
La tour à flux est implantée à Rully en côte chalonnaise sur une parcelle du vignoble expérimental de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
© E.Thomas/Pixel6tmParis a sa tour Eiffel. Le vignoble de Bourgogne a désormais sa tour à flux, inaugurée le 11 juillet 2024. Le dispositif, implanté à Rully en côte chalonnaise sur une parcelle du vignoble expérimental de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, est le premier de ce type en France installé en vigne. Même au niveau mondial, ce type d’équipement reste encore rare : moins d’une dizaine de tours à flux sont actuellement en fonctionnement en viticulture dans le monde.
Cette tour à flux servira dans le cadre du projet « Matière organique changement climatique et atténuation » (Mocca), initié en 2022 par le BIVB et le Vinipôle Sud Bourgogne, à mesurer précisément les flux de carbone au vignoble. « Elle permettra de combler un manque de références précises sur les échanges de carbone et les capacités de stockages de carbone au niveau d’une parcelle de vigne », précise Benjamin Alban, directeur du Vinipôle Sud Bourgogne.
« Elle permet de mesurer l’échange net de l’écosystème : on va mesurer aussi bien le CO2 fixé au cours de la photosynthèse (flux entrant) que les flux sortants : respiration des plantes, mais aussi des micro-organismes du sol. » La tour à flux rend possible de faire ce bilan à une échelle horaire, journalière, saisonnière, annuelle, voire pluriannuelle.
Le rayonnement solaire direct et indirect fait partie des paramètres mesurés.
Anémomètre 3D et analyseur de CO2
À la regarder de près, la tour à flux n’est pas « impressionnante ». Elle mesure un peu moins de 3 m de hauteur, mais elle est surtout bardée de capteurs :
- un anémomètre 3D, mesurant la vitesse et l’orientation du vent dans toutes les directions ;
- un analyseur de CO2 et d’eau à très haute fréquence avec une analyse 10 fois par seconde. Le fait de mesurer également l’eau permettra d’évaluer le stress hydrique ;
- des appareils de mesures de température et d’humidité de l’air ;
- un appareil de mesure du rayonnement solaire direct, mais aussi réfléchi par le sol et les vignes ;
- une caméra Phenocam pour prendre une photo quotidiennement à midi afin d'évaluer le développement végétatif des vignes ;
- des capteurs souterrains sont également en place (humidité, température du sol à différentes profondeurs, flux de chaleur entre le sol et l’atmosphère).
Pièces maîtresses de la tour à flux, un anémomètre 3D (à gauche), mesurant la vitesse et l’orientation du vent dans toutes les directions, et un analyseur de CO2 et d’eau (à droite).
Les données collectées sont transmises aux chercheurs de laboratoire en temps réel. « L’objectif est de comprendre les échanges de carbone, mais aussi d’énergie et d’eau entre l’atmosphère et l’écosystème viticole », explique Julien Crétat, enseignant-chercheur à l'université de Bourgogne et climatologue. « Il s’agit de caractériser la variabilité temporelle (jour/nuit, saisonnière, interannuelle, etc.), puis de comprendre quels sont les facteurs expliquant cette variabilité : le climat, mais aussi les pratiques viticoles. Nous ferons des études de cas. Par exemple, est-ce qu’en climat bourguignon, après un labour, on émet plus de carbone ou en stocke-t-on plus ? Un autre objectif est de codévelopper un modèle qui permette de passer des mesures ponctuelles faites à Rully à l’échelle de la Bourgogne viticole. »
L’emplacement de cette tour à flux a été choisi avec attention pour que les données collectées reflètent bien le fonctionnement des vignes. Elle a ainsi été placée au milieu d’un îlot d’un hectare de vignes (des pieds ont été arrachés).
Vers un bilan carbone par satellite
L’installation de la tour à flux est l'un des volets du projet Mocca, prévu jusqu’en 2025. Son utilisation devrait aller au-delà du projet initial : un second projet est en préparation en collaboration avec la société irlandaise CarbonSpace, qui dispose d’une technologie qui pourrait permettre de faire un bilan carbone par satellite. L’objectif sera de confronter les données issues de la tour à flux avec les données transmises par satellite, afin de calibrer et mettre en place un modèle qui sera valable pour chaque parcelle de vignes en Bourgogne.
Le projet Mocca, cofinancé par le BIVB et le conseil départemental de Saône-et-Loire avec le soutien du Crédit agricole, vise à une meilleure compréhension et une meilleure maîtrise de la gestion des stocks de matière organique de ses sols à l’échelle des parcelles. Il est prévu sur trois ans et comprend, en plus de l’installation de la tour à flux, trois autres volets :
- analyse des stocks de carbone d’un réseau d’une cinquantaine de parcelles réparties dans tout le vignoble bourguignon. L’évaluation des stocks de carbone des parcelles en fonction des pratiques viticoles sera effectuée avec le laboratoire Biogéosciences de l'université de Bourgogne et les chambres départementales d’agriculture ;
- calcul de l’empreinte carbone de 96 itinéraires techniques. En partenariat avec l’IFV, les données accumulées permettront de créer un « simulateur » d'empreinte carbone. L'outil, dont la forme doit encore être définie, permettra à chaque exploitant de connaître l'impact de ses choix techniques (type d'entretien des sols, brûlage des sarments ou non, engrais utilisé…) sur son empreinte carbone ;
- enquête auprès d’une trentaine de viticulteurs sur leur gestion de la matière organique. Cette enquête va identifier les freins et les leviers à l’évolution de pratiques. Elle associe l’unité mixte de recherche Cesaer et unité de recherche Foap de l'Institut Agro Dijon.