Déforestation : l'application du règlement européen est reportée

La Commission européenne vient de proposer de repousser d'un an la mise en application d'un texte exigeant de certifier que les produits importés – soja, bœuf, huile de palme – ne proviennent pas de forêts récemment transformées en champs. Les filières d'approvisionnement auront davantage de temps et de facilités pour s'adapter.

Les producteurs agricoles se rejouissent du report de la législation sur la déforestation importée. Les incertitudes qui entouraient sa mise en œuvre créaient en effet une situation dangereuse pour eux. 

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Prévue à l'origine pour entrer en vigueur le 30 décembre 2024, la réglementation européenne sur la déforestation et la dégradation des forêts (EUDR, en anglais) est reportée d'un an. C'est en tout cas ce que vient de proposer la Commission européenne, sous la pression des industriels du secteur et de certains pays tiers.

Législation applicable fin 2025

Si le Parlement européen et le Conseil approuvent la proposition, la législation sera applicable au 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et au 30 juin 2026 pour les petites.

Adopté en 2023, le texte stipule que, pour faire entrer des marchandises dans l'Union européenne (ou les exporter), les importateurs (et les exportateurs) certifient que des produits tels que le soja, le bœuf, le café, le cacao, l'huile de palme, le caoutchouc et le bois, ainsi que leurs dérivés, cuir ou meubles, ne proviennent pas de lieux qui auraient fait l'objet d'une déforestation ou d'une dégradation des forêts après le 31 décembre 2020.

Lobbying du Brésil

Louable, l'initiative, qui aurait fait de l'Europe une pionnière dans ce domaine, s'est heurtée d'une part à un intense lobbying, venant de poids lourds de l'agroalimentaire comme le Brésil (notamment pour le soja et le bœuf) et l'Indonésie (pour l'huile de palme), de même que certains pays d'Afrique (Côte d'Ivoire ou Ghana pour le cacao), tous soupçonnés de déforestation, au moins dans le passé.

Les industriels réclament des clarifications

Et d'autre part, l'UE a dû faire face à la grogne des industriels, qui réclamaient plus de clarté et de facilités de la part de Bruxelles concernant la mise en application. D'ailleurs, pendant les 12 mois de répit, l'Europe s'occupera de mettre en œuvre un seul point de contact pour la technologie de traçabilité des industriels, offrira du soutien pour tester les méthodes de géolocalisation et fournira des instructions détaillées en plusieurs langues pour la mise en œuvre de la législation.

Alors que les producteurs européens réclament des protections contre la concurrence déloyale, notamment sous forme de clauses miroirs dans les traités commerciaux, on aurait pu penser que la mise en application de la réglementation européenne sur la déforestation importée leur aurait convenu. Ce n'est pas le cas, en fait.

Un report salué par les acteurs du secteur

De nombreuses organisations représentant les acteurs du secteur, de la Copa-Cogeca (Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne), à l'Union européenne du commerce du bétail et des métiers de la viande (UECBV), dans un communiqué commun, en passant par La Coopération agricole, dans un autre, ont salué la proposition de report, qualifiée de « pragmatique », de la Commission européenne.

Disruption dans les chaînes d'approvisionnement

Si aucune de ces organisations ne remet en cause le bien-fondé de la législation, toutes étaient inquiètes. Les unes des aspects pratiques peu clairs du texte et de la surcharge administrative qu'il implique, les autres de disruptions dans les chaînes d'approvisionnement.

Incertitudes sur les volumes de tourteaux de soja

Ainsi, La Coopération agricole fait valoir que « les incertitudes qui entouraient la mise en œuvre du règlement EUDR créaient une situation dangereuse pour les éleveurs, les coopératives et leurs fournisseurs, particulièrement en ce qui concerne l'approvisionnement en soja ou la production de viande bovine ». Elle note ainsi que les importateurs et fournisseurs avaient suspendu leurs cotations de tourteaux de soja, ingrédient clé pour l'alimentation des animaux dans toutes les filières, laissant les fabricants d'aliments pour animaux d'élevage dans une situation incertaine, avec des informations limitées sur les volumes disponibles.

Et si les signataires du communiqué commun (Copa-Cogeca, UECBV et autres) déclarent qu'il est « crucial de s'assurer que le texte soit appliqué dans les meilleures conditions pour qu'il soit efficace », La Coopération agricole conclut, de son côté, que ce délai d'un an donne aux filières l'opportunité « de faire évoluer sereinement leurs chaînes d'approvisionnement ».