Épandre les digestats à bon escient

La mauvaise valorisation d’un digestat peut annuler les effets bénéfiques de la méthanisation sur son milieu. Il est donc important de bien les connaître pour les valoriser au mieux dans un système de production bien calibré.

Unité de méthanisation

Pour que la méthanisation ait l’impact le plus faible sur le sol, il est essentiel de dimensionner l’unité de manière à ne pas devoir y introduire la totalité de la matière organique disponible sur l’exploitation

© Solagro

Il n’y a pas un digestat, mais des digestats... S’ils peuvent tous être catégorisés et intégrés à l’une des 7 grandes familles définies par le projet Ferti-Dig, chaque digestat reste unique.

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« Certains affichent un C/N proche de 6 ou 7 et se dégradent déjà vite, mais d’autres présentent un C/N inférieur à 1 et sont donc à assimiler à des engrais minéraux », note Sophie Bourgeteau-Sadet, cheffe de projet Métha-BioSol. Une caractéristique à prendre en considération quand il s’agit de bien les valoriser.

Le digestat influence la teneur en carbone du sol

Il a été mis en évidence, dans les dispositifs expérimentaux d’Inrae et d’Obernai, que l’application répétée de digestat sur une même parcelle engendre une diminution de la teneur en carbone organique du sol.

Des observations similaires sont faites pour des applications répétées de lisier et d’engrais minéraux. Seuls les apports répétés de fumier permettent de maintenir la teneur en carbone organique d’un sol.

Une vie biologique maintenue, voire accrue

Concernant la vie biologique du sol, les essais menés mettent en évidence un impact du digestat intermédiaire entre celui d’un fumier et d’un engrais minéral.

Céline Laboubée, cheffe de projet méthanisation au sein de Solagro, évoque d’ailleurs le sort des vers de terre : « Il y a très souvent une plus-value des digestats sur la population de lombrics à moyen et long termes. En revanche, il n’est pas rare d’observer une mortalité accrue à la suite immédiate de l’épandage de digestat, comme avec un lisier d’ailleurs, mais la population des vers de terre est la plupart du temps égale, voire supérieure à la référence 15 jours après l’épandage. »

En lui-même, le digestat ne semble donc pas avoir d’effet plus néfaste que les autres produits épandus sur les sols. Cependant, le projet Metha-BioSol tend à montrer que ces effets néfastes peuvent être compensés par d’autres pratiques agricoles, telles que la restitution des résidus de cultures au sol ou encore la réalisation d’une fertilisation combinée digestat-fumier non digéré.

Garder de la matière organique sous le pied

« Lors du dimensionnement d’une unité de méthanisation, il est essentiel, pour limiter son impact sur les sols, de ne pas compter sur la totalité de la matière organique disponible sur la ferme pour alimenter le digesteur. Il est important qu’une partie du fumier, des résidus de récolte et des couverts végétaux soit directement restituée au sol afin de l’amender. L’idée étant de restituer au sol suffisamment de carbone pour ne pas voir s’amenuiser le stock existant. »

Les agriculteurs qui entrent dans un système où la totalité de la matière organique disponible doit entrer dans le digesteur ont du mal à s’inscrire dans des pratiques vertueuses pour le sol et l’environnement. Face à la méthanisation (prélèvement et restitutions), il est nécessaire qu’il y ait des pratiques compensatoires afin d’apporter du carbone au sol, le digestat étant avant tout un fertilisant.

Des Cive oui, mais pas trop productives

Céline Laboubée identifie le même besoin de ne pas atteindre les extrêmes en ce qui concerne la production des Cive pour rester dans un système vertueux pour l’environnement. « Afin d’éviter des dérapages d’une conduite intensive des Cive, chez Solagro, nous misons sur un rendement compris entre 6 et 8 tMS/ha, selon le contexte pédoclimatique et la place dans la rotation, pour le dimensionnement des unités de méthanisation. Au-delà, l’itinéraire de la Cive risque d’être trop intensif et la date de récolte trop tardive, pour ne pas influencer le rendement de la culture alimentaire suivante. »

Les Cive contribuent aussi à alimenter le sol en carbone organique et donc à limiter, voire éviter l’érosion constatée par l’apport de digestat.