"L’agriculture est essentielle pour l’économie des pays africains, elle est une composante fondamentale de la croissance du continent, nous avons beaucoup de ressources mais elles sont trop peu exploitées", assure Bedoumra Kordjé, ministre des Finances et du Budget du Tchad. Invité par l’école supérieure d’agriculture de Rouen (Esitpa), l’édile tchadien a tenu une conférence sur l’agriculture africaine et ses enjeux pour le continent. Candidat à la présidence de la Banque africaine de développement, il a insisté sur la nécessité de libérer l’entreprenariat agricole.
Aujourd’hui l’agriculture et l’agro-industrie représentent 21 % du PIB au Tchad. Le secteur agricole emploie 80 % de la population du pays et génère 63 % des revenus. Mais malheureusement, cette croissance est aussi tributaire des aléas climatiques qui pèsent sur l’agriculture du continent autrement dit, "l’année où il pleut, la croissance est bonne et vice versa, avec en sus, cette épée de Damoclès du changement climatique qui déstabilise et déséquilibre la production. Et sur ce point nous comptons beaucoup sur la mobilisation internationale", illustre Bedoumara Kordjé. "Forts de nos ressources, tant naturelles qu'humaines, Il faut créer les conditions pour que la production agricole se développe et soit source de dividendes pour nos pays."
Développer les conditions croissances
Et parmi les priorités, l’accès à l’eau et le développement des infrastructures. "Nous n’utilisons que 2% des ressources en eau disponibles. Au Tchad, l’eau tombe en quantité en été et à l’automne la maîtrise et la conservation de la ressource doit devenir une priorité. Cela doit se faire par des chantiers de grandes envergures mais aussi à l’échelle des exploitations. En Tunisie, ils ont investi dans des grands barrages, ils peuvent tenir deux ans sans pluie", illustre le responsable
Autre priorité, le développement d’axes routiers pour désenclaver les régions de fortes productions. "Au sud du Tchad, un grand projet de rizière était à l’étude (zone régulièrement inondée donc propice à la production), le projet a échoué parce qu’il n’y a pas de route !"
Mais aussi, amener l’électricité et développer les NTIC partout dans le pays, conditions nécessaires et indispensables pour que les petits producteurs deviennent des entrepreneurs. "Ces outils permettent de développer une petite industrie de transformation qui donne de la valeur ajoutée à nos productions agricoles. C’est la condition sine qua non pour que nos ressources humaines [60 % de la population a moins de 15 ans-NDLR] restent au village. C’est à ce prix que les jeunes préfèreront travailler la terre que de marcher dans le désert", poursuit Bedoumara Kordjé. Enfin, il faut aider aussi les paysans à investir dans le stockage et libéraliser l’accès au foncier. "Le modèle foncier actuel doit être abordé avec beaucoup de courage, il va falloir trouver des solutions pour aider les paysans à accéder à la terre et a en devenir propriétaires."
Paix, sécurité et stabilité
Le Tchad partage ses frontières avec la Libye au Nord, la République centrafricaine au Sud, le Soudan et la région du Darfour à l’Est et le Niger et le Cameroun à l’Ouest. "Notre pays est stable mais l’environnement est compliqué, explique Bedoumara Kordjé. Aujourd’hui le pays est engagé sur différentes zones de conflits. Le continent perd le bénéfice de sa croissance à cause de cette instabilité, il faut que nous réfléchissions aux raisons qui ont amené ces conflits. Qu’est-ce qui a manqué pour que cela arrive ? Lorsqu’une région est instable, les paysans sont les premiers touchés, ils sont en première ligne des conflits, et il faut l’anticiper à tout prix. La paix, la stabilité et la sécurité sont aussi des conditions nécessaires à notre croissance."
"Aujourd’hui l’Afrique attire les investisseurs, le continent connaît une bonne croissance avec une vraie dynamique de développement. Si les africains le décident, le XXIe siècle sera le siècle de l’Afrique", conclut le ministre.
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