En Nouvelle-Zélande, le domaine Yealands Estate est exemplaire dans sa démarche de développement durable

Le domaine de Yealands  est situé le long  de la mer, sur l’île sud  de la Nouvelle-Zélande.

Le développement durable est une tendance mondiale. Partons en Nouvelle-Zélande découvrir les démarches engagées par Yealands Estate, un membre exemplaire de l’International Wineries Climate Action.

Tara Smith, vous êtes responsable développement durable à Yealands Estate. Comment le développement durable s’est-il imposé à ce domaine viticole ?

Tara Smith : Yealands est un domaine viticole néozélandais récent : il date de 2008. Dès le départ, la vision derrière ce projet était de créer un vin de classe internationale et durable. La cave a donc dès le début été pensée « durable », notamment dans son architecture.

Par exemple, le toit du chai est couvert de 1 300 panneaux solaires, l’un des plus gros projets de ce type en Nouvelle-Zélande, capable de générer presque un demi-million de kWh par an, soit l’équivalent de 70 foyers moyens – 82 tonnes de CO2 par an. Cette énergie solaire couvre 15 % de nos besoins en énergie électrique. Afin de ne pas faire du « greenwahsing », le domaine a immédiatement été certifié. Tout d’abord Carbon Zero, et, depuis, les projets ne se sont jamais arrêtés !
Je suis la première responsable en développement durable du domaine. Mon rôle consiste notamment à suivre toute la certification sur le carbone et nos nombreux et différents projets. L’objectif est de réduire les émissions de carbone.


En 2019, un couvert  de fleurs et de légumineuses a été mis en place  sur environ un cinquième  du vignoble Seaview. Photos : Yealands Estate

Yealands est membre du groupe International Wineries for Climate Action (IWCA). Pourquoi avez-vous souhaité adhérer à ce groupe ?

T. S. : Les familles Torres (Espagne) et Jackson (Afrique du Sud) sont les fondateurs de IWCA. Et les Jackson connaissent Yealands. C’est ainsi que le domaine fait partie des tout premiers à avoir rejoint le groupe. Et surtout, le développement durable est dans l’ADN de Yealands !
Quatre exigences doivent être remplies pour devenir membre du groupe IWCA :

  • avoir au moins 20 % de ses ressources énergétiques renouvelables produites sur site ;
  • avoir réalisé au moins un bilan carbone vérifié détaillé par une tierce partie qui prend en compte les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre de l’entreprise (en utilisant le protocole GES WRI et le processus ISO 14 064) ;
  • réduire d’au moins 25 % ses émissions de CO2 par unité de vin produite ;
  • avoir un objectif à moyen et long terme de réduire de 50 % en 2030 et visant à devenir climatiquement positif d’ici 2050.

Avec nos panneaux solaires, le brûlage de nos sarments dans des chaudières, nos éoliennes et le fait que Yealands soit certifié ISO 14 064, nous sommes rentrés facilement dans ces obligations. La certification Carbon Zero néo-zélandaise est basée sur ce standard, et Yealands la possède depuis le début, ce qui est tout à fait exceptionnel.
L’intérêt majeur de IWCA est de pouvoir échanger avec des passionnés de développement durable, qui sont aussi de fins connaisseurs des standards. C’est l’occasion de se comparer entre caves, et de pouvoir trouver des idées d’innovations à mettre en place.

De plus, IWCA est en train de développer des outils très utiles. Par exemple, l’inventaire évolue vers un calculateur de gaz à effet de serre qui nous simplifie bien la tâche. Au lieu de soumettre nos dernières données en matière de CO2, on pourra utiliser toutes les données : diesel, kW d’électricité, le poids du packaging… IWCA est assez récent, alors ils sont très ouverts pour développer leur process. IWCA nous a vraiment aidés pour nos outils de mesure des émissions de carbone. Car pour nous assurer que nous tenons les objectifs annoncés, nous devons aussi mettre en place des stratégies partout dans l’entreprise pour être sûr de réduire nos émissions. IWCA permet aussi de rencontrer, d’échanger entre pro du développement durable.
IWCA existe seulement depuis quelques années, et ils sont en train d’étudier le coût d’adhésion, mais l’idée ce serait de garder un coût très raisonnable, d’après ce que je comprends.

Le toit du chai de Yealands est couvert de 1 300 panneaux solaires, l’un des plus gros projets de ce type en Nouvelle-Zélande.

Quel est le projet qui est le plus important pour la décarbonation à Yealands d’après vous ?

T. S. : Cela a varié au fil du temps. Initialement, les panneaux solaires, puis je dirais le brûlage des sarments. 90 % de nos sarments sont broyés et laissés dans les rangs au vignoble pour constituer une matière organique afin d’améliorer la structure du sol, de retenir l’humidité et de séquestrer du carbone. Nous transformons les 10 % restants de nos sarments : ils sont mis en larges fagots compressés, et brûlés dans des chaudières dédiées afin de chauffer l’eau au chai (équivalent de 161 tonnes de CO2 par an). Mais nous faisons cela depuis longtemps…

Puis, nous nous sommes intéressés à nos dépenses en diesel, car nous faisons beaucoup de travail dans l’interrang. Réduire les passages de tracteurs tondeuse nous permet de baisser notre consommation. L’année dernière, nous avons réussi à baisser de 15 % notre consommation de diesel. Cela équivaut à une réduction de 300 tonnes de CO2 si l’on compare 2019 à 2020.
Pour l’entretien de l’interrang, nous implantons des couverts, un rang sur deux. Nous utilisons des légumineuses et des plantes mellifères. Ces dernières sont plantées tous les dix rangs afin de créer un habitat utile pour les insectes auxiliaires tout en augmentant la biodiversité. Depuis 2019, cet enherbement a été mis en place sur environ un cinquième de notre vignoble Seaview. Les légumineuses ont l’avantage d’apporter de l’azote aux vignes. En 2020, nous avons introduit ce procédé dans d’autres vignobles, augmentant ainsi notre superficie totale plantée interrangs.
L’objectif de ce travail dans l’interrang est d’augmenter la matière organique du sol, ce qui nous aide avec l’infiltration et le stockage de l’eau. Cela améliore la structure de nos sols et la séquestration de carbone dans le sol.

Nous n’avons aucune preuve que les gens achètent nos vins car ils sont de plus en plus durables. Ils sont avant tout de bonne qualité ! Mais nous savons que nous intéressons nos clients à ce que nous faisons en développement durable. Par exemple, notre bouteille est neutre en carbone. Nous avons fait beaucoup de travail là-dessus, et un logo le précise sur l’étiquette.
 

Comment avez-vous organisé votre travail ?

T. S. : Dans mon travail tous les jours, je me repose surtout sur certains membres de l’équipe. Car j’ai besoin d’énormément d’informations en provenance du vignoble, du chai, des ventes, de la logistique… et cela afin de pouvoir établir nos rapports d’émission de carbone. Au départ, il m’a fallu un peu de temps pour trouver ces personnes et les former à mes besoins.
Ce qui m’importe aussi, c’est que je leur demande beaucoup, mais je m’inquiète toujours de savoir comment je peux les aider en retour. Comment récupérer cette information ? Comment rendre cela plus accessible et plus facile pour eux de produire ces informations ? Et je les informe : voilà le résultat de ce que vous faites, voilà les émissions de carbone que vous émettez et voilà vos progrès, vos actions ont des conséquences.

Pour l’instant, nous ne le faisons qu’une fois par an, à la fin de l’année, avec les chiffres financiers. Mais je suis en train de m’organiser pour mettre en place un suivi mensuel. Cette année, nous espérons réduire nos émissions de carbone de 5 %. Donc je pilote les données afin d’informer nos managers sur l’avancement de ce résultat. Par exemple, juste avant les vendanges, on était bien, mais il va falloir aller jusqu’à la fin du mois de juin pour vérifier qu’on est toujours dans les clous !
Les marchés du vin sont de plus en plus sensibles aux démarches de développement durable, en Europe et aux États-Unis. Le Royaume-Uni, notamment, demande énormément d’informations à ce sujet, ainsi que la Scandinavie. Je travaille beaucoup avec ces pays pour répondre à leurs demandes.
À noter qu’il devient de plus en plus simple d’obtenir aussi des informations de la part de nos fournisseurs, qui eux-mêmes travaillent à la collecte de données sur leurs émissions de carbone. Ils savent que leurs clients ont besoin de ces informations et sont très transparents à ce sujet.

Les plantes mellifères sont plantées tous les dix rangs afin de créer un habitat utile pour les insectes auxiliaires tout en augmentant  la biodiversité.

Utilisez-vous une plateforme informatique pour vous aider ?

T. S. : J’ai construit un programme de « business intelligence », grâce à la société Brave Gen. Ils proposent une plateforme informatique qui me permet d’avoir comme un bureau dédié au développement durable, sur lequel je peux monitorer mes graphiques. Mais il y avait un gros travail sur les données, et il fallait trouver les bons formats. Grâce à cet outil, je peux communiquer mes rapports aux managers.
 

Avez-vous de nouveaux projets ?

T. S. : IWCA a un objectif de réduction des émissions de carbone qui est chiffré : réduire de 50 % les émissions d’ici à 2030. C’est un véritable engagement, que nous souhaitons tenir ! Cet objectif de réduction de nos émissions carbone est entré dans notre système de gouvernance : il fait dorénavant partie de nos objectifs au niveau du conseil d’administration.
Évidemment, nos performances économiques (ventes, bénéfices…) sont étudiées, mais nos émissions de carbone le sont aussi. C’est très important, et cela dénote de l’implication de la direction dans ces démarches environnementales. Nous travaillons sur divers projets afin de continuellement nous améliorer et nous rapprocher de cet objectif. Par exemple, nous venons de finir un inventaire de la biodiversité sur le domaine. Car ces plantes peuvent aussi participer à réduire nos émissions de carbone. Il « suffit » de les comptabiliser… Les sols et les arbres stockent le carbone, donc c’est bon pour notre bilan carbone !


De plus, nous allons commencer un tout nouveau projet : nous allons restaurer un ruisseau qui passe à travers le vignoble sur environ 5 km. C’est un projet énorme pour nous, que nous préparons depuis plus d’un an déjà. L’occasion de replanter de nombreuses plantes endémiques. Pour créer plus d’habitats à la biodiversité locale, et notamment aux oiseaux. C’est également une façon de protéger nos sols et une excellente manière de créer de l’engagement dans le management de l’équipe, mais aussi avec la communauté de riverains.
 

Quel est votre budget pour le développement durable ?

T. S. : Je gère un budget dédié à cet aspect. Il inclut le décompte carbone, les certifications, les réglages de nos outils ainsi que le projet de restauration. Ces éléments constituent la base de ce budget. Tous nos services contribuent à financer la durabilité, car cela fait partie de leur travail quotidien. Nous avons également un fonds pour les idées durables des employés : ils peuvent demander un financement pour aider à développer leurs idées en projets.

À cela s’ajoute un budget de 50 000 $ par an pour le développement durable dans notre communauté, un fonds appelé Yealands Wines Marlborough Sustainability Initiative. Douze associations environnementales ont ainsi reçu des bourses pour les aider dans leurs efforts de préservations de l’environnement local de Marlborough. Nous avons aidé à la préservation des pingouins bleus de la Nouvelle-Zélande, grâce à ce fonds, parmi les exemples.
Il faut avoir en tête que lorsque vous faites attention à vos émissions de carbone, vous mettez souvent en place des projets qui vous permettent de faire des économies, de baisser vos coûts de fonctionnement ; ça marche, pour de vrai ! Être durable, c’est aussi économiser de l’argent.

 

Carte d’identité : Yealands Estate
• Création en 2008, Carbon Zero depuis le début
• Situé sur l’île sud de la Nouvelle-Zélande, au sud de Marlborough, sur la côte, Awatere Valley.
• SAU : 1 000 ha
• Chiffres d’affaires : 100 millions $
• Plus de 150 employés : une partie à Marlborough pour la production (environ 80 personnes), la force de vente est dispatchée dans le monde, et l’équipe marketing à Auckland.
• Site web : yealands.co.nz

 

Mini-CV
Tara Smith – Sustainibility Manager : responsable du développement durable

Après des études et un premier travail dans la gestion de l’environnement et le développement durable en Australie en 2011, Tara Smith décide de se spécialiser dans le vin, en 2017, dans la région de Margaret River. Puis l’opportunité de cumuler les expériences vitivinicoles et de développement durable se présente à Yealands Estate.
« À Yealands nous cherchons à aller beaucoup plus loin que les standards habituels, cela rend mon travail tout à fait unique, constate Tara Smith. Je suis un lien entre tous les services, tous les employés, c’est un poste très transversal. De nombreuses caves sont sensibles au développement durable en Nouvelle-Zélande : 98 % des caves sont certifiées Sustainable Winegrowing NZ™, mais elles commencent seulement à chercher à aller plus loin que le standard de base. »

 

Article paru dans Viti Leaders n°461 de mai-juin 2021

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