L’exemple de la réhabilitation du vignoble du Crest Petit montre les divers bénéfices de prendre soin de son terroir. Quels sont-ils et comment procéder ? Témoignage de Dom Brial.
Engagée depuis plus de dix ans dans le collectif des Vignerons en Développement Durable, la cave coopérative de Baixas, dans les Pyrénées Orientales a naturellement choisi de mener ce projet en respectant les principes du développement durable : respect de l’environnement, transmission des savoirs traditionnels et création de richesse sur le territoire.
Comment ont-ils procédé ?
Le chantier de restructuration a débuté dès 2007, sur les anciens pâturages communaux du Crest Petit, sur les hauteurs des communes de Baixas et Calce.
Sur ce terroir très qualitatif, l’objectif premier était de stabiliser les apports en Syrah pour les segments haut de gamme, tout en préservant la mosaïque viticole de l’arrière-pays méditerranéen : petits parcellaires de vignes, bosquets de chênes verts, oliveraies, murets et orrys, garrigues…
4 hectares de vignes ont été plantés tout en réhabilitant le bâti vernaculaire : murs en pierres sèches et abris. La remise en état et la création des nouvelles infrastructures a été faite en exploitant les savoir-faire des vignerons maîtrisant la technique avec l’aide d’autres vignerons.
Des espaces arbustifs et arborés ont été remis en état avec des espèces locales, typique de la garrigue méditerranéenne : Chênes verts, Amandiers, Oliviers. Ils étaient présents sur les parcelles et ont été taillés. Des herbacées telles que le thym, le romarin, la lavande et la santoline ont aussi été plantées.
Petits parcellaires, murets & abris en pierre et flore méditerranéenne du Crest Petit.
Dix ans après, quel bilan ?
De nombreux points positifs ont résulté de ce projet de réhabilitation.
Le premier bénéfice du projet a été incontestablement les échanges entre les vignerons de la cave coopérative. La réhabilitation du bâti a permis de transmettre les savoir-faire ancestraux entre générations. Depuis, ce sont aussi eux qui, ensemble, entretiennent le vignoble et le bâti patrimonial.
Le terroir exceptionnel du Crest Petit produit bel et bien des Syrah de très bonne qualité, utilisées pour les cuvées haut de gamme de la cave. Un bénéfice économique de poids.
De plus, ce site remarquable est largement utilisé par la cave pour ses activités œnotouristiques. Un sentier de découverte du patrimoine vigneron y a été aménagé. Des panneaux explicatifs permettent aux visiteurs de découvrir les secrets de la vigne et le travail du vigneron. Au point culminant, une table d’orientation permet d’admirer un panorama unique sur la plaine du Roussillon, la mer, le Mont Canigou et les Pyrénées. Les touristes peuvent y aller seuls, avec un audio guide ou bien accompagnés de vignerons lors des événements proposés par la cave (casse-croûte catalan, petit-déjeuner vigneron... Au total, une vingtaine d’événements par an, qui attirent quelques centaines d’œnotouristes).
Panneau explicatif le long du sentier du Crest Petit.
Enfin, l’amélioration de la biodiversité est sans doute un des bénéfices les plus visibles aujourd’hui !
Un environnement favorable à la reproduction d’oiseaux, lézards et papillons
Le paysage typique du Crest Petit est l’habitat d’un cortège d’oiseaux unique en France. Ainsi, plusieurs espèces très rares en France trouvent ici un biotope parfait pour leur reproduction. Le traquet oreillard en est probablement le joyau. Ce magnifique passereau, migrateur et insectivore, niche dans les milieux très ouverts (vignes, garrigues) entrecoupés de murets de pierre sèche. Avec moins de 500 couples nicheurs en France, il s’agit de l’espèce la plus patrimoniale présente sur le vignoble.
Traquet oreillard à gauche et pie-grièche à tête rousse à droite. (J. Dalmau/GOR)
Autre passereau, la pie-grièche à tête rousse habite les garrigues et vignobles entrecoupés de haies de chêne vert. En régression sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, l’espèce a quasiment disparu de la région Paca. Au Crest Petit, une petite population de 2 à 3 couples s’est implantée.
Lézard ocellé (J. Dalmau/GOR) à gauche et Proserpine (Y. Aleman/GOR) à droite.
Outre les oiseaux, deux espèces présentes sur ce vignoble paysager méritent d’être signalées : le lézard ocellé et la proserpine. Le lézard ocellé est le plus gros lézard de France et est classée vulnérable sur la liste rouge mondiale des espèces menacées du fait d’une diminution généralisée de ses effectifs. Quant à la proserpine, il s’agit d’une des rares espèces de papillons protégées par la loi française. Assez fréquent au Crest Petit, la proserpine habite les pelouses sèches où l’aristoloche pistoloche (la plante sur laquelle elle pond) est bien présente.
Le suivi de la biodiversité
Dom Brial a choisi d’établir un partenariat avec le Groupe ornithologique du Roussillon pour assurer le suivi de la biodiversité. En 2008, le premier inventaire ornithologique au Crest Petit a permis de confirmer l’intérêt pour la biodiversité de réhabiliter la mosaïque viticole méditerranéenne (arbustes, murs en pierres sèches…).
En 2017, un nouvel inventaire est en cours de réalisation sur la même zone pour évaluer l’évolution des espèces rares qui la fréquentent, suite aux aménagements effectués par Dom Brial. Les résultats sont attendus pour 2018.
Cette action s’inscrit dans un partenariat avec Perpignan Méditerranée Métropole pour le suivi de la biodiversité dans le cadre du plan d’action environnemental de l’Agly.