
Qu’ils utilisent l’amphore depuis quelques millésimes ou depuis presque vingt ans, trois vignerons témoignent de leurs pratiques de vinification et/ou d’élevage. Ils donnent quelques conseils sur les points clés.
La première vinification est un succès : le vin correspond au profil qu’il avait en tête. « Mais j’ai aussi vu de suite les inconvénients à l'usage, surtout pour l’hygiène. » C’est pourquoi, à l’achat de deux amphores de 9,5 hl chacune l’année suivante, il choisit un modèle avec un large goulot pour pouvoir accéder facilement à l’intérieur et il négocie avec le fabricant une bonde inférieure, pour un vidage intégral. Le nettoyage est effectué à l’eau froide et au nettoyeur à haute pression. Avec un séchage très complet, l’étape clé pour éviter les déviations. En 2020, il achète deux autres amphores, pour arriver à une capacité de 40 hl de vinification.
Très bonne inertie thermique
« Oxydatifs mais pas oxydés » au clos Canereccia
Retrouver dans le vin le raisin qu’il a mis dans l’amphore : c’est le but que s’est fixé Christian Estève, vigneron du Clos Canereccia (Corse), 9 ha de vignes, en bio depuis 2020. Alors qu’il grandit près d’Aleria, dans un lieu imprégné de culture romaine, il s’est toujours dit qu’il vinifierait en amphore dès qu’il le pourrait. L’occasion se présente en 2013 avec l’achat de deux amphores, par le biais de Facebook. « J’avais goûté et eu de grandes émotions avec ces vins et je voulais vraiment arriver à ce goût, très propre », indique ce vigneron pour qui « il ne faut pas faire des vins en amphore parce qu’ils amènent de l’image ou de la trésorerie, mais avant tout parce qu’on les aime ».
Quant au prix, la cuvée se situe à 23 euros prix professionnel, soit 40 à 50 euros prix consommateur chez les cavistes sur le continent. « Ce qui fait le prix d’un vin, c’est sa qualité », estime le vigneron, qui doit aussi tenir compte des facteurs de production : rendements très faibles, recherche de porosité, donc pertes importantes par consume, beaucoup de manutention… « Chacune de mes cuves est un bébé, les amphores, ce sont de grands prématurés », résume-t-il pour souligner le soin apporté durant toute l’élaboration du vin, depuis l’intégrité de la vendange jusqu’à la surveillance très régulière pendant l’élevage.
L’amphore, une marque de fabrique pour Anne-Laure et Marc Royo
Au Domaine Émile et Rose (Hérault), 40 % des 130 000 à 140 000 bouteilles produites par an contiennent des vins élevés en amphore. « C’est devenu notre marque de fabrique, résume Marc Royo, vigneron avec sa femme, Anne-Laure. Nous produisons des cépages méditerranéens en bio depuis 2004 et, tout naturellement, nous en sommes venus à utiliser des amphores. Au fil du temps, nous avons vu que ces vins plaisaient et nous avons répondu à cet engouement. »
Outre leur relative fragilité, les amphores mobilisent de la surface, car elles sont impossibles à superposer. Elles restent debout, sur des briques réfractaires, dans un chai climatisé. Tous les deux ans, il est nécessaire de leur offrir un bain d’acide tartrique dilué, afin d’ajuster leur pH. Sur le domaine héraultais, leur durée de vie ne dépasse pas sept ans, à cause du colmatage. Ce qui reste tout de même deux fois supérieur à un fût. Les vins sont introduits et soutirés avec une canne, comme pour les fûts.
« Le séchage des amphores, après nettoyage, est l'étape à ne pas rater », Marc Royo, Domaine Émile et Rose
« Avec l’amphore, je voulais accentuer la fraîcheur et la minéralité », Laurent Cambres, domaine de l’Arca.

Pour la cuvée Voyage en terre géorgienne, les vins sont vinifiés en amphore et élevés pendant quinze mois, ce qui leur donne une couleur orange. « C’est très atypique, soit cela plaît énormément, soit le consommateur reste sur du plus classique, mais cela donne matière à échanger. » Comme les volumes manquaient, une autre cuvée Voyage est constituée par un assemblage de 20 % amphore-80 % cuve. Enfin, la cuvée de carignan blanc est composée de vins vinifiés en cuve Inox et élevés à 60 % en amphore et 40 % sous bois. « Un joli mariage qui donne une belle représentation de la Méditerranée », estime Marc Royo.
Le positionnement prix de ces cuvées est plutôt sur le haut de gamme pour le domaine, avec des prix publics compris entre 12 et 18 euros la bouteille.
Article paru dans Viti hors-série d'avril 2022