Depuis plusieurs années, les producteurs de bois pour l’œnologie entendent changer l’image du chêne en morceaux. L’intrant naturel, au processus d’élaboration proche, voire identique, à celui utilisé pour les douelles de barriques, est valorisé pour sa polyvalence d’usages. Les notes boisées et les saveurs marquées restent un classique demandé. Mais le bois œnologique est aussi de plus en plus apprécié pour la sucrosité qu’il peut conférer, sans masquer la complexité endogène du vin. Pour assurer la reproductibilité des profils et l’originalité des produits, les orientations des fournisseurs sont variées. Certains misent sur la sélection des bois, par l’origine ou par l’analyse, d’autres sur la maturation ou la chauffe.
Un levier en cave pour contrecarrer les effets du changement climatique
Les effets du changement climatique se mesurent. La date de récolte a avancé de 15 jours en 26 ans à Saint-Émilion, et de 26 jours en Alsace. On sait aussi que, depuis le début des années 1980, le vin languedocien a gagné près de un degré tous les dix ans. Il est passé d’une moyenne de 11° à plus de 13°. Par ailleurs, l’acidité baisse et les pH augmentent.
« Pour atténuer ces effets à court terme, il y a des leviers à la vigne, mais aussi en cave. Le chêne sessile français utilisé en morceaux peut apporter aux vins des notes mentholées. Le pH et l’acidité du vin ne changent pas mais la perception, l’image sensorielle du consommateur s’oriente vers plus de frais, explique Laurent Fargeton, directeur du développement de Vivelys dont fait partie Boisé France. Pour arriver à ce résultat, Boisé France travaille d’abord sur la sélection des bois. Ils sont systématiquement analysés. D’un arbre à l’autre, même issus d’une même forêt, les concentrations en précurseurs aromatiques et en tanins sont très variables. Le tri préalable que nous effectuons permet d’identifier les bois qui ont un profil rafraîchissant. »
Boisé France les valorise au travers des douelles 07.Fr et 20.Fr
mais aussi de copeaux avec Signature Fr.
Une nouveauté 2021 chez Boisé France
Pour apporter au vin des notes grillées et de café sur des temps de contact courts, Boisé France lance P310 la déclinaison en paillettes des copeaux DC310.
« Utilisée principalement pendant la fermentation alcoolique, la P310 modifie peu la structure du vin, mais apporte surtout de la douceur et de la persistance aromatique. Pendant la vinification, les interactions du bois en éclats sont plus importantes qu’avec des copeaux. À profil équivalent, il est possible de réduire les doses d’usage. Les paillettes s’évacuent avec le marc. P310 est un produit économique et pratique », détaille Laurent Fargeton.
La génétique des chênes permet de renforcer la traçabilité
En 2015, des chercheurs français séquençaient le génome du chêne. Trois années de travaux avaient permis de décrypter l’ensemble de l’information génétique porté par les 12 paires de chromosomes de l’arbre.
Depuis, des équipes de l’Inrae s’intéressent en particulier aux chênes de la forêt de Tronçais, un massif de plus de 10 000 ha situé dans l’Allier et reconnu Forêt d’exception par l’ONF. Leurs travaux de recherche portent, entre autres, sur le lien entre la résistance à la sécheresse et le bagage génétique des chênes sessiles.
Pour les barriques Taransaud et les bois œnologiques Xtrachêne, Chêne Bois est l’un des principaux acheteurs de chênes majoritairement sessiles en forêt domaniale de Tronçais. Et l’entreprise valorise les connaissances de l’Inrae sur le chêne et ses marqueurs génétiques pour garantir l’origine des bois qu’elle achète dans les futaies de la forêt de Tronçais.
« Des tests ADN sont réalisés sur chaque lot de bois que l’on acquiert, indique Vincent Lefort, directeur de Chêne Bois. Ils permettent de confirmer l’origine annoncée et contrôlée par l’État, d’en apporter la preuve. En effet, par identification des marqueurs du génome les experts ont la possibilité d’identifier un chêne ne venant pas de la forêt de Tronçais.
Pour Chêne Bois, c’est une garantie d’origine supplémentaire et la preuve de la remarquabilité des chênes de cette forêt qui permettent de développer des bois œnologiques haut de gamme.»
Une nouveauté 2021 chez Xtrachêne
Xtrachêne propose des sticks en chêne d’espèce sessile de la forêt de Tronçais.
Le vieillissement des bois se fait à l’air libre pendant 36 mois. Pour cette référence, Xtrachêne propose aux vinificateurs de choisir entre une chauffe à convection ou une chauffe au feu de bois. Les sticks sont à utiliser à partir de la FML, pour 8 à 12 mois de contact
avec le vin.
Des morceaux de bois pour les rosés
Avec quelque six millions d’hectolitres élaborés chaque année, la France est le premier producteur de rosé au monde. « Et désormais, le profil des vins rosés s’enrichit
de nouvelles nuances », introduit Andrei Prida, responsable R&D chez Seguin Moreau.
« Dans un contexte de montée en gamme, les vinificateurs s’attachent à élaborer des rosés avec un degré d’alcool proche de 12,5°. Les dates de récolte sont décidées en conséquence. Alors pour équilibrer l’acidité naturelle des vins, il peut être intéressant de travailler sur le volume et la sucrosité en milieu de bouche, détaille Thomas Oui, œnologue et expert bois d’ICV.
Par ailleurs, tout en respectant le profil aromatique naturel du rosé et sans apporter de notes boisées, nous recherchions pour les vignerons un bois œnologique qui apporte à leurs vins de la complexité aromatique. Seguin Moreau a réussi à répondre à toutes ces attentes avec Œnofirst Rosé. »
Depuis 2013, Seguin Moreau propose des copeaux de bois de chêne compactés par un procédé physique.
Dans la gamme Œnofirst, le bois occupe alors environ 4 fois moins d’espace qu’un sac de copeaux au poids identique. Les morceaux de bois pour l’œnologie contenus dans les briques de 750 grammes se mettent naturellement en suspension dans le moût ou dans le vin en dix minutes.
« La petite taille des morceaux de bois compactés d’Œnofirst Rosé permet d’obtenir des résultats rapides, remarque Thomas Oui. Durant la vinification, le résultat est satisfaisant dès quinze jours de trempage. Il en va de même pendant l’élevage avec des doses moins importantes. Avec ces conditions d’emploi, il est facile de faire des essais en BIB avant d’agir à l’échelle d’une cuve. »
Des produits bois pour les vins effervescents
Depuis vingt ans, 2020 et 2021 mises à part, le marché des vins effervescents s’est développé à un rythme soutenu.
D’après l’OIV, la production mondiale de vins effervescents a atteint 20 millions d’hectolitres pour la première fois en 2018, soit une augmentation de 57 % depuis 2002.
« Sur ce segment de marché concurrentiel, les producteurs de vins effervescents cherchent à se différencier.
Avec Nobispark, Nobile leur propose une différenciation organoleptique de l’effervescent à partir d’un même assemblage initial de vin de base, indique Chantal Bompas, responsable de la marque Nobile pour le marché français. Pendant la prise de mousse en méthode traditionnelle, les composés naturels du chêne français vont s’intégrer au vin. »
En effet, Nobispark intègre un cube de bois de chêne français à l’intérieur d’un bidule. Le tout se présente prêt à l’emploi. Utilisé comme un bidule classique, Nobispark ne nécessite aucun équipement spécifique lors de sa mise en place
au tirage. Il est éliminé naturellement lors du dégorgement.
Lancé en 2020 pour le cava en Espagne, Nobispark est cette année disponible sur tous les marchés. Il est utilisable sur tous les vins effervescents dans le respect du cahier des charges de chaque indication géographique.
Une nouveauté 2021 chez Nobile
Dans la gamme de copeaux Chauffe gourmande, Nobile propose une nouvelle référence : Nobile Dark Almond qui contribue au développement de nuances grillées (amande, café) et de notes de chocolat noir.
Le boisage à la cuve ou par concentrat
Le boisage du vin durant l’élevage n’offre pas uniquement des notes boisées aux vins, contrairement à ce que le terme pourrait laisser penser.
« Avec les bois œnologiques, le vinificateur peut apporter à ses vins de la complexité aromatique, de la structure, du volume, de la sucrosité, introduit Jean-Marie Garrigue, responsable commercial d’Arôbois. Pour arriver à ces résultats, deux écoles cohabitent : le boisage à la cuve et le boisage d’une cuve dites “de concentrat”. »
Le premier cas est simple à comprendre. Le vinificateur introduit le bois œnologique qu’il a choisi dans une cuve.
La deuxième méthode mérite plus d’explications, données par Jean-Marie Garrigue : « On introduit une dose élevée de bois œnologiques dans une cuve, généralement à une concentration de 40 % équivalent barrique. Cette unité de mesure couramment utilisée correspond à 4-5 douelles ou 500 g de copeaux par hectolitre de vin. Après plusieurs semaines de temps de contact, le vin de la cuve de concentrat, très marqué, est dilué dans plusieurs cuves de vin d’un même lot. »
Cette méthode fréquemment utilisée dans les chais de capacité importante a l’avantage de concentrer le suivi du boisage sur une unique cuve et d’aboutir plus facilement à des lots au profil homogène.
Une gamme en extension chez Arobois
« Tel un phénix qui renaît de ses cendres », voici une image qui convient bien à Arôbois, producteur de bois œnologiques qui a fait de la qualité de chauffe son cheval de bataille. Fin 2019, l’entreprise a été ravagée par les flammes.
L’épreuve, qui a donné lieu à la construction d’un nouveau site de production, a aussi été l’occasion de développer une méthode de chauffe qui lui est propre.
Les copeaux et les blocs de la gamme Arôneo sont torréfiés dans des fours à vapeur. Cette chauffe à cœur élimine plus rapidement les tanins astringents encore contenus dans les bois séchés de qualité merrains. Arôbois propose quatre recettes pour les copeaux et depuis peu deux autres pour les blocs : Équilibre et Intense.
Du chêne au bois pour l’œnologie
Les bois œnologiques sont issus, comme les douelles des barriques, de chêne. « Nous achetons des grumes c’est-à-dire le tronc du chêne déjà séparé de la partie houppier (branches et surbilles). Sur un mètre cube de grume, environ 20 % pourront être débité en qualité merrain pour réaliser des barriques. On peut aller jusqu’à 25 % sur les bois très droits de fil et sans défauts, explique Thomas Bioulou, le directeur de Pronektar, une marque du groupe Radoux. Dans notre merranderie, nous conservons pour les bois pour l’œnologie le maximum du reste du duramen. Cela nous permet de valoriser environ 30 à 40% de bois supplémentaire sur la grume. L’écorce, l’aubier et le bois de cœur que nous ne pouvons pas travailler sont vendus à une société qui produit de la pâte à papier, pour ne rien perdre de la ressource naturelle qu’est le bois de chêne. »
Une nouveauté 2022 chez Pronektar
« Avec les mesures d’Oakscan, nous sélectionnons des bois de chêne français à faible potentiel tannique. Associé à une chauffe discrète, nous pensons aboutir à des staves aromatiquement neutres mais qui apportent de la sucrosité et du volume », indique Thomas Bioulou, le directeur de Pronektar.
Article paru dans Viti Leaders n°463 de septembre 2021