de Beyrouth, une crise économique, financière et politique. Je suis confiant pour l’avenir du pays mais, actuellement, il faut faire le dos rond. L’export, qui représente traditionnellement 60 % de notre chiffre d’affaires, est une nécessité. Ce sont les devises qui permettent de financer l’entreprise."