Intégrer de l’ensilage de maïs épi (EME) dans la ration des vaches laitières, est-ce une lubie ou une réelle opportunité ? À la ferme expérimentale de la Jaillière en Loire-Atlantique, Hugues Chauveau, responsable du pôle fourrages d’Arvalis, étudie les modalités d’incorporation de cet aliment depuis deux ans. Lors d’un webinaire organisé par l’Idele, cet hiver, il a présenté les résultats d’une expérimentation menée sur le troupeau de prim’holstein de la ferme expérimentale de la Jaillière.
L’ensilage de maïs épi (EME) provient du broyage de l’épi complet. C’est-à-dire : grains, rafles, spathes et pédoncule. La stratégie de récolte de l’EME est assez éloignée de celle du maïs fourrage. Il s’agit de maximiser le rendement en énergie valorisable par l’animal, tout en tenant compte de la faculté de ce fourrage à être conservé par ensilage.
L'ensilage maïs épi, un aliment à haute densité énergétique
L’EME se caractérise par sa forte teneur en amidon, en moyenne 58 %. « Bien sûr, on observe de la variabilité au niveau de la valeur nutritive des ensilages de maïs épi. Cette variabilité dépend, notamment, de la proportion de grains par rapport au reste de l’épi et du niveau de remplissage des grains », explique Hugues Chauveau. Ces différences se répercutent aussi sur la teneur en énergie des EME, qui varie généralement entre 1,04 et 1,15 UFL/kg de MS.
De plus, « on entend souvent dire “maïs épi égal amidon lent”, ce n’est pas tout à fait juste, corrige le responsable du pôle fourrages d’Arvalis. L’amidon présent dans l’ensilage de maïs épi est de type intermédiaire, sa vitesse de digestion dans le rumen est située entre celle des céréales à paille et celle du maïs grain. C’est un point important à avoir à l’esprit avant de l’introduire dans l’alimentation des animaux. »
Composition chimique et valeur alimentaire des différentes formes de maïs et du blé
|
Maïs plante entière |
Maïs épi |
Maïs grain humide |
Maïs grain sec |
Blé |
Teneur en MS (%) |
34,7 |
53 |
67 |
86,3 |
86,9 |
Cellulose brute (g/KG MS) |
200 |
90 |
26 |
26 |
28 |
Matières azotées totales (g/kg MS) |
76 |
83 |
92 |
89 |
126 |
Amidon (g/kg MS) |
322 |
630 |
737 |
739 |
691 |
UFL (/kg MS) |
0,96 |
1,08 |
1,23 |
1,24 |
1,19 |
(Source : tables Inrae 2018)
L’ensilage de maïs épi dans la ration des laitières, deux stratégies possibles
Dans la ration de vaches laitières, l’utilisation d’EME, un aliment à haute densité énergétique, peut servir deux stratégies. La première de ces stratégies consiste à ajuster des rations pour les animaux à haut niveau de production. « Dans ce cas, on introduit des quantités modérées d’ensilage de maïs épi. Il remplace alors l’aliment énergétique ou l’aliment VL par exemple : 1 à 2,5 kg de MS dans des rations à base de maïs fourrage et 2 à 5 kg de MS dans des rations mixtes de type maïs fourrage et herbe », précise l’expert d’Arvalis.
La deuxième stratégie consiste, elle, à introduire entre 6 et 8 kg de MS d’EME dans des rations basées sur la consommation d’herbe. L’aliment vient alors compenser la moindre valeur énergétique de l’ensilage d’herbe et donc densifier la ration en énergie.
À la ferme de la Jaillère, l’EME a été incorporé dans des rations plus riches en herbe que la ration type, selon deux modalités (voir graphiques composition des rations).
« Nous avons testé deux rations avec des parts d’herbe différentes, 37 % et 59 %. Et nous avons introduit de l’ensilage de maïs épi, en substitution d’une partie de l’ensilage de maïs plante entière. Enfin, nous avons comparé les résultats à ceux obtenus avec notre ration type qui a servi de ration témoin », explique Hugues Chauveau.
Dans des rations à 37 % d’herbe, l’introduction d’EME maintient les performances
Au niveau des performances zootechniques, les résultats sur ces deux années d’essais ont été contrastés en raison d’une qualité d’ensilage d’herbe différentes d’une année à l’autre. « En première année, nous avons récolté un ensilage d’herbe humide mais de valeur alimentaire correcte à 26 % de MS, 0,86 UFL/kg MS et 17,3 % de protéines. Sans surprise, à partir du moment où l’on a intégré une part élevée d’ensilage d’herbe humide, on a dégradé fortement l’ingestion et donc les performances laitières », regrette le responsable du pôle fourrages d’Arvalis.
L’ensilage d’herbe en deuxième année a été récolté dans des conditions plus favorables. « Avec un bon ensilage d’herbe de bonne valeur énergétique et protéique récolté à 41,3 % de MS, on arrive à maintenir des performances d’ingestion et de production équivalentes à la ration témoin. On observe tout de même une légère baisse des TP et des TB, lorsqu’on intègre plus de 50 % d’herbe », modère le spécialiste. Autre point plus documenté, l’introduction d’ensilage d’herbe améliore les profils en acide gras du lait, notamment les teneurs en oméga-3.
Dans les rations à 60 % d'herbe, le maïs épi ne suffit pas toujours à maintenir les performances
« Au niveau économique, les rations à 40 % d’herbe, qui permettent d’incorporer entre 3 et 4 kg de MS d’EME, tiennent la route dans à peu près tous les contextes. Leurs performances économiques sont même supérieures à celles obtenues avec notre ration témoin », souligne Hugues Chauveau. En revanche, pour les rations avec 60 % d’herbe, les performances économiques dépendent avant tout de la qualité de l’ensilage d’herbe.