
Les consommateurs exigent moins de sulfites dans leur vin. Mais au-delà du critère santé, réduire les doses de SO2 est aussi un moyen de retrouver de la typicité dans les vins, pour l’œnologue Arnaud Immélé. Si les sulfites vont probablement se réduire en vinification grâce à la bioprotection, il sera plus difficile de s’en passer en élevage, reconnaît l’œnologue.
Redécouvrir la typicité
Si l’enjeu est de redécouvrir la typicité du domaine ou du terroir, cela ne passe pas par la réalisation de pieds de cuves avec une sélection de souches de Saccharomyces du domaine, pense l’œnologue.
Le terroir n’est pas lié à une souche de levure précisément, mais à l’ensemble des micro-organismes dans le jus de raisin avant la fermentation alcoolique.
Pour que la vinification puisse se faire sans sulfite, il conseille de recourir à la bio-protection. Cette technique consiste à protéger les jus de l’invasion microbiologique indésirable, en apportant des souches choisies, comme Primaflora constitué de souches non-Saccharomyces, qui colonisent le milieu et ne laissent pas de place à la flore indésirable telle que les Brettanomyces ou des bactéries lactiques productrices d’amines biogènes ou encore d’odeur butyriques et d’acétamide.
L’intérêt est d’appliquer la bio-protection le plus tôt possible dans le processus de récolte, au niveau des machines à vendanger, au pressurage ou à l’encuvage. Il faut apporter ces levures à environ 2 à 5 grammes/hl, soit l’équivalent des doses de SO2.
Niveau coût, comptez environ 100 euros/kg pour ces levures non-Saccharomyces.
De multiples avantages
Les atouts de la bioprotection sont multiples, en jouant notamment sur les diverses capacités de levures apportées. Stéphane Yerle, vigneron à Saint-Chinian et consultant, en voit quatre principales : apporter du gras aux rouges trop taniques (avec la souche Torulaspora delbrueckii), apporter de la fraîcheur par la production d’acides lactiques ou succiniques en phase pré-fermentaire par Pichia kluyverri ou Lachanceans thermotolerans, lutter contre les Brett par une stabilisation du milieu, ou encore supprimer les risques de piqures lactiques à l’écoulage pour les macérations en grappes entières, grâce à la consommation d’acide malique durant à l’aide d’une souche homofermentaire de Lactobacilus plantarum Nova.
« Il faut avoir confiance ! La bio-protection est aussi efficace que le sulfitage. Mais cela exige de repenser notre façon de faire », continue Arnaud Immélé.
Cependant, cette solution n’est pas applicable par tous, car interdite dans le cahier des charges Demeter ce qui la rend pour l’heure difficilement applicable en biodynamie.
Il faut avoir confiance ! La bio-protection est aussi efficace que le sulfitage. Mais cela exige de repenser notre façon de faire.Arnaud Immelé
Si l’arrêt du SO2 pour la vinification est facilement applicable, d’après l’œnologue, il n’en est pas de même pour l’élevage et la mise en bouteilles. Le but étant de réduire les populations microbiologiques, même pour les vins avec des pH faibles, afin d’éviter les arômes d’écurie.
Pour les vins blancs et rosés, très sensibles à l’oxydation, l’apport de soufre permet d’assurer la conservation et le maintien de la qualité.
Filtrations, soutirages, embouteillage… l’ensemble des pratiques de cave doit permettre de minimiser les apports d’O2, par de bons réflexes et des équipements de pointes (transferts au gaz neutres). Il faut apporter un soin particulier aux conditions microbiologiques de la mise en bouteilles : filtration sur membranes et contrôle régulier de la stérilité de la tireuse-boucheuse.
Article paru dans Viti Leaders de février 2018