« Le bio n’est pas une solution de sauvetage »

La conversion en bio entraîne une modification profonde des équilibres : un recul de la production laitière, une baisse des rendements des cultures, une hausse de la surface fourragère. Photo : V Brocard
En cette période de crise du lait, de nombreux éleveurs en quête d’une meilleure valorisation de leur production s’intéressent à la conversion en bio. Pour leur donner des repères et les aider dans leur décision, les chambres d'agriculture de Bretagne ont organisé le 3 mars une demi-journée technique sur la conversion d'un atelier lait à l’agriculture biologique à la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère).

En mai 2013, cette station dédiée aux vaches laitières a engagé une partie des terres de l’exploitation
(81 ha soit 40% de la SAU) et de l’atelier lait vers l’AB. Depuis mai 2015, après deux années de conversion dite « non simultanée » (d’abord les cultures, puis en décalé le troupeau), la station expérimentale livre du lait biologique.
Le comité professionnel de suivi a souhaité mettre en place à Trévarez un système laitier biologique représentatif des exploitations laitières bio de demain, répondant aux enjeux de cette filière. Cette expérience de conversion a permis de déterminer les itinéraires techniques les plus adaptés pour produire du lait bio en Bretagne et de fournir des données technico-économiques.

Une modification profonde des équilibres

Pour Isabelle Pailler, conseillère lait spécialisée en bio à la chambre d'agriculture du Finistère, la conversion en bio constitue un bouleversement du système de production.

Avec un différentiel de prix de 150€/1000 l entre le lait bio et le lait conventionnel, le passage au bio ne doit pas être vu seulement comme un moyen de palier au déficit de trésorerie. La conversion entraine une modification profonde des équilibres : une baisse des rendements des cultures, un recul de la production laitière et des surfaces en maïs fourrage, une hausse de la surface fourragère avec pour conséquence une diminution voire un arrêt des cultures de vente. La conversion à l’agriculture biologique, c’est passer d’une production de 8500 litres/ha SFP à une production de 5500 l/ha de SAU. 

Selon la conseillère, les deux années de conversion peuvent être difficiles à gérer sur le plan financier avec des charges en bio et des produits toujours en conventionnel.

Les charges opérationnelles, en particulier alimentaires, sont majorées : elles vont jusqu’à 2 voire 2,5 fois le prix unitaire conventionnel. Le prix de semences de maïs bio par exemple est 50% plus élevé qu’en conventionnel. Quant au prix du soja bio, il se situe à 950€/t. Les conséquences sont importantes sur la trésorerie avec une réduction des ventes et des délais parfois conséquents avant de percevoir les aides. 

Le passage au bio suppose donc de bien se préparer à ces changements et d’être solide techniquement et financièrement.  Isabelle Pailler prévient :

Le bio est un état d’esprit, un équilibre de modèle de production et doit correspondre à un projet de vie. Il ne doit certainement pas être vu comme une réponse à une contrainte économique, comme une solution de sauvetage financier dans le contexte actuel de crise laitière. 

Une faible rentabilité durant la conversion

La station de Trévarez a comparé les marges sur coût alimentaire des deux modes de production. Avec un prix du lait de 357 euros/1000l et un coût alimentaire de 62€, la marge sur coût alimentaire s’élève à
295 euros en système conventionnel.  En 2e année de conversion,  avec un prix du lait de 375 euros/1000l et un coût alimentaire de 46 €, cette marge sur coût alimentaire passe à 329 euros.
Au global, la marge sur coût alimentaire additionnée des aides à la conversion s’établit à 127 700 € en conventionnel, à 111 200€ en 2e année de conversion. Isabelle Pailler commente :

La rentabilité économique est souvent un peu faible durant les deux années de conversion. Ensuite, les résultats montrent une certaine stabilité. 

 
Marge sur coût alimentaire
  2013
Système conventionnel
2013
1re année de conversion
2014
2e année de conversion
2015
8 mois bio
Effectif VL 58 55 57 56
Lait vendu par vache (l) 7500 5500 5100 4900
Livraison annuelle 431 700 304 700 290 700 271 500
Prix du lait (€/1000l) 357 354 375 406
Coût alimentaire € 62 76 46 46
Marge sur coût alimentaire € 295 278 329 360
Marge sur coût alimentaire en global 127 700 84 700 95 600 97 800
Aides CAB   15 600 15 600 15 600
Total 127 700 100 300 111 200 113 400
Source : Station de Trévarez
 
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