Les effets du réchauffement climatique sont particulièrement marqués en Suisse, et le développement de certains insectes sera fortement accéléré, rappelait Baptiste Sneiders, ingénieur dangers naturels canton du Valais, lors des derniers Rendez-vous Techniloire. Il a notamment réalisé son master sur la cicadelle Scaphoideus titanus, vecteur principal de la flavescence dorée.
En Suisse, l’insecte a été signalé pour la première fois au Tessin en 1967 et dans le canton de Genève en 1996. En 2007 et 2016, il a été capturé respectivement dans les cantons de Vaud et Valais. Au Tessin, la flavescence dorée est apparue en 2004 et l’application des mesures de lutte obligatoire a été imposée. Malgré l’intensification de la surveillance du vignoble suisse, cette maladie de quarantaine a fait son apparition dans les cantons de Vaud et du Valais en 2015 et 2016.
Scénarios RCP 2.6 et 8.5
Pour estimer l’impact qu’aurait le réchauffement climatique futur sur le cycle de vie de la cicadelle, la distribution de ses populations en Suisse, et la possibilité de produire une hypothétique seconde génération, deux scénarios de hausse de température ont été imaginés : Representative Concentration Pathway ou RCP du Giec 2.6 (réchauffement compris entre +0,3°C et +1,7°C) et 8,5 (+2,6°C à +4,8°C).
Modélisation
Pour établir un modèle, il a notamment été pris une base de calcul des degrés-jours (DJ) de développement de S. titanus, sur la base de la moyenne journalière des températures horaires. Le nombre de jours minimums pour que S. titanus soit infectieux est fixé à 30 jours après éclosion. À ces DJ s’ajoute une température létale (Tlet) : 40°C pendant trois heures tueront 50 % des adultes et larves ou 28 °C pendant six heures pour les œufs.
Développement de la cicadelle au nord et en altitude
Selon ce projet, il a été mis en évidence qu’actuellement, des épisodes caniculaires pourraient favoriser la survie de la cicadelle au nord et en altitude et l'affecter ailleurs. Selon le scénario RCP2.6 (réduction des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2050), la situation devrait rester similaire à l’actuelle. Mais selon le scénario RCP8.5 (augmentation des émissions de gaz à effet de serre), il devrait y avoir une extension de la distribution de S. titanus vers le Nord et en altitude, d'après Baptiste Sneiders.
Des éclosions avancées d’une semaine
Plus au sud, la distribution sera limitée par des températures plus élevées qui auront un impact négatif sur la fécondité des femelles. Les éclosions seront avancées de près d’une semaine à l’horizon.
2070. Cela impliquerait une précocité des traitements insecticides. Avec le scénario RCP8.5, S.titanus pourrait produire une hypothétique seconde génération. Celle-ci pourrait occasionner une seconde vague d’infection, surtout au Tessin à l’horizon 2070.
« Une comparaison directe entre la région du Val de Loire et la Suisse est difficile, la première étant principalement soumise à un climat océanique et la seconde à un climat continental à montagnard, indique le chercheur. Néanmoins, sur la base des diagrammes ombrothermiques de Tours et de Lausanne, on peut supposer quelques similitudes thermiques pour la période de développement de S.titanus, bien que les températures hivernales soient plus basses. De plus, les modélisations climatiques futures disponibles sur l’atlas agroclimatique du Val de Loire et celles du scénario climatique Suisse suggèrent une tendance au réchauffement climatique similaire entre ces deux régions. Il s’agit bien entendu d’une estimation grossière à considérer avec beaucoup de précaution. Néanmoins, en extrapolant les données produites dans le cadre de ce travail, l’on pourrait s’attendre à une tendance similaire pour la région, à savoir des éclosions et des premières infections avancées de près d’une semaine. Une région qui deviendrait très adaptée à l’insecte et le resterait, peu importe le scénario climatique et l’horizon temporel (2050 ou 2100) considéré. Il n’y aurait cependant pas de seconde génération envisagée », termine Baptiste Sneiders.