Les prévisions avancent que la Chine devrait doubler ses territoires de vignobles au cours de cinq prochaines années. Elle surpasserait alors les grands producteurs européens (France, Espagne, Italie) pour devenir – après être devenu en 2013 le plus grand consommateur de vin rouge – le plus grand producteur de vin au monde. Après avoir privilégié pendant des années une production quantitative, la production chinoise est-elle capable de se tourner vers un vignoble plus qualitatif?
Une production plus quantitative que qualitative
Lorsque l’on parle de vin, la Chine ne bénéficie pas encore d’une réputation internationale forte. Malgré l'apparition rapide d'une industrie domestique viticole pendant les deux décennies passées, le marché intérieur produit toujours principalement des vins de mauvaise qualité, peu coûteux, tandis que les vins de haute qualité – les vins les plus chers – sont importés d’Europe.
La production viticole est vieille de seulement trois décennies en Chine. Cela peut expliquer en partie pourquoi elle est encore considérablement en retard sur les autres puissances viticoles. En effet, si les caves à vin ont été présentes en Chine depuis la Dynastie Han (plus d’un siècle av. JC), les Chinois ont toujours préféré boire du Baijiu, l’alcool blanc (à base de riz), plutôt que du vin. C’est seulement à partir de 1987 que le gouvernement a mis en place la promotion de la production viticole locale et que les vignobles ont commencé à se développer à travers la Chine.
L'industrie du vin en Chine manque toujours d’histoire et d'expérience face aux producteurs européens. Bien que la connaissance du grand public et l'appréciation du vin se soient améliorés, les consommateurs chinois de vin restent encore relativement peu sophistiqués. Plutôt que choisir des vins en fonction du goût, la plupart des consommateurs choisissent leur vin en fonction du prix et de l’étiquette, surtout dans les villes de deuxième et troisième échelle. Ainsi, jusqu'à ce que les consommateurs chinois deviennent plus instruits sur la consommation de vin et développent des préférences gustatives, la production intérieure ne va probablement pas ressentir une pression suffisante pour produire du vin de meilleure qualité.
C’est pourquoi, bien qu’aujourd’hui la Chine soit le cinquième plus grand producteur de vin du monde, son vignoble a historiquement favorisé la quantité au détriment de la qualité, empêchant le vin chinois de développer une réputation mondiale.
L’investissement dans une production de qualité
Pourtant, on peut dire aujourd’hui que la qualité des vignobles est en croissance en Chine. Cette éducation des consommateurs se met petit à petit en place, notamment grâce aux actions des producteurs européens en Chine. Aussi, les vignobles chinois ont maintenant envie d’exister au niveau international, et pourquoi pas de commencer à exporter la production nationale.
Ainsi, on observe en ce moment des signes prometteurs pour l’industrie chinoise du vin. Profitant de l’intérêt des producteurs étrangers, et notamment français, le vignoble chinois a acquis peu à peu des facteurs de qualité et des compétences devant favoriser son développement. Citons pour l’exemple Moët Hennessy, un des groupes vins et spiritueux de LVMH qui à signé plusieurs accords pour développer sa production en Chine. Il s’est installé dans les régions du Yunnan et du Ningxan, où il possède un vignoble de plus de 66 hectares profitant d’un climat proche de celui de la Champagne. Dans le même temps, les barons du Domaine de Rothschild, ont planté 25 hectares dans la région du Penglai, une péninsule verte et vallonnée, devant produire près de 130 000 bouteilles d’ici à 2016.
De même, il semble que Pékin veuille favoriser ce partage de connaissance propice au développement de la qualité de la production Chinoise. Les récentes tensions sur l’importation de vins européens en Chine se sont conclues sur un accord stipulant, entre autres, le devoir d’aide technique et de transfert de compétence des vignobles européens vers la Chine.
Des résultats encore marginaux
Ainsi, quelques producteurs locaux notables sont entrés sur le marché des vins haut de gamme et ont gagné le respect des consommateurs étrangers.
L’exemple le plus marquant – et sans doute le plus médiatique – a été ce challenge nommé "Bordeaux contre Ningxia". Cela consistait en une dégustation à l’aveugle en 2011, opposant des vins de Bordeaux à haute réputation à des vins de la région du Ningxia en Chine. Un groupe de dix experts, cinq français et cinq chinois, a ainsi classé quatre vins appartenant au vignoble chinois au-dessus de tous les participants de Bordeaux, parmi lesquels un Saint-Emilion Kressmann 2008, un Medoc Calvet réserve de l’Estey 2009, un Bordeaux Cordier 2008 et un Médoc Mouton Cadet 2009.
Nous citerons également le groupe viticole Grace Vineyard, reconnu internationalement pour la qualité de sa production dans les provinces du Shanxi, du Ningxia, et du Shaanxi. Nommé "meilleure cave à vin" en 2012 par l'édition chinoise de la "Revue du vin de France", le vignoble familial a seulement quinze ans d’expérience. C'est le signe que développer une marque reconnue et une production de qualité en peu de temps est possible en Chine. En mai 2013, Grace Vineyard a remporté 5 des 18 médailles disputées par les vins chinois au Decanter World Wine Awards.
Cependant, on nuancera ces exemples. Il s’agit d’une production très spécifique en Chine et l’ensemble de la production reste loin des standards de qualité des pays occidentaux, et a fortiori européens.