Depuis la reprise du domaine bordelais, la famille Mau s'applique à faire de Château Brown une propriété concernée et impliquée dans la lutte contre le dérèglement climatique. Et les choix pris ne suivent pas les sentiers battus.
En 2020, le passage du bois au carton pour les caisses du Château Brown a mis en lumière la démarche globale de la propriété pour réduire ses émissions de carbone. Pouvez-vous la détailler ?
Jean-Christophe Mau : Pour être cohérent, on se doit d’être vertueux de la vigne à la vente en passant par le chai. Et contrairement à ce que certains ont pu dire, le passage du carton au bois n’était pas pour le Château Brown un moyen de faire de la marge. Ce qui m’aiguille c’est l’amélioration du bilan carbone de la propriété. Le plus gros problème du monde c’est le dérèglement climatique. J’agis pour que l’entreprise y contribue le moins possible.
Réduire le poids des bouteilles de nos seconds vins, passer de l’aluminium à l’étain pour les capsules de surbouchage, retirer les dorures des contre-étiquettes, choisir le liège pour les bouchons, vont dans ce sens.
À la vigne, ce qui m’anime c’est la lutte contre la monoculture. La propriété de 60 ha compte seulement 35 ha de vigne. Le reste est recouvert par des bois ou des prairies. Depuis la reprise du château en 2005, nous avons créé des mares, installés 75 nids à chauves-souris et 75 nids à mésanges, créé un verger et installé une jeune horticultrice pour le moment sur 7000m². Aussi, nous avons mis en place des couverts végétaux en mélange entre les rangs. L’œnologue conseil a laissé place à un consultant agronome !
À ce jour, 75 à 85 % des produits phytosanitaires que nous utilisons sont autorisés en agriculture biologique. Nous avons banni les anti-botrytis, les insecticides et les produits CMR. Nous sommes passés au désherbage mécanique sous le rang il y a quatre ans. Mais je revendique de ne pas vouloir certifier en bio Château Brown.
Pourquoi ne pas vouloir passer en bio ? Le département de la Gironde est celui qui a la plus forte progression des surfaces engagées en 2021.
J-C.M. : Le bio n’est pas un choix économiquement viable. Au château, les rendements sont en baisse. Lorsque notre famille a repris le vignoble au cours des années 2000, le rendement moyen était de 38 hl/ha. Sur les cinq dernières années, nous sommes à 30 hl/ha. Le gel, la grêle, les pluies excessives sources de mildiou nous ont pénalisés. Passer au bio augmente le risque de perte de productivité.
Par ailleurs, ce cahier des charges ne prend pas en compte le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité. Un domaine bio peut couper des chênes pour planter un peu plus de vigne, garder son label et le valoriser auprès des consommateurs. Avoir une démarche globale comme celle du Château Brown n’est reconnu par aucun label. J’espère un jour voir émerger une certification « carbone » qui distingue les entreprises qui agissent.
En revanche Château Brown est certifié HVE.
J-C.M. : Château Brown est engagé dans la démarche environnementale collective SME créée à l’initiative de l’interprofession des vins de Bordeaux. Tous les efforts déployés pour respecter les exigences de ce label nous permettent de cocher celles de la HVE. Mais je ne sais pas trop quoi penser de la certification environnementale HVE.
C’est une bonne initiative des Pouvoirs Publics pour encourager massivement les agriculteurs à améliorer leurs pratiques mais le cahier des charges ne va pas assez loin, de fait il est attaqué avec virulence par des partisans du bio et enfin, il n’est pas compris et connu des consommateurs.
Vos choix engagés sont-ils commercialement porteurs ?
J-C.M. : Il serait plus simple de passer en bio ! Il faut beaucoup de pédagogie pour expliquer notre démarche et nos choix. L'été, nous n'arrosons pas la pelouse devant la propriété. C'est une anecdote mais il faut se justifier auprès des visiteurs habitués à voir à Bordeaux de belles pelouses vertes quelle que soit les conditions climatiques.
On fait donc des efforts pour communiquer auprès du grand public notamment au travers de vidéos diffusées sur notre site Internet, nos comptes sur les réseaux sociaux et notre newsletter.
Quelles sont les conséquences du dérèglement climatique observables sur le domaine ?
J-C.M. : L’une des plus notables c’est l’augmentation des épisodes de gel printanier. Le merlot est particulièrement vulnérable car il débourre précocement. Ce cépage se trouve aussi moins bien adapté à la contrainte hydrique. Dans des situations de stress, contrairement au cabernet, il transpire beaucoup, perd de l’eau. Il monte in fine facilement en degré. Sur nos terroirs propices au cabernet sauvignon, nous privilégions donc de plus en plus ce cépage au détriment du merlot.