La révolution de l’emballage est en marche

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Dans son livre intitulé « La révolution de l’emballage : l’émergence de nouvelles solutions », Fabrice Peltier propose un inventaire de ce que pourrait être l’emballage en 2040. Pour cet expert reconnu du « design-packaging », les emballages de demain seront nécessairement plus respectueux de l’environnement.

Le nouveau livre blanc sur les emballages « Révolution de l’emballage : l’émergence de nouvelles solutions » de Fabrice Peltier est disponible à l’achat sur son site Internet.
La lecture de votre dernier livre La révolution de l’emballage pousse à poser un regard différent sur les emballages. Au travers de nombreux exemples, vous montrez que les lignes bougent, vers plus de durabilité. 

Fabrice Peltier : Les industriels n’ont pas le choix. Les consommateurs se mobilisent et les pouvoirs publics suivent cet élan en promulguant des lois coercitives. La révolution vers un emballage plus responsable est en marche. Et il n’y a pas de retour en arrière possible. À travers ce livre, j’ai souhaité mettre en avant les pistes innovantes qui s’inscrivent dans cette dynamique. Toutes ne s’imposeront pas, mais cela donne une idée aux lecteurs des possibilités qui existent à ce jour pour réinventer l’emballage. 
 

L’agriculture a un rôle à jouer dans la révolution des emballages ?

F. P. : L’homme a toujours cherché à conserver sa nourriture et l’eau dans des contenants fabriqués à partir de ressources qui étaient à portée de main comme les peaux, le bois, la terre… Les premières matières plastiques de synthèse étaient composées de fibres végétales et de caséine. C’est au début du XXe siècle que la pétrochimie s’est imposée dans la production de plastique. Mais, depuis peu, les industriels redécouvrent qu’il est possible de se passer ou de minimiser l’usage du pétrole pour réaliser des emballages plastiques. Actuellement, on sait faire du polyéthylène PE, du polystyrène expansé ou polypropylène à partir de matières végétales. 

Les marques se saisissent de cette opportunité. C’est le cas notamment du groupe Léa Nature, qui conditionne une partie de ses produits cosmétiques dans des tubes en polyéthylène 100 % d’origine végétale à base de canne à sucre. Ici, la matière végétale est cultivée pour faire du plastique, mais dans d’autres cas, ce sont des sous-produits agricoles qui sont valorisés. Les déchets du tri de semences, les déchets de la production de la viticulture, de l’oléiculture ou encore des chocolateries entrent dans la composition de certains bioplastiques. 

Les papetiers aussi s’intéressent aux coproduits agricoles en remplacement du bois. Par exemple, l’amidon de pomme de terre, issu des déchets de l’industrie agroalimentaire peut être valorisé puis recyclé dans la filière papier-carton. 

Ces matériaux d’origine végétale offrent des perspectives intéressantes, mais il faut regarder leur recyclabilité. Tous ne sont pas recyclables dans les filières existantes en France. C’est le cas des plastiques PLA conçus à base d’amidon de maïs ou de bagasse de canne à sucre, que l’on retrouve dans certains pots de yaourt par exemple. 
 

Le verre peut-il faire sa révolution durable et responsable ? 

F. P. : Les emballages en verre sont recyclables à 100 % et à l’infini. Les consommateurs français l’ont bien intégré ; le taux de recyclage du verre est de 85 %. Pour devenir plus vertueux, le verre a peu de marge de manœuvre. La piste la plus évidente est l’allégement.
L’autre repose sur le sourcing de la matière première. L’industrie verrière doit faire face à la demande croissante en verre blanc, que l’on retrouve notamment pour les bouteilles de vin rosé. S’il est possible de faire du verre vert et brun à partir de calcin de composition varié, ce n’est pas le cas pour le verre blanc. Pour faire du verre blanc sans tache colorée, les verriers ont besoin de calcin issu exclusivement de verre blanc. Plutôt que de demander aux Français un geste de tri supplémentaire, les industriels ont opté pour une technologie de tri par caméra, afin de séparer le verre coloré du verre blanc dans les centres de recyclage. Cependant, il convient de souligner qu’à ce jour, l’essentiel du verre blanc provient non pas de calcin blanc, mais de sable, une ressource naturelle mais non renouvelable. 
 

Dans votre ouvrage, vous parlez aussi du réemploi des emballages et de la bonne position du verre pour satisfaire à la prochaine obligation réglementaire. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

F. P. : La loi anti-gaspillage adoptée en 2020 vise à augmenter la part des emballages réemployés par rapport aux emballages à usage unique. Elle fixe aussi des objectifs sur la part du réemploi : 5 % en 2023 et 10 % en 2027. 

Concrètement, le réemploi consiste à utiliser à nouveau un emballage pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu. Il peut se faire avec et sans consigne. Mais pour être incitatif, la consigne sera certainement privilégiée. Le système de consigne n’est pas nouveau pour le vin ; il a déjà existé. Il est possible de le remettre en place, notamment sur le réseau CHR où le dispositif n’a jamais disparu. Aujourd’hui, les CHR collectent les bouteilles d’eau en verre par exemple. Si la filière vin veut s’inspirer de cette démarche, il faudra définir une gamme de bouteilles standards. C’est la condition sine qua none au succès de la consigne. La loi anti-gaspillage a anticipé ce point. D’ici au 1er janvier 2022, les éco-organismes comme Adelphe devront définir des gammes standards d’emballages réemployables pour la restauration. Le réemploi des emballages est possible, souhaitable et il va changer les circuits traditionnels de distribution. 
 

Si la bouteille en verre est le contenant traditionnel du vin, il y a de plus en plus de vente sous les formats BIB et poche souple. Ces contenants ont-ils leur place dans la révolution des emballages engagée ? 

F. P. : Les poches souples répondent à une tendance forte pour les emballages plastiques, à savoir l’allégement. Les marques qui passent d’un emballage rigide à un emballage souple annoncent une réduction de quantité de plastique de 75 à 85 %. C’est une bonne démarche, mais elle a ses limites. Les poches sont souvent composées de films complexes. Il n’est pas possible de séparer les matériaux les uns des autres. Ces poches ne sont donc pas recyclables. La situation est identique avec les poches des BIB. 

La révolution sur ce type de contenant passera par le mono-matériau, recyclable. 
 

Que pensez-vous des bouteilles de vin en papier ?

Cette bouteille de 75 cl, baptisée Frugal, est fabriquée à 94 % de carton recyclé et comporte une doublure en plastique. Son coût serait comparable à une bouteille en verre étiquetée.
F. P. : L’été dernier, l’entreprise italienne Cantina Goccia a commercialisé un de ses vins dans la bouteille Frugal, de Frugalpac. J’ai analysé cet emballage dans la chronique que je réalise ponctuellement pour la revue Emballages Magazine. Elle est composée de 94 % de carton recyclé, découpé et collé autour d’une poche multicouche en plastique et aluminium de 15 grammes, avec un embout à vis en plastique. L’ensemble ne pèse que 83 grammes, soit près de cinq fois moins qu’une bouteille en verre de même contenance. Une fois la bouteille vidée de son contenu, comme avec les BIB, le consommateur doit séparer la poche du carton. La poche n’est pas recyclable en France, le carton, quant à lui, est recyclé dans la filière papier-carton. Cet emballage éco-conçu est intéressant, même s’il mériterait d’être encore optimisé.

Dans la famille des « paper bottles », on voit aussi arriver des emballages en cellulose moulée qui peuvent contenir une bouteille plastique PET ultra-allégée. La quantité de plastique recyclable est considérablement diminuée et la coque est végétale et aussi recyclable. Carlsberg et la marque de vodka Absolut communiquent largement sur leurs projets respectifs de « paper bottle ». C’est une piste vraiment intéressante. 
 

Les vignerons doivent-ils se sentir concernés par la révolution des emballages ?

F. P. : Les emballages les concernent en tant que metteurs en marché et en tant que consommateurs. La transition vers des emballages plus durables ne fait que commencer et va s’accélérer. Soyez ouverts à tous ces changements et inscrivez-vous dans cette révolution !

Recyclable mais pas forcément recyclé
Un matériau recyclable s’intègre dans une filière de recyclage. En France, le verre, le métal, le carton-papier ou encore certaines matières plastiques sont recyclables. Mais ces matériaux ne sont pas forcément recyclés. Plusieurs raisons l’expliquent. Il y a d’abord la question du tri. Un emballage recyclable qui n’est pas trié n’est pas recyclé. Il est incinéré ou enterré. 
Ensuite, tous les emballages bien triés ne sont pas recyclés, soit parce que le recycleur n’a pas d’intérêt économique à le faire, soit parce que le matériau n’est pas reconnu au cours des processus de recyclage. Un agent perturbateur empêche le recyclage. Ce peut être le cas avec les manchons thermorétractables, ou sleeve, que l’on retrouve autour des bouteilles PET ou verre. 
Mais le perturbateur d’un jour n’est pas perturbateur toujours. D’un côté, les techniques de détection et de séparation dans les centres de tri s’améliorent en continu, de l’autre, des industriels adaptent leurs emballages aux contraintes du tri. 

Les tendances pour les emballages en papier et en carton
Le papier et le carton se substituent de plus en plus aux emballages en matières plastiques. Biodégradables, recyclables, d’origine végétale, ces matériaux ont de nombreux atouts. Dans le livre La révolution des emballages, Fabrice Peltier détaille neuf tendances autour du papier-carton :
1. Le 100 % cellulose, 100 % recyclable. Les industriels retirent de leurs emballages papier-carton les fenêtres plastiques transparentes, les becs verseurs métalliques…
2. La substitution. Les films plastiques d’emballage et de regroupement sont remplacés par des papiers-cartons.
3. L’imperméabilisation. Le papier-carton est complété par un film complexe, qui fait barrière à l’eau et aux graisses.
4. Le souple recyclable.
5. La barquette en carton. Elle fait son chemin, notamment pour l’emballage des fruits et légumes en supermarché. 
6. Le principe de la brique décliné. Les briques alimentaires, qui consistent à plier et thermosceller une feuille en carton avec du plastique et de l’aluminium, se développent avec de nouvelles formes.
7.  Le souple dans un corps rigide. Les « paper bottles »de vin s’inscrivent dans cette tendance.
8. Le grand format BIB.
9. La cale en papier carton. Pour remplacer le polystyrène par exemple.
Les tendances sur les emballages plastiques sont aussi détaillées dans le livre La révolution des emballages.

Inspiration
Au cours de ces vingt dernières années, le poids des emballages en acier a été réduit de 33 % en moyenne grâce à l’amincissement continu de l’acier, et ce, sans aucune perte en matière de robustesse et de durée de conservation des produits. Par ailleurs, l’acier est le champion du recyclage. En France, il est recyclé à 100 %. Grâce à ses propriétés magnétiques, le matériau est récupéré dans les centres, même si les consommateurs se trompent au moment du tri. 

Article paru dans Viti 458 de février 2021