En Champagne, on teste l'irrigation des jeunes vignes

Dans les apppellations, l'irrigation des jeunes plantations viticoles est désormais pemise. Pour accompagner cette étape, un kit d'irrigation temporaire et réutilisable a été conçu par Olivier Zebic, conseiller viticole, et Netafim, fabricant de systèmes d'irrigation. Ce dispositif vise à sécuriser le développement racinaire des jeunes plants,

Le kit plantier est déroulable en début de plantation, puis rembobinable et réutilisable sur un autre plantier.

© O. Zebic

Réglementairement, il est possible d’irriguer les plantations en appellations, tant que les jeunes vignes ne sont pas en production, ce qui correspond à la 2e ou à la 3e feuille selon les cas.

Ces premières années d’installation des vignes sont cruciales : c’est notamment pendant cette période que se met en place le système racinaire : « jusqu’à 80 % du système racinaire se forme au cours des deux premières années. La mise en place d’un système d’irrigation permet de sécuriser cette phase, en facilitant le développement racinaire ; il est possible d’observer des systèmes racinaires deux fois plus profonds, deux fois plus denses avec des diamètres de racine deux fois plus grand » explique Olivier Zebic, conseiller viticole. Les stress hydrique et nutritionnel sont très préjudiciables aux jeunes plants, et menacent leur survie immédiate et leur bon développement ultérieur.

Réemployé 3, 4 ou 5 fois

Olivier Zebic, conseiller viticole et Netafim, fabricant de système d’irrigation, ont collaboré pour mettre au point un système d’irrigation temporaire et réutilisable dédié aux plantiers. Ce kit plantiers comporte des goutteurs auto-régulants- c’est-à-dire apportant la même quantité d’eau partout - offrant un débit de 1,6 à 2 l/h. Il est déroulable en début de plantation, puis rembobinable et réutilisable sur un autre plantier. «Il peut être réemployé 3, 4, 5 fois si on en prend soin et le nettoie à chaque sortie d’hiver », indique Olivier Zebic. Le coût des tuyaux varie en fonction de la densité de goutteurs et peut être estimé entre 0,30€ et 0,50€ le mètre linéaire en moyenne.

« Il n’est pas nécessaire de mettre un goutteur par pied, ce nombre est à définir en fonction du type de sol, et plus exactement du couple sol/plante, cela peut être plus», précise Laurent Huet, expert vigne chez Netafim. « Par contre, l’irrigation ou la fertirrigation (puisqu’il est possible d’apporter des engrais simultanément) ne transforment pas les racines en marteaux-piqueurs. La préparation des sols avant plantation reste un élément clé de la réussite d’une plantation ».

Au-delà de la survie des jeunes plants, cet apport hydrique permet de faire descendre les racines de la vigne selon Olivier Zebic.

Des idées reçues

Les racines, ce sont le nerf de la guerre. « Beaucoup de vignerons pensent que les racines de leurs vignes descendent bas. Or en réalisant des fosses pédologiques, on se rend compte, que sur la plupart des vignobles, le système racinaire est à une profondeur moyenne « faible » de 40 à 50 cm, c’est un peu un constat d’échec », indique-t-il. Les racines descendent naturellement, animée par un gravitropisme, mais cette croissance peut être stoppée par différents facteurs : le manque d’eau, la compaction du sol, etc. « Une racine plonge parce qu’elle a de l’eau et de l’air, et pas pour aller chercher de l’eau, il est indispensable que le sol ne soit pas compacté » résume-t-il. « En ce qui concerne le système racinaire de la vigne, les idées reçues sont nombreuses. Comme le fait que la vigne doit souffrir pour que ses racines descendent. Que la coupure des racines superficielles par les outils de travail du sol, ou la concurrence par des couverts végétaux permet aux racines de se développer en profondeur. Que si la vigne subit un stress hydrique en année N, elle va s’habituer et mieux résister à un manque d’eau en année N+1…Ou que si on apporte de l’eau à la vigne, elle va s’habituer à l’eau et résistera moins à un futur stress hydrique…Or il n’en est rien, au contraire. L’enjeu est de faire descendre les racines. En apportant de l’eau lors des premières années, on permet aux racines de se développer correctement. Dans de bonnes conditions, en un mois, une racine peut descendre à plus d’un m.ètre Avec l’irrigation, les racines des jeunes vignes peuvent descendre jusqu’à 2,20m selon le type de sol et surtout si le sol a au moins cette profondeur », estime-t-il.

La question de l’accès à l’eau est bien entendu centrale. C’est là que le kit plantiers intervient en permettant une fonctionnement optimal de l’irrigation peu importe la source en eau et la parcelle. Comment apporter de l’eau sans forage ?

4 à 6 apports/an

« Le vrai challenge est d’avoir un accès à l’eau et de pouvoir la mettre sous pression. Le kit plantiers peut être alimenté par un camion citerne ou une cuve sur une remorque. Quand on ne dispose pas d’un accès permanent à la ressource en eau, il faut être encore plus précis dans le pilotage des apports. En 2023, en Champagne, la fréquence moyenne « optimale » des apports a été de 6 apports, débutés un peu après le débourrement. Nous préconisons 4 à 6 apports par an, si possible très tôt et très tard (5 octobre en Champagne par exemple) pour une bonne mise en réserve. La quantité moyenne apportée est de 15 à 25 mm. L’important dans le pilotage, c’est de choisir le bon moment et la quantité d’eau nécessaire. Le kit plantier permet également de fertirriguer et donc d’apporter des fertilisants, ce qui est également très important. Lors de millésimes pluvieux comme 2024, et en fonction des situations, l’eau apportée peut devenir simplement une eau fertilisante qui ne sert qu’à apporter les engrais Par ailleurs, cet apport d’eau, apporte aussi de l’oxygène au sol », conclut-il.

Le millésime 2024 en Champagne confirme les résultats 2023 : plus de racines, plus profondes, plus grosses et plus denses ; avec un taux de reprise et un développement végétatif nettement supérieurs, ainsi que des diamètres de bois plus importants.