« Le nouveau corridor de navigation en mer Noire fonctionne bien », a sobrement déclaré Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre chez FranceAgriMer, le 14 février, lors du point mensuel mené par l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer,
Pas étonnant que les céréaliers européens, polonais et bulgares en tête, manifestent avec éclat leur inquiétude face au déferlement des produits envoyés par Kiev.
Mais si, selon ce spécialiste, « les autorités ukrainiennes ont pris des mesures de discipline envers les exportateurs pour éviter la violation des règles d’exportation de produits agricoles vers certains pays de l’UE », la percée pourrait se poursuivre.
Des cours en baisse sur Euronext
Les céréales ukrainiennes sont en effet particulièrement compétitives, au point, d’ailleurs, de peser sur les cours à Paris, où le contrat à terme sur le blé meunier, dont l’échéance est la plus proche, a poursuivi sa baisse sur Euronext pour s’établir à 208,50 €/t le 12 février 2024.
« Ces baisses s’expliquent par la nécessité de compétitivité face aux origines mer Noire », a ainsi indiqué Clémence Lenoir, chargée d’études économiques grandes cultures chez FranceAgriMer.
Des stocks ukrainiens disponibles
Et l’Ukraine a et aura des grains à vendre. Au 8 février, la superficie récoltée totalisait 97 % de la surface plantée, selon FranceAgriMer.
De plus, outre le stock initial disponible (à 4,58 Mt) pour la campagne 2022-2023, les rendements sont en hausse cette année. La production totale devrait être de l’ordre de 21,4 Mt. En baisse, certes, par rapport à une moyenne quinquennale et du fait de moindres surfaces cultivées, mais tout de même élevée.
Dans son dernier rapport mensuel, le département de l’agriculture américain a d’ailleurs augmenté ses prévisions d’exportation de blé de la part de l’Ukraine d’un million de tonnes, à 15 Mt en 2023-2024.
Mesures européennes d’aides commerciales à l’Ukraine
Les acteurs européens sur le marché peuvent toujours espérer, en mars, un vote en leur faveur de la part du comité du commerce international (Inta) du Parlement européen sur les mesures commerciales autonomes.
Mais il n’en reste pas moins que la Commission européenne a déjà proposé, le 31 janvier 2024, une prolongation de cette suspension des droits d’importation et des quotas sur les exportations ukrainiennes jusqu’en juin 2025. Les mesures en vigueur actuellement expirent en effet le 5 juin 2024.
Exportations françaises vers le Maroc et la Chine
La concurrence risque donc d’être encore rude, mais cela n'empêche pas les producteurs français d'exporter.
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Pour la campagne 2023-2024, les perspectives d’exportation en Europe, principalement vers l’Espagne et l’Italie – la première ayant souffert de la sécheresse, la seconde de la pluie –, ont été revues à la baisse de 240.000 tonnes en raison de la concurrence des origines mer Noire.
En revanche, vers les pays tiers, dont le Maroc et la Chine, elles sont en hausse de 150.000 tonnes (pour un total sur la campagne commerciale de quelque 10,25 Mt.)