La Coopération agricole appelle à davantage de contrats tripartites sur la viande

Le syndicat de défense des intérêts des coopératives agricoles françaises doute d'un résultat concret dans le cadre d'une prochaine loi Egalim 4. Il milite pour une plus large contractualisation, du producteur jusqu'au consommateur final. Pour l'heure, les coopératives sont encore trop souvent en affaires avec les seuls abattoirs.

Le syndicat de défense des intérêts des coopératives agricoles françaises veut une loi Egalim 4 qui s'applique à toute la filière, du producteur au consommateur final. 

« Vous y croyez, vous, à la loi Egalim 4 ? » Bruno Colin, président du pôle animal pour la Coopération agricole est clairement sceptique. Non seulement parce qu'annoncée en février par le Premier ministre, la quatrième loi Egalim, qui devait être présentée avant l'été, est pour l'heure suspendue pour cause de dissolution de l'Assemblée nationale, mais surtout parce qu'au cas où elle serait à nouveau examinée au mois de juillet, lorsque la nouvelle Assemblée sera en place, elle pourrait, de son point de vue, encore décevoir in fine.

Le nouveau texte vise à compléter et renforcer les dispositifs d'Egalim 1, 2, et 3 (lois votées entre 2018 et 2023), afin d'assurer une meilleure rémunération des agriculteurs, notamment en inversant la construction du prix.

Mais ce n'est pas tant cette disposition, qui s'appuie sur un indicateur de coût de production centralisé permettant aux producteurs de proposer un prix de vente en tenant compte de leurs coûts de production, qui lui pose problème.

Toucher la restauration hors domicile

« C'est que l'indicateur doit toucher tous les maillons de la chaîne, y compris les clients finaux », dit-il. Des clients qui ont la possibilité de choix d'achats multiples, directs ou indirects. Autrement dit, ils peuvent aller chez leur boucher, mais aussi au restaurant ou manger dans une cantine, un hôpital, un Ehpad... Or, dans la restauration hors domicile, la viande consommée est à 60 % issue de l'importation, selon Bruno Colin.

Des garanties d'approvisionnement demandées

« Selon les premières indications que nous avons sur le texte qui pourrait être discuté à l'Assemblée, rien ne garantit que la restauration commerciale privilégie la viande française et locale », enchaîne-t-il.

Certes, la loi de 2018 fixait déjà un objectif de 50 % de produits de qualité ou locaux (dont 20 % de bio) dans l'approvisionnement de la restauration collective à compter du 1er janvier 2022. Mais, selon les dernières estimations, le taux de réalisation sur le bio, par exemple, ne se situe actuellement qu'à 6 %.

Et si, depuis le 1er janvier 2024, les restaurants collectifs doivent intégrer au moins 60 % de produits durables et de qualité en ce qui concerne les familles de produits « viandes » et « poissons », taux porté à 100 % pour les restaurants collectifs de l'État et des établissements publics de l'État, la Coopération agricole souhaite une traduction concrète, sur le terrain, de ces mesures pour la restauration hors domicile, tant au niveau de la France que du reste de l'Europe d'ailleurs. Bref, c'est toute la filière de produits durables et de qualité, y compris dans le commerce intra-européen, qui doit être touchée par une nouvelle loi Egalim 4.

Contractualiser de l'amont à l'aval

Et des solutions existent. D'abord, en élargissant les contrats. Actuellement, les coopératives de producteurs de viande n'ont souvent que des contrats avec les abattoirs (pour environ 30 % de la production de leurs adhérents) et sur ces 30 %, seule une proportion de 15 % est contractualisée jusqu'au distributeur, selon Bruno Colin.

« Du fait qu'ils ne sont pas sûrs de la réaction du marché final concernant les prix, les abatteurs ne peuvent prendre que des risques mesurés et l'on constate une certaine frilosité de leur part à appliquer l'indicateur de coût de production », explique-t-il.

Des partenariats avec des établissements publics

La contractualisation d'un bout à l'autre de la chaîne ne résoudrait cependant qu'une partie de l'équation pour les producteurs. Il resterait le problème du pouvoir d'achat des consommateurs. Mais « les cantines ou d'autres établissements peuvent accepter de payer un peu plus cher une viande de bonne qualité, produite localement et tenant compte de l'environnement, du bien-être animal et bien sûr, de la juste rémunération des producteurs pour leur travail », ajoute le président du pôle animal pour la Coopération agricole.

À cet égard, il met en avant des partenariats déjà en place avec des institutions comme les hôpitaux. « En achetant localement, en cuisinant mieux, en réduisant un peu les portions, les CHU s'aperçoivent qu'il y a moins de gaspillage et que les patients mangent mieux. Un avantage sociétal évident », relève-t-il. Autant d'initiatives qui pourraient être multipliées, dans les cantines scolaires ou ailleurs.

De nouveaux marchés pour les nouvelles générations

« Nous devons travailler intelligemment, avec la loi Egalim, pour trouver ces nouveaux marchés », martèle encore Bruno Colin. Et au-delà de la juste rémunération des producteurs pour leur travail, ce serait aussi le défi du renouvellement des générations en garantissant un niveau de vie décent aux jeunes installés qui serait relevé.