Le souvenir du marasme de 2016 sur les cultures d'hiver est encore dans toutes les têtes. Des chercheurs de l'Inra, du CNRS et du CEA se sont intéressés aux conditions climatiques susceptibles de conduire à des pertes de rendements exceptionnelles. Ils mettent en avant que les températures anormalement élevées à la fin de l'automne accentuent pour 2016, et pour d'autres années, l'effet négatif des précipitations excessives au printemps suivant pour la production de blé. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications le 24 avril 2018.
Rappel des faits. La France, premier producteur de blé en Europe, affiche en 2016, contre toute attente une diminution de rendement comprise entre 20 et 50% dans le principal bassin de production. Des pertes d'une ampleur inégalée au cours des 60 dernières années. Pour en connaître la cause, un consortium de scientifiques a exploité les données agronomiques et climatiques à l'échelle du principal bassin de production de blé français, soit 27 départements situés dans les régions Bourgogne - Franche-Comté, Centre - Val-de-Loire, Grand-Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire.
Des conditions climatiques sans précédent
En 2015-2016, il a été constaté des températures étonnament chaudes à la fin de l'automne (maximums proches de 11°C en décembre 2015) et des précipitations extrêmement élevées (4,4 mm/jour en mai 2016), avec un rayonnement solaire et une évapotranspiration anormalement bas au printemps. Cette situation fut préjudiciable au développement du blé mais favorable à celui de maladies fongiques. Des conditions jamais observées depuis 1958 note le communiqué de l'Inra, qui ont coïncidé avec une baisse de production exceptionnelle.
Les chercheurs ont analysé l'impact d'événements climatiques extrêmes sur la production entre 1958 et 2016. Et ils ont mis en évidence que l'excès de précipitations printanières est d'autant plus préjudiciable pour le rendement que les températures de l'automne précédent sont anormalement élevées. Autrement dit, selon leurs travaux, si à l'automne, le nombre de jours entre 0°C et 10°C diminue de moitié (passant de 20 à 10), et que des précipitations nettement supérieures à la moyenne accompagnent le printemps qui suit, alors la probabilité d'avoir des pertes de rendement sévères (supérieures à 10%) est multiplié par deux.
Dans le futur
Il n'échappe à personne que les projections dans le futur anticipent une augmentation des températures automnales à l'horizon 2050. Ainsi, la perspective d'avoir des températures très douces (comme décembre 2015) à l'automne est un scénario qui devrait être nettement moins rare à l'avenir en France. Mais les chercheurs précisent qu'aucune tendance ne se dégage quand à la probabilité d'avoir des précipitations élevées d'avril à juillet. Ces travaux montrent qu'il est nécessaire d'analyser conjointement les observations climatiques et agronomiques. Par ailleurs, ils posent la question de la vulnérabilité des systèmes dès à présent face aux changements climatiques attendus.