
Uklic P (Isu 156) est le meilleur des 5 taureaux sans cornes actuellement proposés par Umotest.
© UmotestLa génétique est un travail de longue haleine. Il est d’autant plus long quand il s’agit de sélectionner un caractère qui n’est pas présent dans une population raciale. C’était le cas du gène « sans cornes » (ou Polled qui signifie sans cornes en anglais) pour la montbéliarde dans les années 2010 : même si c’est un gène naturellement présent chez les vaches, au point que certaines races comme l’angus ou la galloway sont toujours « sans cornes », il ne l’était pas du tout chez la montbéliarde.
« Pour bénéficier de ce trait, nous avons donc dû travailler par introgression », relate Guillaume Fayolle, responsable du programme génétique chez Umotest, organisme et entreprise de sélection, qui produit environ 85 % des semences de la race montbéliarde en France. « Nous sommes allés chercher ces gènes chez la red holstein et chez la simmental. »
Cinq taureaux disponibles en 2024
Il aura donc fallu quatre générations de vaches à partir du croisement initial pour retrouver une pure montbéliarde, le tout en assurant, bien sûr, un niveau génétique suffisant sur les autres caractères, et en étant vigilant sur tout risque de consanguinité.
Au total, 10 années de travail ont été nécessaires pour aboutir, à l’été 2023, à la sortie de Ranger P, Spencer P et Redhot P sur le catalogue Umotest. « Ces trois taureaux, disponibles en semence sexée uniquement, sont issus de 3 pères différents et de 2 lignées femelles. Mais ce n’est qu’un début, on a travaillé sur une dizaine de familles. Cette année, nous venons de rajouter Uklic P et Tassimo P, deux taureaux sans cornes, issus de deux autres familles », décrit Guillaume Fayolle.
Mais pourquoi avoir travaillé sur ce gène ? « D’abord, parce que c’est une demande des éleveurs. Avec l’augmentation de la taille des fermes et des troupeaux, ils sont toujours en recherche de gain de temps de travail », poursuit le spécialiste. La bonne dynamique de la demande pour les semences des 5 taureaux disponibles d’Umotest confirme cet intérêt de la part des éleveurs.
Se passer de l’écornage ?
« Ensuite, parce que la réglementation sur l’écornage risque d’être de plus en plus stricte », ajoute Guillaume Fayolle. En France, les éleveurs peuvent « encore » écorner eux-mêmes leurs petits veaux, sous condition de contention et de gestion de la douleur. Mais dans d’autres pays, en Europe du Nord ou en Suisse, l’écornage est devenu un acte réalisable uniquement par un vétérinaire. La publication de ces cinq taureaux Polled d’Umotest reçoit d’ailleurs un très bon accueil aux Pays-Bas, où la montbéliarde est souvent utilisée en croisement sur holstein.
Quelle descendance des taureaux sans cornes ?
Le gène sans cornes est un gène dominant. Les taureaux mis sur le marché en race montbéliarde sont, pour l’instant, tous hétérozygotes, ce qui signifie qu’ils portent un gène « sans cornes » et un gène « avec cornes », le premier dominant le second. Ils n’ont donc que 50 % de chances de transmettre le « sans corne » à leurs filles (ils ne sont disponibles qu’en semences sexées).
Pour le moment, toutes les vaches montbéliardes sont « avec cornes » : les premières filles issues des taureaux sans cornes seront donc pour moitié cornues et pour moitié non cornues. À l’image des autres races laitières qui ont déjà des proportions importantes de sans cornes, l’offre génétique devrait progresser rapidement. Et à mesure que les génisses sans cornes seront mères à leur tour, le phénotype pourrait rapidement se répandre dans la population.
À l’heure où l’Europe travaille sur une nouvelle réglementation bien-être animal et où la sensibilité de la société se fait plus importante autour de cette question, l’écornage pourrait être encore plus encadré à l’avenir. En outre, même si elle est indispensable pour la sécurité des humains et des animaux, la pratique n’est jamais une partie de plaisir pour les éleveurs, et elle a un certain coût.
« On va avancer sur la génétique des animaux sans cornes, assure Guillaume Fayolle. Pour l’instant, nos cinq taureaux sont de niveau intermédiaire. Mais bientôt, on ne se posera même plus la question d’une différence de niveau. »