
Réduire les besoins en énergie, diminuer la production de boues, mieux intégrer les installations dans le paysage, voire réutiliser l’eau d’épuration : telles sont les ambitions des nouvelles techniques de dépollution des effluents vinicoles.
L’énergie électrique des pompes utilisées pour aérer les effluents représente un coût et peut entrer en concurrence avec le besoin en énergie des opérations de vinification. Par ailleurs, l’intégration paysagère des installations est un souci qui monte en puissance, avec le développement de l’œnotourisme.
Épurer directement avec la zéolithe
Tous ces éléments poussent à l’amélioration des procédés de dépollution. Les constructeurs l’ont bien compris et proposent des innovations en ce sens. C’est le cas de Zeofito, un procédé développé depuis quelques années par la société italienne Amethyst, utilisant les capacités d’absorption de la zéolithe, un matériau d’origine volcanique. Grâce à ces propriétés, il est possible de supprimer – ou de réduire drastiquement – les bassins d’aération préalables au traitement en lui-même.
Installé dans une centaine de caves en Italie, le système a initialement montré sa capacité à épurer directement des effluents d’une teneur moyenne de 3 g/l de DCO (demande chimique en oxygène) jusqu’à des valeurs de 100 mg/l, soit en dessous de la valeur demandée pour un rejet dans le milieu naturel. Depuis, en fonction des demandes particulières des caves, il a aussi été placé en complément de stations préexistantes pour pallier les performances insuffisantes pendant les vendanges ou pour permettre une réutilisation de l’eau pour l’irrigation ou dans un bassin d’agrément.
Parmi les avantages de Zeofito : l’installation nécessite moins de surface, pas ou peu d’énergie de fonctionnement, un entretien réduit, une bonne tolérance à la fluctuation de la composition des effluents… La cave Gaja dans le Piémont italien, par exemple, produit 5 000 hl de vin par an. Le volume de ses effluents atteint 1 500 m3. Pour leur traitement, la cave a installé deux lits de 80 m2 de zéolithe, alimentés par un flux horizontal à travers la zéolithe.
Réduire la consommation énergétique
En parallèle, l’entreprise a mis au point une console qui surveille à distance et en temps réel les caractéristiques des effluents entrants (pH, turbidité, oxygène dissous…). Un logiciel enregistre ces données et l’étude de cet historique peut mettre en évidence des sources d’économie d’eau au chai. Pour aller plus loin, Claireo et ses partenaires travaillent actuellement sur un algorithme capable de prédire la valeur de DCO des effluents. Leur but ? Pouvoir utiliser une sonde moins onéreuse et ajuster encore plus précisément la consommation énergétique aux besoins réels de dépollution.
L’objectif final de ce projet est de diminuer les coûts qui restent conséquents : il faut compter au minimum 25 000 euros pour une station, mais le budget moyen se situe plutôt entre 50 000 et 150 000 euros, selon les volumes d’effluents à traiter, pour des caves produisant 2 000 hl à 6 000 hl. Le projet, soutenu par l’Ademe, entre dans sa troisième année.
Hydroépur : un traitement biologique en serre
C’est une idée totalement originale qu’a eue Azuvia pour dépolluer les effluents : placer des biofiltres dans des bacs, en hydroponie, sous serre. Forte de son expérience en agroalimentaire, la start-up commence à proposer sa solution baptisée Hydroépur aux domaines viticoles. Le principe ? Les effluents doivent préalablement être collectés puis stockés dans une cuve tampon. Ils sont ensuite pompés par lot au sommet des biofiltres dans lesquels ils percolent par gravité. Puis ils recirculent jusqu’à l’abattement souhaité de la charge polluante, en général, pendant 24 h. « L’effluent épuré peut alors être rejeté dans le milieu, réutilisé pour l’irrigation ou pourquoi pas, dans un bassin d’ornement », indique Olivier Lucas, directeur commercial d'Azuvia.
Le système d’Azuvia, distingué lors des trophées de l’innovation du cluster Provence rosé, présente plusieurs avantages : économe en espace, la serre est un élément esthétique relativement facile à intégrer sur un domaine viticole. Techniquement parlant, la serre protège les biofiltres des pluies acides ou des poussières atmosphériques. Elle maintient une température favorable à la végétation même en hiver, ce qui autorise un fonctionnement en toute saison. Il faut compter environ 20 m2 d’emprise au sol pour épurer 1 m3 par jour.
Une taille rase par an
Trois semaines avant les vendanges, il est utile d’ensemencer en bactéries pour garantir l’efficacité du biofiltre, qui peut être impacté par l’utilisation de détergent, par exemple. Ce passage une fois par semaine est rapide et peu onéreux (environ 80 € par an). L’investissement, quant à lui, se situe entre 25 000 et 30 000 €, pour une configuration standard (hors dégrillage et stockage).
Avant toute installation, Azuvia se déplace et étudie les caractéristiques des effluents chez son client, puis réalise une étude de dimensionnement, avec une recommandation pour le choix des plantes. « Nous proposons 60 espèces épuratoires, dont 15 que nous utilisons couramment, indique Olivier Lucas. Nous faisons attention à ne choisir que des plantes endémiques. » La serre peut aussi être personnalisée : couleur, nombre de portes, frises, ajout de plantes ornementales…
Les effluents vinicoles sont considérés comme des déchets industriels banals, donc non dangereux. Ils peuvent néanmoins avoir un impact sur l’environnement du fait de leur composition. Outre les composants liés au raisin tels que la pellicule, la rafle, du sucre, des acides ou encore de l’alcool, ils peuvent contenir de la terre, des produits de nettoyage et détartrage, ainsi que tous les éléments pouvant intervenir dans la vinification (média filtrant, colle). Les effluents vinicoles ont une forte acidité (pH compris entre 3 et 5) et sont dix fois plus chargés que les effluents urbains. La vinification de 500 hl de vin correspond à une pollution de 50 à 60 équivalent habitant. « Selon les caves, le volume d’effluent est généralement compris en 0,5 et 5 l par litre de vin produit, avec une DCO variant de 3 à 30 g/l », indique Joël Rochard, ingénieur et œnologue spécialiste de viticulture durable.