Flambée du prix du beurre : une situation durable

Aujourd’hui, en France, 20 % du lait collecté sont consacrés à la fabrication du beurre : 9% pour le beurre destiné à la grande consommation et 11% pour le beurre à destination des industriels. Photo : N.Tiers/Pixel Image
Le prix du beurre connaît une hausse sans précédent depuis quelques mois, alors que le prix du lait peine à progresser. Quelques éléments d’explication avec Benoît Royer, directeur des affaires économiques du Cniel.

En à peine un an, le prix du beurre a doublé : il se négocie actuellement entre 5 et 6 000 euros la tonne.
L’image du beurre a évolué ces dernières années. Le beurre a été longtemps décrié au profit des matières grasses végétales. Mais des études scientifiques récentes réhabilitent le beurre. Dans beaucoup de pays, les consommateurs reviennent vers les notions de plaisir, de naturalité, ce qui profite au beurre. Sa consommation augmente structurellement en France et dans le monde.
Mais si la consommation augmente, la disponibilité en matière première, elle, diminue. La collecte de lait européenne a chuté depuis la fin de l’été 2016 sous l’impulsion de plan d’aide européen à la réduction de la production laitière, mais aussi du fait de la qualité médiocre des fourrages 2016, des conditions climatiques peu favorables et des problèmes de trésoreries dans les élevages. Or, le beurre est issu de la matière grasse du lait.
Les stocks sont au plus bas alors qu’on entame seulement le second semestre. Le prix du beurre va rester haut ces prochains mois. Or, si les prix ne cessent d’augmenter, on risque d’entretenir le désir de substitution par la matière grasse végétale.

Situation paradoxale

Dans le même temps, le prix du lait à la ferme connaît une augmentation modérée.
Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que la flambée du prix du beurre concerne les marchés de gros, donc le beurre à destination des industriels. Dans le même temps, le prix du beurre au détail, dans les supermarchés, n’a que peu progressé : entre mai 2016 et mai 2017, la hausse n’a été que de 3%.
Or, le prix du lait payé au producteur est lié à la valorisation des différents produits laitiers - fromages, yaourts, laits conditionnés mais aussi lait en poudre - dont les prix sont plutôt orientés à la baisse. Les stocks importants de poudre de lait écrémé pèsent sur le marché et freinent la remontée de son prix, retardant, par répercussion, la remontée du prix payé au producteur.
 Il faudrait remettre sur le marché les poudres de lait avec une décote par rapport à la poudre fraîche mais au-dessus du prix d’intervention. C’est le scénario que tout le monde espère.
La poudre de lait peut vieillir assez longtemps, ses qualités sont préservées. Mais il existe un frein psychologique à l’utilisation de poudres « âgées ». La seule issue possible est l’utilisation en alimentation animale, pour la fabrication d’aliment d’allaitement pour les animaux d’élevage.
L’évolution des marchés dépendra de l’évolution de la collecte dans les mois à venir. Or la combinaison de facteurs conjoncturels et structurels – canicule, manque de trésorerie dans les élevages, effet de découragement – fait qu’on ne s’attend pas à un afflux massif de lait avant l’automne.
 
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