
Plusieurs projets visent à utiliser les ultraviolets comme moyen de lutte contre les pathogènes de la vigne, soit comme un stimulant de défense, soit comme un produit curatif.
Dans un avenir sans doute assez proche, serez-vous étonné de voir des engins d’un genre nouveau passer dans les rangs de vigne ? Ces appareils attelés au tracteur comme des rogneuses émettent des ultraviolets (UV) sur les rangs de vigne en végétation. Il s’agit d’une solution alternative aux produits chimiques pour lutter contre les pathogènes. L’idée a émergé il y a sept ans, lorsque Laurent Urban et Jawad Aarrouf, respectivement écophysiologiste et physiopathologiste à l’université d’Avignon, ont découvert que des flashs d’UV augmentaient la résistance des plantes aux pathogènes. Les Français ne sont pas les seuls à travailler le sujet. Depuis cinq ans, une équipe de recherche internationale et multidisciplinaire dirigée par David Gadoury de Cornell AgriTech, station expérimentale de l’université de Cornell à New York, analyse la possibilité d’appliquer la lumière ultraviolette dans le but de désinfecter la vigne pour lutter contre les champignons responsables
de l’oïdium.
Une recherche internationale
Ils expliquent : « Les agents pathogènes se développent à la surface des feuilles et sont donc très exposés aux rayons UV. Et ils sont capables de réparer rapidement l’ADN endommagé par l’exposition constante aux rayons UV, ce qui garantit leur survie. En 2011, des chercheurs de l’Institut norvégien de recherche en bioéconomie (NIBIO), collaborant au projet, ont découvert que les champignons responsables de l’oïdium “éteignaient” ce mécanisme de réparation la nuit. Ils ont donc décidé de profiter de cette “faiblesse” en exposant les champignons à une petite quantité de lumière UV la nuit, afin de tuer l’agent pathogène sans endommager les plantes. Pour transférer ces résultats du laboratoire au champ, une équipe multidisciplinaire a été créée et a défini les longueurs d’onde, les doses de lumière UV nécessaires pour les différentes cultures, tout en développant des systèmes d’éclairage et d’application efficaces et économiquement intéressants. » En 2019, plus de 20 essais ont été prévus sur différentes cultures. En vigne, le premier essai commercial a démarré dans les vignobles de Bully Hill Vineyards, situés dans l’État de New York.
Les premiers engins du Français UV Boosting
Une technique des plus « soft »
Cette technique, mis à part l’obligation de réaliser de nombreux passages, paraît « soft » vis-à-vis de l’environnement. Aucun impact n’est possible avec les micro-organismes du sol car l’appareil n’atteint que les feuilles. Et l’énergie consommée pour l’émission d’UV est beaucoup moins importante qu’avec un pulvérisateur. Les premières machines ont été livrées fin 2019 dans le Bordelais, la Champagne, le Val de Loire et la Bourgogne. « Pour rentabiliser l’investissement qui est au minimum de 40 000 euros, un minimum de 15 ha paraît indispensable, estime Yves Matton. Cependant, pour des producteurs en bio ou des producteurs engagés dans une politique HVE, le retour sur investissement peut être beaucoup plus rapide même pour les exploitations de petite taille. Réduire de 10 % la perte de rendement grâce à notre système permet de rentabiliser l’équipement de la première année pour une exploitation en bio par exemple. » UV Boosting, qui vient de passer un partenariat avec Euralis pour l’expérimentation et la vente exclusive dans le Sud-Ouest, a déjà commercialisé cinq machines pour des viticulteurs du secteur dont une en prestation de service.
Article paru dans Viti Les Enjeux 32 de mai 2020