Avec l’interdiction des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave, le réseau Dephy et plus de 2 000 agriculteurs volontaires s’engagent dans la mise en place de pratiques et/ou de systèmes innovants pour trouver des alternatives efficaces. Retours d’expériences lors d’un webinaire organisé par le réseau Ferme Dephy.
L'historique. Toute la filière betteravière se souvient de l’année 2020, marquée par une pression de jaunisse sans précédent. Sylvain Duthoit, ingénieur réseau Dephy à la chambre d’agriculture de la Marne, qualifie cette année « d’apocalyptique ».
- Dans son groupe, cette même année, 100 % des agriculteurs ont dû intervenir avec un, voire plusieurs insecticides, pour lutter contre les pucerons (les enrobages de semences ne contenaient pas de néonicotinoïdes).
- Résultat : un indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires insecticides de 1,2 contre 0,3 pour les années à moyenne pression de pucerons.
- « Sans néonicotinoïdes, pour les années de moyenne à forte pression, le recours à un traitement insecticide est indispensable, constate l’animateur. L’intervention foliaire est de plus en plus fréquente du fait du changement climatique, mais aussi des vols de pucerons plus précoces. »
Avec la suppression anticipée des néonicotinoïdes, le groupe renforce ses essais et travaille davantage l’association avec de l’avoine rude (levier le plus efficace à ce jour). Mais d'autres pistes sont explorées.
- « Nous attendons aussi des réponses génétiques, précise Sylvain Duthoit. À voir également ce que la lutte auxiliaire peut apporter, sachant qu’elle nécessite un aménagement paysager sur l’ensemble d’un territoire. »
Le compte-rendu. Simon Pesquet, ingénieur réseau Dephy au Cerfrance Normandie Maine est revenu sur l’expérience d’Antoine Chedru, polyculteur-éleveur en Seine-Maritime. Celui-ci pratique le non-labour et le semis direct depuis de nombreuses années et teste différentes techniques pour réduire l’usage des produits phytosanitaires.
- Sur céréales, notamment, il apporte des macérations d’ail et des extraits fermentés d’ortie et de consoude pour stimuler la plante.
- Les résultats lui donnant satisfaction, il a transposé la méthode sur la culture de la betterave.
- Les effets sont moins significatifs, le puceron caché sous la feuille étant difficile à atteindre.
Comment se passer alors de traitement foliaire ? Pour répondre à cette question, le groupe Dephy s’est penché sur l’intérêt des plantes compagnes.
- La betterave a été associée à de la fétuque inoculée, implantée dès la moisson, ou à de l’orge de printemps, semée simultanément à la betterave.
- « L’objectif de ces pratiques est de perturber l’arrivée des pucerons sans concurrencer la betterave, qui y est sensible dès le début de son cycle, souligne Simon Pesquet. Le groupe prévoit également de tester l’apport de terre de diatomée en foliaire pour son action "coupante".
Travailler à l'échelle d'un territoire. Dans l’Aube et la Marne, Marion Mounayar, ingénieure réseau Dephy au Civam de l’Oasis, suit de son côté un groupe d’agriculteurs dans leur démarche d’aménagement de structures agroécologiques pour favoriser les auxiliaires (haies, jachères, etc.).
- « Nous constatons plus de coccinelles et de syrphes dans les parcelles de betteraves, ce qui suffit à réguler une faible pression de pucerons, indique-t-elle. Dans le cas d’une pression élevée, seul l’aménagement à l’échelle d’un territoire peut être efficace. Le cas échéant, le recours à un insecticide est nécessaire. Pour limiter sa dispersion, je préconise une pulvérisation à 20 cm de haut et l’application d’un tiers de la dose homologuée. »
