Betteraves en agriculture biologique: le repiquage pour s’assurer une récolte

 

Le temps consacré au repiquage des betteraves est largement compensé par le gain de temps sur le désherbage manuel. Photos : ITB_Jean-Charles Germain

Les grands noms du sucre se sont lancés dans la production de betteraves sucrières biologiques.
La technique de production n’en est qu’à ses débuts avec de grandes interrogations sur le désherbage notamment. L’ITB travaille cependant sur le sujet depuis une dizaine d’annéesavec un début de réponse fort prometteur.

Depuis dix ans, l’Institut technique de la betterave (ITB) travaille à la conduite de la betterave en agriculture biologique « avec tous les inconvénients que cela comporte », souligne d’emblée Jean-Charles Germain, responsable adjoint de l’ITB Aisne. La principale problématique reste le désherbage. Pour les autres problématiques techniques liées à la culture, « on s’adapte. Il faut effectivement privilégier les parcelles avec peu de pression au niveau des maladies du feuillage ou des parasites souterrains et aériens. Pour ces derniers, il est possible de les esquiver en partie en ayant recours au repiquage. Il s’agit aussi de la seule technique à ce jour qui permet d’assurer la réussite de la culture à plus de 95 % vis-à-vis des adventices ».

Un premier désherbage dix jours après implantation

« La technique du repiquage permet, après quatre semaines de développement sous serre, de repiquer des plants en minimottes au stade quatre feuilles en pleine terre, détaille Jean-Charles Germain. Compte tenu du développement des plants, il est alors possible de réaliser un premier désherbage mécanique à la herse étrille dix jours après l’implantation. À ce moment-là, les betteraves sont suffisamment bien installées pour résister au désherbage alors que les adventices atteignent tout au plus le stade fil blanc voire point vert. Ce qui permet d’assurer une efficacité de désherbage proche de 95 % tout en ne déplorant pas plus de 1 % de perte de pieds sur la culture. Des résultats obtenus grâce au différentiel de développement entre les plantes qui évite un réglage trop agressif de la herse étrille. »

Avec un semis classique, il a fallu attendre 20 jours après le semis en 2018 pour intervenir mécaniquement sur les betteraves. Or, il s’agissait d’une année plutôt favorable. En moyenne, c’est plutôt 30 jours… un intervalle qui explique souvent les échecs de désherbage observés dans les parcelles bio selon le responsable adjoint.

Jean-Charles Germain ne cache pas que la technique demande un investissement spécifique non négligeable au travers de la planteuse. Dans les essais mis en place par l’ITB de l’Aisne, l’opération de repiquage coûte 300 euros de l'hectare. Jean-Charles Germain chiffre, pour exemple, à 250 0000 euros le prix catalogue d’une planteuse 12 rangs avec système automatique de repiquage. Mais il est difficile d’investir sur une telle largeur. Des alternatives moins onéreuses peuvent être envisagées : des planteuses quatre rangs avec deux rangs par opérateur ont la capacité d’implanter presque deux hectares par jour à seulement trois personnes. Le débit de chantier peut paraître très faible, mais le repiquage à l’avantage d’assurer une certaine maîtrise du temps assigné à la culture. Le temps passé à l’implantation est connu, celui au désherbage mécanique aussi, tout en réduisant considérablement le désherbage manuel. L’ITB l’estime à une douzaine d’heures par hectare dans le cadre du repiquage alors qu’il peut facilement atteindre 90 h/ha en conduite classique. Les heures de main-d’œuvre sont ainsi maîtrisées, mais cela n’enlève en rien le coût élevé de la technique.

Il est possible d’intervenir seulement dix jours après le repiquage avec une herse étrille sans risque de blesser ou de détruire les plants de betteraves alors que les adventices atteignent à peine le stade fil blanc.

Au coût d’implantation, Jean-Charles Germain estime qu’il faut ajouter « 100 euros/ha de semences à fournir à un pépiniériste pour les faire germer et lever sous serre pour un coût de 30 euros/1 000 plants, soit plus de 1 600 euros/ha quand l’objectif est d’obtenir 50 000 racines/ha à la récolte compte tenu des pertes potentielles en cours de campagne ». Si le coût paraît prohibitif de prime abord, le responsable adjoint est tout à fait optimiste sur la rentabilité de la technique : « Pour aboutir à une marge semi-nette de 1 000 euros/ha, il “suffit” d’atteindre un rendement de 60 t/ha à 16 °C. Ce qui est à la portée du plus grand nombre avec des plants de qualité. » Pour appuyer sa réflexion, il prend l’exemple des 140 ha menés en agriculture biologique par des adhérents de Cristal Union lors de la dernière campagne betteravière. Avec des semis « classiques », la moyenne des rendements était de 55 t/ha à 16 °C avec des extrêmes qui allaient de l’absence de récolte dans deux parcelles à plus de 90 t/ha dans d’autres. Les essais menés cette année par l’ITB, avec cette technique, ont permis d’obtenir un rendement de 43 t/ha à 16 °C alors que la population de betteraves affichait seulement 38 000 pieds/ha à la récolte qui a pu engendrer une perte de potentiel de 20 %.

Si la technique paraît totalement innovante en France, il faut savoir qu’au Japon elle concerne la totalité des surfaces de betteraves, compte tenu d’une période de végétation disponible relativement courte.

Note : les différents modes d’implantation « bio » seront présentés lors de Désherb’Avenir VI qui se déroulera les 15 et 16 mai 2019 à Berny-en-Santerre dans la Somme.

Mais pourquoi mettre l’accent sur le désherbage en betterave ?

Tout simplement parce que la qualité de l’implantation de la culture/du pivot est une phase critique dans l’expression de son potentiel. La réussite de l’implantation passe par plusieurs objectifs à atteindre :
• assurer une levée rapide des betteraves et de manière homogène ;
• permettre l’implantation du pivot en profondeur sans déformation ;
• faire jouer rapidement le pouvoir de concurrence (étouffement) sur la flore adventice.
Le désherbage de la betterave est donc un poste clé de l’itinéraire technique de la culture et par conséquent du revenu des planteurs. Il faut éviter la concurrence des adventices au stade jeune, limiter leur présence dans la marchandise livrée à la sucrerie et maintenir la propreté de la parcelle pour la suite.
C’est pourquoi FMC investit et dispose d’un portefeuille de marques phares sur le marché des herbicides betteraves. Son pipeline étoffé de technologies en développement offre également de belles perspectives et permettra de proposer de nouvelles matières actives dans les années à venir.
Responsable communication FMC France – Émilien Guillot Vignot
Retrouvez-le sur Twitter : @Emiliengv_FMC

 

Binage dans les deux sens
Un semis au carré et bientôt en rectangle

Grâce au semis en carré, les pieds de betteraves sont alignés dans les deux sens.
« En 2018, nous souhaitions valider la technique du semis au carré et de la conduite qui suit en utilisant le matériel présent sur les exploitations betteravières, souligne Jean-Charles Germain. C’est pourquoi nous avons choisi un interrang de 45 cm et une distance sur le rang entre deux betteraves de 45 cm également. Le seul investissement obligatoire pour appliquer cette technique est le semoir Kverneland Monopill SE équipé de la technologie Geoseed de niveau deux qui permet la répétabilité de l’alignement des graines perpendiculairement et parallèlement au sens d’avancement sur toute la parcelle. » Les mesures ont pu mettre en évidence que 60 % des graines étaient posit
Le binage dans les deux sens assure le travail de 90 % de la surface de la parcelle.
ionnées à leur emplacement théorique prévu avec une marge d’erreur de +/- 1,5 cm. Soit une amplitude d’erreur maximum de 3 cm. Ce qui signifie aussi que 40 % sont au-delà de cette précision. Ce qui explique sans doute que seulement 44 000 racines/ha ont été récoltées alors que 49 000 graines/ha ont été semées. Ce qui a engendré une perte de rendement estimée à 20 % par rapport à une parcelle conduite classiquement portant ainsi les performances à 48 t/ha à 16 °C. Le technicien régional de l’ITB Aisne n’est cependant pas surpris de cet écart de potentiel : « Le semis en 45 x 45 cm ne nous permettait pas de placer plus de graines par hectare. Or, il est convenu que le potentiel de rendement est maximum en betteraves à partir de 70 000 pieds/ha à la récolte. Il existe peu de différence entre un peuplement de 70 000 pieds/ha et 125 000 pieds/ha. Pour obtenir un peuplement de 70 000 pieds/ha avec un écartement entre rang de 45 cm, les graines doivent être placées à 25 cm l’une de l’autre sur le rang. Une disposition qui nécessite alors des bineuses à écartement différent pour biner dans les deux sens. » Ce qui est possible car il s’avère que les bineuses plus typées céréales offrent ces valeurs d’écartement et on les rencontre de plus en plus fréquemment sur les fermes biologiques.
Pour en revenir aux essais de 2018, le binage à 45 x 45 cm dans les deux sens à permis de désherber mécaniquement 90 % de la surface de la parcelle. Ce qui permet de contenir le temps de désherbage manuel à une douzaine d’heures seulement.