Olivier Sourdin, éleveur : « Ne laissons pas les autres parler d’agriculture à notre place »

Avec humour, Olivier Sourdin, producteur de lait et d’œufs bio dans le nord de l’Ille et Vilaine, parle de son métier sur les réseaux sociaux.

Olivier Sourdin : « Mes posts sont des tranches de vie pour montrer les réalités du métier, explique l’éleveur. Je donne quelques explications mais je ne me lance pas dans les débats"

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Des poules qui découvrent leur parcours sur de la musique techno, une porte de tracteur qui se bloque sous les commentaires d’Homer Simpson… C’est avec un ton décalé et humoristique qu’Olivier Sourdin partage son quotidien. Producteur de lait et d’œufs bio à Le Chatellier (35), le jeune éleveur a toujours été très actif pour défendre son métier et promouvoir l’agriculture.

« Il ne faut pas laisser les autres parler d’agriculture à notre place, estime Olivier Sourdin. Partager son métier, c’est important pour que nos concitoyens nous connaissent mieux et soient moins critiques envers l’agriculture ». Après avoir été investi dans le réseau JA, Olivier Sourdin mise sur les réseaux sociaux pour défendre l’élevage. « Grâce à ces nouveaux médias, c’est plus facile de toucher des jeunes, des citadins, des gens qui ne connaissent pas l’agriculture. Les comices, les fêtes de l’agriculture, ça ne suffit pas à aller au-devant du grand public, constate l'éleveur, qui parle en connaissance de cause car il a organisé en 2018 les Terres de Jim, qui ont pourtant accueilli plus de 100.000 visiteurs. Avec les réseaux sociaux, on peut toucher un public beaucoup plus large ».

De l’humour, pas du militantisme

Olivier Sourdin communique principalement via X, anciennement Twitter. « J’ai commencé en 2013, sans formation, en apprenant sur le tas, retrace le jeune éleveur. En parlant de mon exploitation, en expliquant mes pratiques. C’est plutôt des gens qui s’intéressaient déjà à l’agriculture qui me suivent ». Pour toucher un autre public et pour la diversité de format que permet la vidéo, Olivier Sourdin s’est ensuite lancé sur Tik Tok. Réseau sur lequel il a 31.000 abonnés. « C’est un public plus jeune, constate-t-il. Beaucoup n’y connaissent rien à l’agriculture. Donc il faut aborder les sujets avec humour et pédagogie ».

Sur les réseaux, l’agriculteur partage son quotidien, ses plaisirs, ses petites galères au travers de vidéos. « Mes posts sont des tranches de vie pour montrer les réalités du métier, explique l’éleveur. Je donne quelques explications mais je ne me lance pas dans les débats, dans des réactions face à l’actualité. Je ne me sens pas investi d’une mission, je ne suis le porte-parole d’aucun organisme, d’aucun syndicat. J’ai juste envie de partager une vision moderne de l’agriculture ». D’ailleurs, Olivier Sourdin ne court pas après le buzz. « Quand j’ai une idée, que je vois un truc qui m’amuse ou que je trouve intéressant, je fais une vidéo. Après sa réussite dépend beaucoup des algorithmes. Il y a quelques jours, j’ai fait une vidéo de la prise de force avec la musique du moment, ça a fait 17.000 vues ». Son record est de 4,9 millions de vue. « La vidéo montre la mise en place des pipettes d’eau dans le poulailler. Mais comme il y avait la musique du moment, ça a super bien marché ».

L’agriculteur reconnait ne pas aller sur des sujets sensibles. « Je travaille en agriculture biologique, je me sens bien dans mon choix de système. Je n’ai rien à cacher. Pour autant, je fais attention à ne pas montrer d’images négatives ou qui pourraient être mal interprétées. Je n’ai pas envie de me mettre, moi ou ma famille, dans une situation désagréable. Souvent je discute de mes vidéos avec mon fils de 12 ans pour savoir ce qu’il en pense, ce que lui en disent ses copains. Je n’ai pas envie qu’on lui dise « ah c’est ton père le paysan sur twitter». « Il y a parfois des commentaires pas très sympas mais heureusement jamais de réelle polémique », apprécie Olivier Sourdin.

Une passion chronophage

C’est vraiment par envie de partager sa passion du métier qu’Olivier Sourdin s’investit sur les réseaux sociaux, car il n’en tire aucun bénéfice financier. « J’ai essayé de passer en compte pro sur Tik Tok, se souvient-il. Mais cela entraine beaucoup de contraintes pour un retour de quelques euros par mois. Je ne veux pas être obligé de me fondre dans le moule imposé par l’algorithme. Je veux choisir les musiques qui me plaisent». Comme les dialogues de la grande vadrouille pour la vidéo qu’il a fait de deux génisses échappées !

Non seulement l’éleveur n’en tire pas de bénéfice mais en plus c’est une activité très chronophage. « La création de contenus prend du temps, reconnait-il. Un message sur twitter c’est rapide mais les vidéos prennent du temps, même sans faire de mise en scène. Parfois, tu cherches une musique et tu te rends compte que ça t’a pris 20 minutes », remarque l’agriculteur. Pour ne pas se faire happer, il a fait une pause il y a quelques mois. « J’y pensais trop, reconnait Olivier Sourdin. J’étais un peu obnubilé par ce que j’allais faire comme vidéos. Maintenant j’aborde les choses de façon plus cool. Mon rythme de publication est aléatoire, selon ce qui se prête à être filmé, ce que j’ai envie de partager ». Ce qui laisse à ses followers la surprise de ce qui se passe à la ferme ou sur les terrains de foot, son autre passion.

Agriculteurs de Bretagne fédère les actions de communication

Pour communiquer, Olivier Sourdin joue aussi en collectif. Il est administrateur de l’association « Agriculteurs de Bretagne ». Créée en 2012, cette association réunit des agriculteurs, des coopératives, des OPA mais aussi des collectivités et des écoles. En donnant la parole aux agriculteurs, via les réseaux sociaux, en organisation des portes ouvertes et participant à des manifestations culturelles, l’association entend renforcer la confiance du grand public envers l’agriculture. « Agriculteurs de Bretagne » souhaite aussi éclairer, avec pédagogie, le débat sociétal, autour de l’agriculture et de l’alimentation.

« J’y rencontre des gens ouverts, qui ont la même envie de défendre l’agriculture au-delà de toutes étiquettes, apprécie Olivier Sourdin. L’association nous permet aussi d’avoir de l’aide, des supports de communication quand on veut organiser des portes ouvertes sur nos exploitations ».