Betteraves: une rentabilité en sursis

 La saison 2023 de betteraves a été marquée par des profits plus importants, mais aussi par des rendements contrastés et une production déstabilisée par différents facteurs. Crédit: laurine45/Adobe Stock

L’assemblée annuelle de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), organisée mardi 28 novembre, a été l’occasion de dresser le bilan d’une saison 2023 ambivalente. Marquée par des profits plus importants, elle se caractérise aussi par des rendements contrastés et une production déstabilisée par différents facteurs, décisions politiques, aléas climatiques et une plus grande vulnérabilité face aux bioagresseurs. Dans un contexte porteur de forte hausse sur les marchés du sucre, la CGB souligne l’importance de répondre à trois enjeux majeurs pour entrevoir un horizon plus dégagé.

 

La saison de la betterave apparaît globalement satisfaisante. Sur un plan purement comptable, avec un rendement moyen de 83 tonnes par hectare et une production de 31,5 Mt, les résultats sont là. Une fois transformé par les différentes industries, ce total permet la réalisation de 3,7 Mt de sucre et 8,4 millions d’hectolitres d’alcool et d’éthanol.


De plus, "les cours du sucre, très orientés à la hausse, devraient autoriser une rémunération de la betterave autour de 55 €/t", déclare Franck Sander, président de la CGB. À ce taux, la filière française pèserait environ 1,73 Md d’euros.

 

Seul point noir: la superficie totale cultivée. Elle baisse de 5% cette année, pour une valeur qui descend à 379.000 ha.

Une saison éprouvante sur le terrain

L’année commençait déjà mal pour les exploitants, car l’interdiction décidée fin janvier, par la Cour de justice de l’UE, d’utiliser des néonicotinoïdes en enrobage de semences allait prendre toute une profession de court.

 

Puis, les cultivateurs ont subi trois limites difficiles à gérer:

 

  • des semis et un cycle perturbés par de pluies records
  • de fortes attaques de cercosporiose et jaunisse
  • une richesse en sucre insuffisante
 Malgré les bons résultats d’un point de vue agronomique, la situation n’est pas aussi favorable, poursuit Frank Sander. De nombreux semis ont été décalés, suite à de fortes précipitations, répétées, notamment dans le nord de la France, qui ont rendu les champs impraticables. Dans certaines exploitations, on a terminé à la mi-mai, une situation inédite.

 

Le printemps trop humide a cédé sa place à un été plus sec. Au final, la récolte est sauvée par des chaleurs au bon moment, et par l’été indien chaud et pas trop arrosé qui a suivi.

Une surexposition aux bioagresseurs

2023 a aussi été marquée par les attaques de cercosporiose. Les exploitants sont de plus en plus confrontés à cette maladie, désormais présente dans la plupart des régions de production.

 

La CGB s’en inquiète, car les rendements en fin de cycle peuvent être très affectés. Pour contrer le phénomène, les semenciers commencent à commercialiser de nouvelles variétés, qui font preuve d’une résistance élevée à cette affection fongique. Mais elles ne sont pas encore suffisamment implantées par les betteraviers.

 

La jaunisse a aussi causé des ravages importants, mais très localisés. La région de Chartres concentre une majorité des cas identifiés. "Nous sommes encore en train d’évaluer les dégâts. Cela concerne quelques milliers d’hectares où, d’après nos observations, les pertes peuvent atteindre entre 20 et 30 t/ ha, parfois jusqu’à 40 t", précise Maxime Urvoy de la CGB.

 

Les betteraves récoltées offrent, en moyenne, de bons poids racine, mais une richesse en sucre historiquement basse qui pénalise les rendements finaux.

Des enjeux à dompter pour sécuriser la filière

Pour le syndicat des betteraviers, une saison aussi complexe met en exergue les efforts à déployer pour consolider les résultats. Ils s’articulent autour de 3 objectifs:

 

  • préserver les équilibres de marché
  • valoriser les pratiques agricoles
  • contribuer à la souveraineté alimentaire, énergétique et sanitaire

Le premier but est une priorité, car le contexte économique et géopolitique génère une inflation difficile à juguler. Les coûts de production ont explosé, passant à 3.100 €/ha aujourd’hui, contre 2.200 euros en moyenne sur la décennie précédente. La part des charges variables représente la majeure partie de l’augmentation. La hausse importante des cours sucriers profite pour l’instant à la betterave, mais jusqu’à quand? Le seuil de rentabilité serait passé de 25 €/t à 35 €/t.

 

L’interprofession craint aussi la concurrence de l’Ukraine, puisque son marché intérieur s’est effondré. Pour la CGB, la Commission européenne doit intégrer des outils de régulation du marché du sucre dans la prochaine PAC.

 

Concernant la culture, il apparaît capital de venir à bout de la jaunisse, qui est "un véritable fléau pour la betterave". La CGB appelle l’Europe à réagir et défend le principe du "pas d’interdiction sans solution" pour éviter les impasses techniques et les distorsions de concurrence.

 

Enfin, la confédération souhaite le développement des débouchés concernant l’alcool de betterave. La production de gel hydroalcoolique et de superéthanol est en forte demande. Concernant les biocarburants, le marché français est à même d’absorber cette croissante, qui permettrait aussi de garantir une meilleure souveraineté énergétique à l’heure de la flambée des coûts de l’essence.