Si, de prime abord, le lien entre glaces terrestres et agriculture semble difficile à concevoir, la glaciologue Heïdi Sevestre tisse pourtant un lien étroit entre ces éléments. En effet, les glaces influencent la météorologie planétaire. Lorsque les surfaces gelées s’amenuisent, des phénomènes extrêmes et chaotiques apparaissent.
Le 19 septembre dernier, Heïdi Sevestre, glaciologue et lauréate de la première médaille Shackleton pour la protection des régions polaires, est intervenue lors d’une journée de prévention des risques climatiques.
Cet événement s’est tenu en Charente, à Moulins-sur-Tardoire. Il était organisé par Elicit plant, une entreprise spécialisée dans le développement d’éliciteurs capables de prévenir les stress hydriques des végétaux.
Stress hydrique, risques climatiques, fonte des glaces… Le lien entre agriculture et banquise n’est autre que climatique !
La perte de la banquise engendre une météo chaotique
"La banquise stabilise le climat de toute la planète et en particulier celui de l’hémisphère Nord. La disparition de cette glace peut engendrer des phénomènes météorologiques extrêmes et chaotiques", déclare Heïdi Sevestre.
Pour commencer, ces étendues de glaces sont des surfaces qui agissent comme un climatiseur, en raison notamment de leur albédo élevé. L'albédo est la fraction de l'énergie solaire réfléchie vers l'espace. Sa valeur est comprise entre 0 et 1. Plus une surface est réfléchissante, plus son albédo est élevé.
"La banquise est une immense surface blanche qui réfléchit le rayonnement lumineux. Lorsque cette glace fond, elle laisse place à un océan sombre qui, lui, possède un albédo bas et donc emmagasine les rayonnements lumineux, et piège alors la chaleur. Ce phénomène amplifie le réchauffement du pôle Nord ", s’inquiète la scientifique.
Les écarts de température entre l'Arctique et les régions tempérées s’amenuisent
Les données scientifiques sont formelles: l'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète.
Malheureusement, le climat planétaire est régi par la différence de température entre les pôles et le reste de notre planète. En clair, les pôles doivent rester froids !
Le polar jet stream est un vent froid qui tourne autour de l’Arctique. En temps normal, ce courant d’air joue le rôle d’une barrière qui isole le pôle Nord.
"On peut imaginer ce polar jet stream comme un ruban bien tendu qui circule autour du pôle", illustre Heïdi Sevestre.
Le polar jet stream pourrait être à l’origine des gelées tardives et précoces
Or, aujourd’hui, en raison du réchauffement plus rapide de l’Arctique, ce courant perd de la vitesse.
"Le polar jet stream ondule ; il forme comme des pétales de fleur. Lorsque ces vagues descendent en direction des zones tempérées, elles peuvent être à l’origine de gelées tardives et précoces, mais aussi de vagues de froid intense comme celle enregistrée au Texas en février 2021", assure Heïdi Sevestre.
Pour la glaciologue, il n’existe aucun doute sur les conditions climatiques chaotiques à venir. Pourtant, si Heïdi Sevestre est sortie de son laboratoire, ce n’est ni pour accuser ni pour culpabiliser mais pour soutenir l’effort en cours:
"La période Covid a démontré que lorsqu’il y a des baisses d’activités anthropiques et donc d’émissions de gaz à effet de serre, on observe un ralentissement de la fonte des glaces. Ce phénomène est en partie lié au noir de carbone : une forme élémentaire du carbone, aussi appelée «noir de fumée». Cette particule volatile et foncée absorbe la lumière du soleil. Lorsque ce carbone se dépose, il assombrit la neige et la glace, et réduit l’albédo."
Pour Heïdi Sevestre, les efforts engagés sont donc primordiaux et doivent continuer : "Aujourd’hui, on sait que le réchauffement climatique aura des conséquences sur la vie de milliards d’humains. Chaque tonne de carbone économisée compte."