Ces vignerons partagent leurs expériences sur l'arinarnoa

Ce cépage, créé par l’Inra en 1956, est un croisement entre du cabernet sauvignon et du tannat. Il a hérité du premier son acidité et sa teneur en sucre, et a gardé du second une quantité élevée de tannins. D’un point de vue viticole, cette variété se distingue par sa tardiveté, mais sa résistance aux stress climatique et hydrique n’est pas évidente.

Nous vous proposons de relire cet article durant l'été 2024.

Vendangé à partir du 21 septembre à Bordeaux, cinq semaines après le cabernet sauvignon au domaine de l’Isle Saint Pierre dans les Bouches-du-Rhône ou encore un mois après le merlot chez la Famille Négrier en Charente-Maritime. Il y a peu de place au doute : l’arinarnoa est un cépage tardif. Ce que confirment les données produites par VitAdapt. Piloté par l’Inrae Bordeaux-Aquitaine, ce projet étudie depuis 2009 le comportement de 52 cépages – dont l’arinarnoa – dans un contexte de réchauffement climatique (lire par ailleurs). « Depuis 2013, même si on a une tendance d’avancée de la date de véraison de l’ensemble des cépages étudiés, l’arinarnoa s’est toujours montré comme le plus tardif, constate Agnès Destrac-Irvine, la coordinatrice du projet. Sur huit années, sa date de mi-véraison est de 225,7 jours, alors qu'elle est de 221,7 jours pour le cabernet sauvignon et de 218,5 jours pour le merlot. En 2023, la mi-véraison de l’arinarnoa a eu lieu vers le 5 août et autour du 28 juillet en ce qui concerne le merlot. »

Un avantage dans les années à venir, mais qui impose aujourd’hui une maturation longue – plus de quarante jours à Bordeaux entre la mi-véraison et la maturité – parfois contrariée par l’état sanitaire. Cette année, l’équipe de VitAdapt aurait par exemple aimé récolter plus tard les grappes d’arinarnoa. Sauf qu’une attaque de vers de grappe en a décidé autrement. « Nous les avons vendangées le 21 septembre, trois semaines après le merlot, mais il aurait fallu plus de temps pour que la pellicule, qui est assez épaisse, atteigne sa maturité, et ainsi éviter un côté herbacé, décrit l’ingénieure de l’Inrae. On considère que l’arinarnoa est un cépage adapté aux conditions futures, pour qui le réchauffement climatique sera bénéfique puisqu’il lui permettra d’exprimer au maximum son potentiel. »

Résistant à la chaleur et à la sécheresse ? 

Néanmoins, certains vignerons qui le cultivent depuis plusieurs années questionnent sa résistance aux stress thermique et hydrique. À l’Isle Saint Pierre, dans les Bouches-du-Rhône, où de l’arinarnoa a été planté dans les années 1980, Julien Henry a certes observé qu’il supportait très bien les grosses chaleurs, mais il ne peut pas garantir qu’il supporte très bien les grosses sécheresses.

Constat similaire en Charente-Maritime, où Régis Négrier le cultive depuis vingt ans. Lors des vendanges de 2022, le viticulteur a observé que « le merlot s’en sortait mieux que l’arinarnoa. Ils étaient pourtant dans la même parcelle, à deux mètres l’un de l’autre ». Cette année-là, certains pieds greffés sur fercal ont accouché de « raisins secs ». Ceux greffés sur RSB se sont montrés plus vaillants. « Si je n’avais eu que du fercal, j’aurais dit que l’arinarnoa n’est pas résistant, mais là, je ne sais pas, reconnaît Régis Négrier. Est-ce que c’est le cépage, le porte-greffe ? Le RSB est connu pour avoir une vigueur et un enracinement supérieurs. »

Au contraire, sur la parcelle 52 de VitAdapt, l’arinarnoa – greffé sur SO4 – semble un peu mieux s'accommoder du manque d’eau que le merlot. En outre, sa pellicule épaisse le protège contre l’échaudage. « Il n’est pas plus ni moins résistant que d’autres cépages, résume Agnès Destrac-Irvine. Il a finalement un comportement assez proche de son parent, le cabernet sauvignon. »

Sensible à la flavescence dorée 

En ce qui concerne les maladies, l’arinarnoa peut, là aussi, compter sur l’épaisseur de sa pellicule pour résister à la pourriture grise. Il ne présente ni plus ni moins de sensibilité au mildiou, à l’oïdium et au black-rot. En revanche, il semble vulnérable à la flavescence dorée. « Je dirais qu’il a la sensibilité d’un marselan, ce qui est quand même très sensible », compare Laurent Vivès, du domaine de Mayrac, dans l’Aude, dont la commune est soumise à une obligation de traitement. De même, à Arles, Julien Henry constate qu’il « en a beaucoup souffert, ce qui fait qu’il ne nous reste plus grand-chose ». A contrario, en Charente-Maritime, les traitements semblent porter leurs fruits, puisque Régis Négrier n’a jamais repéré de cicadelle sur son exploitation.

Enfin, pour ce qui est des rendements, le Charentais-Maritime évoque une moyenne de 70 à 80 hl/ha sur un sol argilo-calcaire, tandis que le domaine de Mayrac, sur le même type de sol, récolte 60 hl/ha en coteaux et 90 hl/ha en zone de plaine. « Ce ne sont pas des grosses grappes et elles sont plutôt lâches, décrit Agnès Destrac-Irvine. Le poids des baies est en moyenne de 1,87 g. C’est entre le cabernet sauvignon à 1,37 g, et le merlot à 2,09 g. Pour l’avoir observé pendant de nombreuses années, je peux dire que c’est un rendement classique, mais surtout régulier. »

 

L’arinarnoa en test à Bordeaux
Sur la base des données produites par VitAdapt, les appellations bordeaux et bordeaux supérieur ont intégré six nouveaux cépages à leur cahier des charges. Quatre rouges : arinarnoa, castets, marselan et touriga nacional. Et deux blancs : alvarinho et liliorila. L'objectif est de tester des variétés qui permettent de faire face aux effets du changement climatique et de conserver le profil des vins bordelais. Accompagnée par l’Inao, cette expérimentation, commencée en 2021, va durer dix ans et pourra être renouvelée une fois. Ces variétés d’intérêt à fin d’adaptation sont limitées à 5 % de l’encépagement des exploitations et ne peuvent pas représenter plus de 10 % de l’assemblage final.
En ce qui concerne l’arinarnoa, deux exploitations ont signé une convention avec le syndicat de l’AOC et l’Inao afin de le tester. Les premiers pieds ont été plantés il y a moins de deux ans. La chambre d’agriculture de Gironde est en charge du suivi. Les premiers résultats sont attendus courant 2024.