Comment le bouchonnier Diam s’organise-t-il pendant la crise sanitaire ?

L'entreprise DIAM bouchage.

Dominique Tourneix est PDG de DIAM Bouchage à Céret (66), dans le Roussillon. Nous l’avons interrogé pour savoir comment ce bouchonnier gère la crise sanitaire liée au coronavirus.

Dominique Tourneix, CEO de Diam Bouchage

Votre région est-elle très touchée ?
Dominique Tourneix :
 Montpellier et Perpignan sont des foyers. Mais nous sommes basés à Céret, à 30 km, et pour l’instant nous n’avons pas eu de cas au plan local. Si quelques doutes ont été émis pour certains qui ne se sont pas sentis bien, rien n’est sûr. Tout le monde n’est pas testé, donc l’incertitude reste.

Comment l'entreprise DIAM s'est-elle organisée?
D. T. : L’entreprise tourne. Nous avons organisé le personnel afin qu’il puisse mettre en place les bonnes règles d’hygiène et de distanciation.
Pour le secteur administratif-bureau, 72 % de nos salariés sont en télétravail. C’est un chiffre élevé.
Au niveau de l’usine, quand le télétravail n’est pas possible, une quarantaine de personnes sont à la maison pour des raisons d’affection longue durée ou de garde d’enfants.

Avez-vous réorganisé le travail à l’usine ?
D. T. : 
Pour éviter que les salariés se croisent, nous avons complètement réorganisé les ateliers en plus petits modules. De plus, nous avons démultiplié les lieux de vestiaire et de restauration. Nous avons aussi simulé des situations de test : que se passe-t-il si jamais quelqu’un ne se sent pas bien ? Comment va-t-on l’évacuer ? Est-ce qu’on le renvoie chez lui par précaution ?
Nous avons mis en place des opérations de nettoyage récurrentes, en utilisant une solution à base d’eau et d’eau oxygénée (0,5 %). L’eau oxygénée est l’un des produits que nous utilisons pour nettoyer les bouchons, nous en avions donc en stock. Dans la presse médicale, nous avons lu que c’est un produit extrêmement efficace contre les virus, en général, dont le coronavirus. Nous "sprayons" cette dilution pour nettoyer les lieux de travail.
Chez Diam, nous assurons donc la continuité du service et de la production.

Est-ce qu’il a été facile de convaincre vos salariés de continuer à travailler ?
D. T. : Cela a été une période très, très tendue. Nous avons tous vécu cela avec beaucoup de stress. La première réaction suite au discours du président Macron a été "sauve qui peut, tout le monde aux abris !" Mais quelques jours après, Bruno Le Maire a précisé qu’il fallait que les usines continuent à produire, notamment celles des secteurs essentiels, et Diam en fait partie.
M. Macron avait signalé que l’État paierait. Cependant, il faut avoir de bonnes raisons pour cela. Certains dossiers de TPE ont vu leur dossier de demande de chômage technique refusé, car il n'y avait pas de justification solide. En effet, il faut prouver que l'activité a disparu ou qu'elle a fortement été réduite.
Ce n’est pas le cas de Diam. Sauf en Champagne, où nous avons un petit bureau. Car en Champagne, les grandes maisons ont décidé d’arrêter de produire. Elles vont redémarrer à la fin du mois. Donc c’est le seul endroit où nous avons pu obtenir que le personnel soit en chômage technique. Cela concerne sept personnes.
Nos trois autres usines en Espagne, au Portugal et en France fonctionnent aussi normalement que possible, y compris notre partenaire en Italie. Ce dernier a réussi à maintenir son activité, évidemment avec moins de monde et une activité plus réduite car les ventes baissent. Des caves ont fermé.
Pour Diam, tout ce qui est export fonctionne encore. Nous anticipons une baisse dans les mois à venir, évidemment.

Vous anticipez une baisse d’activité de quel ordre ?
D. T. : Si l’on grossit le trait, le commerce mondial du vin se situe sur deux secteurs :

  1. Off Premices (= les ventes en linéaire). Cela représente 70 % du marché. On peut s’attendre à 5 % de volume en moins sur ce secteur.
  2. On Premices (= le reste), qui représente environ 30 % ces ventes. Là, on peut s’attendre à une baisse de 50 % de volume.

Nous anticipons donc une baisse générale moyenne de 20 %. Il y a forcément des cas un peu différents, mais disons que cela reste notre théorie générale, simplifiée. Notre hypothèse est un - 20 % qui durera sûrement dans le temps, et de manière différente suivant les pays.
Diam, avec ses produits, a un potentiel de croissance de l’ordre de 10 points par an. C’est ce que nous avons vécu ces dix dernières années, en moyenne. Nous pensons donc être à - 10 % en fin d’année. Sachant que nous sommes décalés : notre activité n’est pas calendaire, elle va jusqu'à fin mars de l’année prochaine. On s’attend à une baisse d’activité. J’espère, vu la force de la marque DIAM, que ce sera moins fort pour nous. Je pense que les entreprises qui n’ont pas de marque forte vont souffrir. DIAM bénéficie de plus d’un bouche-à-oreille conséquent pour une entreprise de bouchage.

Et concernant le télétravail ?
D. T. : Notre équipe informatique était déjà préparée car cela faisait un moment que l’on parlait de mettre en place du télétravail dans l’entreprise, et l’on avait commencé à s’équiper. Cela été relativement rapide et efficace.
Je teste pour la première fois de ma vie le télétravail ! Cela demande une certaine discipline et cela se prête bien à tous les métiers administratifs notamment. Cela permet d’entretenir le lien. Mais il y a des jobs où c’est plus difficile… Même pour un dirigeant d’entreprises, le télétravail a ses limites car il faut voir ses équipes. Cela ne peut pas durer des mois et des mois. Au bout d’un moment, cela s’étiole un peu…
Dans nos équipes d’amélioration continue, il faut faire des essais. Comme pour la R&D, d’ailleurs. La plupart de ces salariés sont en télétravail. Mais ils s’organisent différemment et reviennent de temps en temps au bureau pour faire des manipulations. Nous nous arrangeons pour qu’ils ne se croisent pas trop !
J’avais beaucoup de craintes, mais les choses se passent vraiment bien. Nos employés sont flexibles, Ils sont prêts à faire des efforts. Et ils s’adaptent devant l’exceptionnel.
À mon avis, on va découvrir d’ailleurs que le télétravail offre pas mal d’avantages… On s’aperçoit qu’on peut continuer à faire des tas de choses intéressantes en télétravail! Plutôt que de se déplacer systématiquement, on pourrait utiliser plus le télétravail. C’est une excellente nouvelle, et même pour la planète !
Nous nous devons en tant que dirigeant d’entreprise de penser à l’après. Une entreprise est comme un gros paquebot, elle a un cap. On ne donne pas des coups de volants tous les jours. D’où l’importance de garder un minimum d’activité en permanence, même avec beaucoup de craintes.
Nous avons fait les choses nécessaires et nous avons énormément communiqué auprès de nos employés. On prend la parole toutes les semaines. Chacun a reçu un petit fascicule avec les bonnes pratiques. Tout cela participe au fait de sentir que la direction est là, qu’elle essaye de trouver des solutions et de ne pas laisser les gens seuls.
Nos employés ont aussi porté une volonté forte de maintenir leur entreprise.

Un message pour les vignerons ?
D. T. : Les vignerons vont devoir mettre les vins en bouteille, pour vider les cuves. Et faire de la place pour la prochaine récolte. Si certains ont des difficultés de trésorerie, le conseil que je peux leur donner est d’avoir un message de franchise avec nous. Ne pas hésiter à nous en parler ! Nous les aiderons. Mais surtout ne pas le cacher. Il est important de bien nous en parler en amont, afin de passer ce cap difficile, ensemble. Nous pouvons tout à fait comprendre que certains puissent avoir des trésoreries tendues. On peut trouver de solutions !
Et surtout : ne rien lâcher, ne pas se replier dans sa coquille. Le redémarrage est très dur pour ceux qui s’arrêtent. J’ai eu plusieurs témoignages autour de moi. Une fois les ateliers arrêtés, c’est très difficile de redémarrer, de se remettre en route, car les gens sont terrorisés. Ce qu’on peut tout à fait comprendre dans cette situation unique. Nous avisons au jour le jour et nous créons des solutions au fur et à mesure.

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