PPF : des changements à prévoir en 2024 ?

Le 7e programme d’actions national nitrate est entré en vigueur au 1er janvier, et les déclinaisons régionales devraient sortir au printemps 2024. Quelles conséquences possibles sur le plan prévisionnel de fumure ? Le point avec Marine Debout, conseillère environnement à la chambre d’agriculture de la Meuse, qui donne aussi ses conseils pour réussir son PPF et éviter les erreurs les plus fréquentes.

Tracteur fertilisant avec engrais

Le PAR (programme d’actions régional) devrait sortir fin mars 2024, avec une mise en application effective après la récolte 2024.

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« Nous sommes en plein bouleversement au sujet des plans prévisionnels de fumure (PPF) », reconnaît mi-février Marine Debout, conseillère à la chambre d’agriculture de la Meuse, qui réalise chaque année une centaine de PPF. « Nous accompagnons les agriculteurs dans leurs plans de fumure, à la fois en individuel, et lors de leurs journées de formation et de saisie sur le logiciel MesParcelles. »

Mais ce début 2024, les choses semblent incertaines quant au PPF. Le 6e programme d’actions national « nitrates » a laissé place depuis le 1er janvier 2024 à un nouveau programme. Sa déclinaison régionale est cependant encore en consultation, afin d’envisager une mise en œuvre locale des mesures nationales.

« Pour l’heure, nous restons sur les règles du 6e plan d’action. Le 7e programme devait initialement entrer en vigueur au niveau régional le 1er mars, et il était alors prévu refaire les PPF pour l’année en cours. Finalement, le PAR (programme d’actions régional) devrait sortir fin mars, avec une mise en application effective après la récolte 2024. Le PPF en cours ne serait donc pas à refaire », indique la conseillère, reconnaissant un manque d’information de l’administration.

Modifications prévues sur les digestats

Les modifications apportées devraient porter sur le calendrier d’épandage, les intitulés de cultures (dérobées, inter-cultures, etc.) ou encore les nouvelles appellations d’effluents (dont les digestats).

« L’enjeu est certainement d’avoir un durcissement des règles, surtout pour les apports de digestats, d’après nos retours. On peut alors s’interroger, surtout aujourd'hui, au sens d’une surtransposition et donc d’un durcissement régional de normes nationales, voire européennes », glisse Marine Debout.

En attendant, la conseillère poursuit son accompagnement des agriculteurs, afin de réaliser les prévisionnels de fumure, obligatoires pour les exploitations en zone vulnérable, ou soumise à des mesures agro-environnementales spécifiques. Pour toutes les surfaces de l’exploitation, y compris les parcelles non fertilisées, le PPF doit être établi à l'ouverture du bilan (semis ou sortie d'hiver pour les cultures d'automne), et clôt avant le 15 avril.

Deux méthodes de calcul sont homologuées pour définir la dose d’azote prévisionnelle : méthode du bilan additif et méthode CAU (coefficient apparent d'utilisation de l'engrais). « Historiquement, la chambre d’agriculture de la Meuse se base sur cette deuxième méthode », poursuit la conseillère, qui rappelle les obligations liées plus largement à la directive nitrate (avoir fait un bilan prévisionnel avec calendrier d’épandage à jour, réaliser au moins une analyse de sol annuelle, mettre en place des bandes tampons d’au moins 5 m le long des cours d’eau.)

Erreurs fréquentes

Parmi les principales erreurs observées, la conseillère relève :

  • la confusion entre CIPAN (règle de la directive nitrate) et SIE (surface d’intérêt écologique, via la BCAE8 de la PAC). La première est obligatoire sur une interculture longue, composée ou non de légumineuses mais sans légumineuses pures, sans obligation de date de semis et à détruire après le 15 octobre, à condition d’avoir 2 mois minimum entre semis et destruction. La SIE, composée obligatoirement de deux espèces, doit être semée avant le 20 août et détruite à partir du 15 octobre ;
  • mettre à jour son calendrier d’épandage (au plus tard 1 mois après chaque action, mais idéalement le plus tôt possible) ;
  • respecter la dose d’azote indiquée dans le PPF, hormis dans le cas de l’emploi d’un OAD où il est alors possible d’accroître la fertilisation à condition d’avoir les préconisations de l’OAD ;
  • prendre la moyenne olympique et non l’objectif de rendement dans la base de calcul de la dose d’azote prévisionnelle. « Cette erreur est très fréquente ! Et elle amène à surestimer les apports d’azote, passible d’amende », indique Marine Debout. La moyenne olympique correspond, par culture, à la moyenne des rendements des 5 dernières années, soustrait de la meilleure et de la pire des années. Dans le cas d’une exploitation avec de grandes hétérogénéités de sol, il est possible de prendre le rendement olympique par culture et par grand type de sol ;
  • bien préciser les variétés pour certaines cultures (blé notamment).

Contrôles et amendes

Un premier niveau de contrôle du PPF se fait sans l’agriculteur, pour constater le respect de certaines mesures (présence de couverts, respect des 5 m de bandes tampons, etc.). Dans un deuxième temps, un contrôle de la directive nitrate peut avoir lieu en présence de l’agriculteur qui devra alors présenter son PPF et justifier la réalisation de ses mesures.

En cas de manquement, au titre de la directive nitrates, les infractions sont punies au minimum d’une amende fixée par le tribunal pénal de 1.500 € maximum, portée à 20.000 € en cas de récidive. En pratique, un agriculteur ayant fait l’objet d’une condamnation au pénal n’est plus éligible à certaines aides.

Au titre de la conditionnalité des aides, toute anomalie constatée en cas de contrôle, notamment un des documents absent ou incomplet, induit des pénalités de 1 à 5 % du montant des aides, pouvant atteindre 20 % à 100 % en cas de faute intentionnelle.

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