À 30 ans, Pierre-Mickaël Hugues a déjà un parcours de vie bien rempli. Né avec une malformation congénitale, il vit avec une prothèse à chaque jambe au niveau des genoux. Malgré son handicap, il réussit tout ce qu’il entreprend. De viticulteur à infirmier, il est le premier boxeur en situation de handicap au monde à être autorisé à combattre avec les valides.
C’est à 14 ans, peu après la fin du collège, que Pierre-Mickaël Hugues est destiné à reprendre l’exploitation viticole familiale à Pierrefeu-du-Var. Pour poursuivre l'activité de sa grand-mère, il passe un Bac pro en conduite de gestion d’exploitation agricole option viticulture et œnologie au lycée agricole d'Hyères. Dès lors, il réimplante de nouveaux pieds de vigne. « Sur l’exploitation de ma grand-mère, il était temps d’investir massivement pour développer le domaine. Il a fallu faire un plan de structuration, le matériel était vieillissant et les plantations aussi », avoue-t-il. Si, malgré son jeune âge, Pierre-Mickaël Hugues a repris le flambeau, c’était surtout pour conserver le patrimoine familial. « Je n’imaginais pas perdre le domaine. Ma grand-mère avait un ouvrier qui est parti du jour au lendemain à la retraite avec des soucis de santé. Nous n’avions pas le choix. Ma mère n’avait aucune formation agricole, car elle travaillait dans le milieu hospitalier, je ne me suis pas posé la question deux fois », assure-t-il.
Officiellement installé en juillet 2016, il poursuit son action déjà bien présente sur le domaine de 8,5 hectares de vignes. « Je consacrais mon temps à l’exploitation. J’ai réalisé des formations en lien avec l’agriculture et je me suis aussi investi au niveau syndical en intégrant les Jeunes Agriculteurs », raconte-t-il.
De l’agriculture au sport
À la suite d’événements divers et climatiques, il décide de se reconvertir sans pour autant cesser l’activité agricole. Le milieu médical est alors une nouvelle passion. Il décide de passer le concours d’infirmier, qu’il réussit. En parallèle, le jeune viticulteur enfile les gants de boxe. En 2021, c’est la consécration : il devient le premier boxeur en situation de handicap, au monde, à bénéficier d’une licence catégorie « valide amateur élite », l’autorisant à combattre contre des personnes valides. Il intègre l’équipe de France militaire de boxe.
L’exploitation viticole en métayage
Avec cette nouvelle activité, Pierre-Mickaël Hugues est toujours chef d’exploitation et est considéré comme cotisant solidaire. Sur le domaine, un ouvrier travaille les terres. « J’ai mis l’exploitation en métayage, mais à terme je compte mettre en place un fermage. Je souhaite garder l’exploitation, mais les charges sont difficiles à supporter à l’heure actuelle, admet-il. Si un jour j’ai des enfants, j’aimerais qu’ils puissent profiter de ce patrimoine familial pour lequel je me suis battu pendant plus de quinze ans et pouvoir leur transmettre en cas d’installation. »
Actuellement, le domaine n’est pas « entretenu ». « La majorité du terrain est en jachère. Les plantations les plus récentes sont celles que j’ai faites il y a quinze ans. Cette année, nous avons prévu d’arracher une grosse partie du domaine. C’est à peu près un hectare qui est en production. Tout est vendu en coopérative. Je produis du raisin, mais je ne vinifie pas », confie-t-il.
Se faire accompagner avec son handicap
Pour le trentenaire, le handicap n’a pas été un frein. « Bien sûr, sur le plan physique, avec un métier exigeant, il y a plus de contraintes. Mais je n’ai pas rencontré de difficultés à réaliser ce que je souhaitais. Si j’ai bien un message à faire passer, c’est d’encourager les personnes en situation de handicap à se renseigner sur les dispositifs qui existent », insiste-t-il.
Pierre-Mickaël Hugues fait notamment référence à la prestation de compensation du handicap (PCH) qui est une aide financière versée par le Département. Elle permet de rembourser les dépenses liées à la perte d'autonomie. L’aide PCH comprend cinq formes : aide humaine, aide technique, aménagement du logement ou transport, aide spécifique ou exceptionnelle, animalière. « C’est difficile de dire en tant que personne en situation de handicap “je ne suis pas capable”. Et dans le milieu agricole, nous sommes peut-être désavantagés par rapport à d’autres secteurs. Car ce n’est pas valorisé sur le plan financier par rapport au temps de travail, aux investissements, la pénibilité… Un exploitant agricole est aussi un agent administratif, il ne faut pas l’oublier ! » ajoute-t-il.
Si aucun « réseau handicapé » n'existe dans le milieu agricole, Pierre-Mickaël Hugues rappelle : « Les dispositifs sont trop souvent méconnus chez les agriculteurs et peuvent pourtant permettre la poursuite d’activité. Avec les maisons départementales des personnes handicapées, vous pouvez recevoir une aide à l’emploi en faveur de la compensation du handicap. Il est possible d’embaucher un salarié handicapé et d'obtenir un financement compensatoire à hauteur de l’importance du handicap. »
Aujourd’hui, la ferme est un peu plus éloignée de ses préoccupations, Pierre-Mickaël Hugues travaille en frontière luxembourgeoise pour la Croix-Rouge. Il occupe le poste d’infirmier et de responsable chargé des droits de l’homme, au centre de réhabilitation du château de Colpach. « Je viens d’intégrer un master 2 management des organisations du secteur sanitaire et social dispensé par l'IAE de Metz avec pour objectif d'améliorer le quotidien des patients et du personnel soignant, médical et social », indique-t-il. Cela dit, le jeune infirmier n’exclut pas de reprendre un jour l'exploitation, pour une retraite paisible au bord des vignes, après avoir réalisé la carrière qui se dessine aujourd'hui devant lui.
