Même si les vagues de chaleur n’ont pas été aussi marquantes en 2024 qu’en 2022, l’été 2024 affiche une anomalie plus chaude de + 0,7 °C par rapport aux normales 1990-2020. Chaque année le confirme : l’adaptation au changement climatique demeure une nécessité.
Plusieurs leviers ont déjà été explorés ces dernières années pour reculer la date de maturité et améliorer la résistance au stress hydrique des vignes. Il est cependant intéressant de vérifier leur efficacité dans des conditions locales. En Auvergne Rhône-Alpes, un essai pluriannuel (OnAuraVitChaud) a consisté à tester différentes modalités concernant le matériel végétal, l’irrigation, l’ombrage par des filets anti-grêle et la hauteur de haie foliaire.
Les résultats montrent que chacune de ces techniques peut apporter une solution partielle. Changer de clone ou de cépage, par exemple, est l’une des solutions les plus facilement applicable pour les vignerons.
3,5 % vol. d'écart entre clones
En Beaujolais, l’IFV a noté le comportement de six clones de gamay et neuf cépages rouges durant trois ans sur son domaine expérimental. Lors de ces mesures, le gamay a montré une grande variabilité : une différence de 3,5 degrés potentiels a été observée entre le clone de gamay le plus tardif et le plus précoce, pour une même date de récolte.
En envisageant de changer de cépage, le gain de tardiveté apparaît encore plus grand. Entre les neuf cépages rouges, l’IFV a observé un décalage de trois semaines pour la date de récolte moyenne : du 26 août pour la granita (le plus précoce) et le 16 septembre pour le marselan (le plus tardif).
Sur tous les sites d’observation (Ardèche, Beaujolais, Drôme, Puy-de-Dôme, Savoie), une différence de maturité allant jusqu’à 15 jours a été observée entre clones et jusqu’à un mois entre cépages.
L'irrigation limite l'échaudage
Concernant l’irrigation, les règles de décision appliquées en Beaujolais n’ont pas conduit à une irrigation suffisante pour pouvoir en évaluer l’impact. Dans le Nord de la vallée du Rhône, en revanche, trois modalités d’irrigation ont été comparées à un témoin sur une parcelle de syrah IGP avec un sol caillouteux et filtrant.
Dans cette région, l’accès à l’eau est possible via des réseaux d’irrigation collectifs, sous réserve de disponibilité de la ressource. Les expérimentateurs ont vérifié que la réponse de la vigne a été similaire à ce qui est déjà documenté dans les régions plus méridionales.
L’irrigation a été déclenchée en 2020 et 2022, deux années où la sécheresse a été intense, mais avec un profil différent : arrivée rapide en 2020, plus progressive en 2022. La dose a été adaptée en fonction de l’intensité de la demande climatique grâce à l’utilisation de bilan hydriques, tensiomètres, chambre à pression et suivi des apex.
Dans toutes les modalités, l’apport d’eau a été de 50 mm à 60 mm durant la saison avec une répartition différente : 1 à 2 mm/jour pour le goutte à goutte quotidien (1,5 mm/j en 2020, 1 puis 1,5 mm/j en 2022). Pour le goutte à goutte hebdomadaire, la dose est équivalente mais apportée un jour par semaine (11 mm une fois par semaine en 2020, 7 puis 11 mm/semaine en 2022). En aspersion, la vigne a reçu un passage de 40 mm en juillet à l’enrouleur.
Avec cette maîtrise des apports, l’irrigation a limité l’échaudage et le flétrissement des baies. La maturité a été plus précoce dans les modalités irriguées par rapport au témoin non-irrigué. L’impact sur le rendement est variable : supérieur en 2020, identique en 2022, avec un poids des baies généralement supérieur avec le goutte à goutte. L’intensité colorante et l’indice de polyphénols totaux sont identiques.
« Nous avons obtenu des vins un peu plus « chauds », plus ronds, avec un meilleur rendement certaines années », indique Isabelle Méjean, conseillère à la chambre d’agriculture de la Drôme. À la dégustation, les avis sont partagés entre les deux profils de vins obtenus.
Le coût de l’installation est évalué entre 138 et 271 €/ha/an, amorti sur 15 ans. Le goutte à goutte est plus efficient que l’aspersion, qui génère une perte par évaporation d’environ 10 % de l’eau utilisée. Les émissions de gaz à effet de serre sont liés au mode de pompage : de 90 g eqCO2/m3 pompé pour les pompes électriques à 590 g pour les pompes thermiques.
Hauteur de haie foliaire : à doser
Concernant la diminution de la hauteur de haie foliaire, les résultats semblent dépendre de l’intensité appliquée à la vigne. L’idée sous-jacente est qu’un rognage bas peut retarder la maturité et conserver de l’acidité dans les moûts.
En Beaujolais, la technique utilisée a consisté à établir les pieds de gamay à 60 ou à 90 cm de hauteur, puis à rogner à la même hauteur d’environ 1,80 m. La première année d’essai (2020) avait montré une tendance à plus d’acidité dans les moûts pour les gamays avec moins de hauteur de haie foliaire. Mais ce résultat n’a pas été confirmé les deux années suivantes. Un phénomène de compensation pourrait être à l’œuvre.
En Savoie, où le rognage sur altesse et mondeuse a été plus sévère (50 cm plus bas que le témoin), les résultats ont aussi été plus marqués. Un retard de maturité de 4 à 15 jours a été observé, ainsi qu’une diminution du degré potentiel et une augmentation de l’acidité à la récolte. Aucune différence n’a été perçue sur les vins. L’impact de cette technique sur la mise en réserve et sur la longévité des ceps demeure toutefois à évaluer.
Les filets confirment leur efficacité contre la grêle
Sous les filets, plusieurs références ont déjà été produites.
La parcelle de la chambre d’agriculture de la Drôme ayant grêlé en 2023, la très bonne efficacité de la protection par les filets a pu être confirmée, sous réserve qu’ils soient bien tendus et couvrent bien la zone des grappes.
Des pertes de 50 % de poids de récolte aboutissant à 70 % de perte après pressurage ont pu être évitées. À mettre en relation avec l’investissement, estimé entre 10 000 et 15 000 €/ha. Le temps de pose et dépose étant compensé par l’économie de main-d’œuvre au relevage.
Quant à l’impact environnemental : https://www.tema-agriculture-terroirs.fr/mon-viti/viticulture/limpact-environnemental-des-filets-amorti-des-5-de-degats-de-grele-par-an-854742.php
Les résultats complets peuvent être consultés sur le site de l'IFV.
Une carte parcellaire du changement climatique en Ventoux
Comment aider les vignerons à s’adapter au changement climatique ? Pour l’AOC Ventoux, la réponse débute par la connaissance fine de ce que prédisent les modèles pour le climat du futur. Afin d’apporter cette information à tous, une carte interactive a été mise en ligne, avec des informations au niveau parcellaire.
Les utilisateurs peuvent visualiser les indicateurs de phénologie pour différents cépages (grenache, syrah, mourvèdre) : date de débourrement, floraison, véraison, vendanges. Ils peuvent aussi choisir d’afficher les indicateurs climatiques : précipitations annuelles, températures moyennes, températures > 30 ou 35 °C, nombre de nuits de gel. Les simulations sont disponibles par décennie, de 2020 à 2100.
Plusieurs autres actions ont été conduites ces dernières années : les vignerons de l’appellation ont notamment participé à un échange avec des vignerons grecs (par l’intermédiaire du projet Green vinum). Il en sont revenus avec la volonté d’intégrer le cépage assyrtiko dans la procédure Vifa. Une demande a été déposée cette année à l’INAO pour cinq cépages blancs et trois rouges.
https://aoc-ventoux.com/cartographie/