Après un bond au début de la crise au Moyen-Orient, les cours du brut ont quelque peu reflué ces derniers jours. Mais rien ne dit que le pétrole n'atteindra pas des sommets dans les semaines ou les mois qui viennent, en cas d'extension du conflit. Si les prix du blé sont généralement corrélés à l'évolution de l'or noir, Antoine Andreani, analyste senior chez le courtier XTB, envisage un renversement de tendance. Explications.
Les cours du brut ont reflué ces derniers jours. Est-ce le signe d'une accalmie sur les marchés ?
Antoine Andreani: La majorité des transactions sur les marchés du pétrole se fait désormais grâce à des algorithmes, qui déclenchent des ordres d'achat ou de vente en fonction d'un seuil ou d'un support atteint. Ces robots traders, utilisés par les plus grandes institutions financières, représentent 90% des transactions sur les contrats à terme du brut. L'analyse technique est donc essentielle. Alors que les cours ont effectivement tendance à reculer, autour de 84 dollars le baril pour le WTI (West Texas Intermediate), le support technique se situe à 82,1 dollars. Le casser à la baisse serait un signal baissier (pas de choc pétrolier). Cependant, à ce niveau, les cours pourraient à nouveau rebondir. Le seuil clé est situé à 91,5 dollars le baril. S'il est percé, les cours peuvent alors grimper, en fonction des ordres déclenchés, jusqu'à 102 dollars, voire enfoncer le suivant, à 125 dollars et même filer vers 170 dollars, objectif ultime des systèmes de trading !
Difficile, dans ces conditions, de prévoir l'évolution des cours du blé...
A. A.: En effet, d'autant que la plupart du temps, cette évolution est liée à celle du pétrole. Cela dit, le blé a souvent tendance, si l'on se réfère à l'analyse technique, à faire un double top, puis un double bottom. Autrement dit, il monte deux fois d'abord. Ainsi, il a atteint un plus haut en février 2008, situé à 1.349 cents par boisseau de blé, avec la bulle immobilière américaine, et de nouveau, en mars 2022, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Puis il baisse également deux fois. Le précédent creux avait été atteint à 387 cents par boisseau, en août 2016, en raison du crash historique du prix du baril. Le blé baissera-t-il de nouveau? C'est possible. Il est actuellement sur les niveaux de 562, et le support technique se situe à 454. Si celui-ci est enfoncé, les cours peuvent descendre jusqu'à 388 et alors effectuer un possible double bottom, avant de rebondir puissamment. Mais cela dépend aussi de l'évolution du brut. Si la crise au Moyen-Orient s'intensifie et que le pétrole s'envole, créant par là même une nouvelle et forte poussée d'inflation, voire, ensuite, une récession sévère, les investisseurs se porteront sur des valeurs refuge comme l'or ou le dollar, et délaisseront d'autres produits, dont les denrées agricoles. Une décorrélation temporaire entre cours du brut et du blé est donc possible.
Et les fondamentaux dans tout ça ?
A. A.: On constate, avec les effets de l'inflation, une baisse de la demande pour le blé dans l'alimentation animale, mais pas dans la consommation alimentaire pour l’instant. En outre, la Russie dispose d'une offre de céréales abondante. De même, les conditions météo ont permis à la Russie, l'Ukraine, la France, mais aussi au Brésil d'avoir de bonnes récoltes. Cette potentielle abondance de l'offre, face à une demande relativement stable, aura logiquement tendance à faire baisser les cours. Mais, pour revenir au pétrole, il faut aussi attendre la prochaine réunion de l'Opep, le 26 novembre, et voir quelle sera la réaction du cartel de producteurs, qui sont principalement au Moyen-Orient, face à la crise géopolitique et à la baisse des cours...