Seize nouveaux cépages en expérimentation dans le vignoble

CIVA

 

Historique pour une appellation qui fonde son identité sur des cépages, l’appellation des vins d’Alsace va conduire sous l’égide de l’Inao une expérimentation pour introduire seize nouveaux cépages. Motifs invoqués : le défi climatique, environnemental et sociétal avec les zones de non-traitement.

Petite révolution dans un vignoble alsacien qui définit son identité et sa typicité par les cépages, il vient d’introduire seize cépages – dix blancs, six rouges – à titre d’expérimentation pendant dix ans.

Les futures plantations, à titre expérimental encadré par l’Inao et l’association des viticulteurs d'Alsace (Ava), répondront à deux objectifs, a-t-il été annoncé en assemblée générale de l’Ava : répondre aux exigences des zones de non-traitement (ZNT) aux abords des zones habitées et faire face aux enjeux du réchauffement climatique.

En effet, l’indice climatique de Huglin, qui rend compte d’une somme de températures pour que la vigne arrive à maturité, s’est déplacé à la latitude de Bordeaux. C’est-à-dire qu’en Alsace aujourd’hui, la somme des températures calculée par cet indice est égale à celle de Bordeaux il y a 40 ans. Conséquence, le vignoble alsacien pourrait admettre des cépages de cette latitude.

Source IOC/CIVC

Néanmoins, cette introduction de cépages ne fera pas perdre « l’identité cépage » chère au vignoble alsacien. Car elle ne pourra pas excéder 5 % de l’encépagement total des vignes exploitées. Ce sont ainsi 750 ha de vignoble alsacien qui potentiellement pourraient être ainsi réencépagés. Et dans les assemblages, il pourra être introduit jusqu’à 10 % de ces cépages dans les cuvées sans qu’elles perdent la possibilité de revendiquer leur identité du cépage principal.

Floréal, voltis, opalor...

Dans cette liste, on trouve des cépages blancs résistants par introduction de gènes de résistance à résistance polygénique de type resdur (résistance durable) comme le floréal, le voltis, l’opalor et le selenor (qui ont la même parenté) ; et des cépages blancs à résistance monogénique : le souvignier gris, le johanniter.

Ainsi que des cépages de régions plus ou moins méridionales : le petit courbu, un cépage autochtone des Pyrénées, le petit manseng, cépage du jurançon, le chenin, bien connu dans la Loire et le vermentino, répandu en Italie, Sardaigne et Corse.

Côté vins rouges, il a été décidé de tester le coliris, une variété développée par l’Inra avec une résistance polygénique, ainsi que le sirano qui a été obtenu avec la même parenté génétique.

Seront également testés la syrah et le malbec, bien connus, le nebbiolo bien implanté sur le Piémont italien et le calabrese (ou nero d’avola), un autre cépage italien.

Pour ZNT et faire face au réchauffement 

On notera que ce sont des cépages de régions plus tempérées par les mers et océans que les cépages rhénans d’influence plus continentale. Plusieurs critères ont guidé ces choix : les variétés resdur et hybrides, résistantes à l’oïdium et au mildiou, auront pour vocation à encépager les ZNT et autres zones de restrictions des traitements phytosanitaires.

Les cépages méridionaux vont pour leur part être plantés sur trois génétiques géologiques d’Alsace pour tester leurs aptitudes à résister aux fortes chaleurs et aux stress hydriques. Enfin, une autre série de cépages comme le chenin, cépage ligérien emblématique, présente des intérêts gustatifs ou de résistance naturelle spécifique à certaines maladies comme le botrytis pour le petit manseng.

Un choix précipité

Selon les propos tenus en assemblée générale de l’Ava, le choix des cépages a été précipité. Et plusieurs opérateurs du vignoble alsacien n’ont pas attendu pour tester ces cépages hors cadre d’appellation donc, et sont donc écoulés en vin de France.

Côté procédures, l’Inao a publié un cadre en 2021 avec la directive Vifa (Variétés à fin d’adaptation). Pour continuer à bénéficier de l’AOC, une convention sera signée entre le producteur qui participe au test grandeur nature, l’Inao et l’ODG.

Pour planter, le viticulteur/vigneron déposera un dossier à l’Inao transmis par l’association des viticulteurs d’Alsace. Et c’est l’Inao qui validera ou non ces dossiers. Le viticulteur fera l’objet de contrôle interne et externe (Qualisud). Le suivi technique sera opéré par le Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace.