Vins mousseux : "Il faut recentrer une partie des approvisionnements en vins de base en France"

Jean-Jacques Bréban a été réélu en juillet 2022 président du syndicat français des vins mousseux, une structure qui rassemble les entreprises produisant en France des vins mousseux et des vins pétillants sans appellation. Si les ventes sont dynamiques, cette filière est confrontée à des défis logistiques et marketing forts. 

 

Quelles sont les préoccupations actuelles pour les vins mousseux et pétillants ?

Jean-Jacques Bréban : Le sujet à court terme le plus préoccupant pour les vins mousseux en ce moment est la pénurie de bouteilles. S’approvisionner devient compliqué. Les verriers nous ont annoncé il y a deux mois leur intention d’arrêter le modèle de bouteille « cuve close », plus léger (580 grammes contre 850 grammes pour une bouteille de Champagne) que les bouteilles pour les autres effervescents. Ils manquent de verre et doivent donc faire des choix, s’orienter vers les bouteilles les plus rémunératrices. C’est un double problème pour nous : si nous changeons de modèle et que les verriers augmentent leurs prix de 40 à 50%, cela devient très compliqué pour nous. D’autant que nous sommes essentiellement positionnés sur des marchés de premier prix, sur lesquels il n’est pas possible de répercuter la hausse de toutes les matières premières (bouteille, mais aussi cartons, bouchons, etc) et de l’énergie et du transport sur le prix final de la bouteille au niveau du consommateur.

L’autre point à enjeu pour nous est de s’approvisionner en vin de base correspondant à nos attentes. Avant, davantage de vins de base étaient disponibles sur le marché, notamment en provenance d’Espagne. Or depuis quelques années, les rendements sont en baisse en Espagne. Avec la sécheresse il devient difficile de s’appuyer sur les pays du Sud. Et en France, le vignoble est quasi-exclusivement tourné vers les IGP ou les AOP. Actuellement nos approvisionnements se font à 80% en Espagne, 20% en France. Nous travaillons pour recentrer une partie des approvisionnements en France au sein du syndicat depuis déjà deux ans. Mettre en place en dehors des zones viticoles habituelles des vignobles dédiés à la production de vins de base répondant à nos attentes (10, 5° d’alcool, acidité suffisante, rendement élevé, etc) est une piste de travail. Certains se sont déjà lancés avec des expérimentations de ce type de vignobles, très mécanisés et irrigués. Nous souhaitons favoriser ce type de vignoble, mais pour cela il faut un accès à de l’eau, et ils sont à envisager dans de nouvelles zones, pour tenir compte du réchauffement climatique.

 

Les vins désalcoolisés font ils partie de vos pistes de travail ?

J-J. B.: Oui, nous nous penchons sur la question, car la demande existe sur les vins sans alcool. Ce marché est encore très marginal, mais nous devons rester en veille dessus pour ne pas passer à côté. D’autant qu’il est aujourd’hui difficile de savoir si les jeunes qui ont 16 ans aujourd’hui boiront du vin dans 10 ans. Nous travaillons au niveau européen et avec l’OIV pour l’élaboration de vins mousseux désalcoolisés. Cette pratique est autorisée, mais peu utilisée en France.

80% des vins mousseux désalcoolisés se font en Allemagne. Nous -le syndicat- avons d’ailleurs été visiter ce type d’installation chez un de nos confrères allemands. La désalcoolisation partielle pratiquée le plus fréquemment en France, permet d’enlever 1 ou 2 degrés par des techniques d’osmose. Avec la désalcoolisation complète du vin de base, les aromes sont séparés puis réintroduits. Au-delà de la technique, il faut s’interroger sur son coût. Vendre des bouteilles de vins mousseux désalcoolisés à 15 euros sera-t-il possible ?

 

Comment se porte le marché des vins mousseux ?

J-J. B.: Au niveau commercialisation, il y a des points positifs et des points négatifs. Dans le marasme de la consommation du vin en France, les effervescents se portent bien, y compris les mousseux. A l’export, les effervescents de manière générale sont bien positionnés aux USA, au Japon, et même au Royaume-Uni. Tout le monde pensait que le Brexit allait donner un coup de frein, mais ce marché est demeuré bon pour nous. Mais actuellement ce sont davantage les soucis économiques du pays et l’inflation record qui pose souci. Même chose en France.

Dans le contexte actuel, les consommateurs priorisent leurs dépenses, et mettent davantage leur argent dans leur voiture que dans des boissons de fête comme les mousseux. Côté tendance, comme pour les autres effervescents, les vins mousseux s’orientent de plus en plus vers les bruts. Le consommateur ne veut plus de mousseux à 45 grammes de sucre.

 

Un mot sur la concurrence ?

J-J. B.: Un mot : Prosecco. Le prosecco est le premier exportateur de vins au monde. Une trentaine de maisons en font et affichent 500 millions de cols. Ils ont réussi à avoir une marque forte et à associer la consommation avec des moments de plaisir. Prosecco est nom nettement plus vendeur que vin mousseux. Nous sommes toujours en réflexion pour nous trouver un autre nom que vins mousseux en France.

A l’export « sparkling wines » donne une bonne image. Pour la France nous avons du mal à trouver. Nous avons un vrai savoir-faire, mais nous ne sommes pas bons en marketing. La réglementation nous empêche d’appeler les vins mousseux, vins pétillants (ndlr: les vins « pétillants » doivent faire moins de 3 bars de pression) et c’est dommage car c’est un nom qui parle mieux au consommateur.

Les mousseux en chiffres
• La production française de vins mousseux sans IG ( cuve close ou méthode traditionnelle) des adhérents du SFVM s’élève à 110 millions de cols en 2021.
• 56% de la commercialisation est effectuée en France ; 44% à l’export.
• L’évolution des ventes à l’export est dynamique. Avec en 2019/2018 : + 23% ; en 2020/2019 :  • 11% ; en 2021/2020 : + 37%.
• Les principaux marchés export sont : les USA, le Royaume-Uni et le Japon.